Chapitre 9 : La Vengeance d'une Femme

Začať od začiatku
                                    

Oh... mon... Dieu.

Elle venait de devenir officiellement la maitresse de monsieur Florentin.

Mortifiée, le rouge aux joues, elle se demanda comment ils en étaient arrivés là. Puis elle se souvint l'avoir indéniablement provoqué la veille au soir. Oh la la ! Il allait la prendre pour une dévergondée ! Surtout après qu'elle lui ait... Enfin, elle ne connaissait pas les pratiques des gens de la haute, mais elle voyait mal ces dames s'adonner aux plaisirs de la chair avec autant d'enthousiasme !

Par bonheur, son partenaire semblait avoir un sommeil de plomb. D'un autre côté, suite à leurs activités, elle ne voyait pas comment il aurait pu en être autrement. Elle-même avait fortement envie de sombrer de nouveau.

Malheureusement, le malaise de la situation la laissait tendue comme un balai dans le lit. Elle devait sortir de là. Elle devait sortir de cette chambre. D'ailleurs, comment avaient-ils fait pour arriver là sans faillir à la décence ? Ils avaient passablement déchiré leurs vêtements respectifs.

Elle était aussi tout à fait nue entre les draps.

Léopoldine réfléchit, ma fille ! s'admonesta-t-elle.

Il était tôt. Elle pourrait certainement rejoindre sa propre chambre sans alerter tous les Millicent. La première étape serait donc de se glisser hors du lit sans réveiller monsieur Florentin. Retenant son souffle, la jeune femme se dandina. Elle se retrouva rapidement hors de la sécurité des draps, toute nue et glacée jusqu'au bout de ses petits orteils.

Bon. Maintenant, il lui fallait trouver de quoi se vêtir. Par bonheur, une robe de chambre d'un bleu roi éblouissant trainait sur l'un des fauteuils de brocart pourpre. Sans hésiter, Léopoldine s'enroula dedans, fut surprise de la voir trainer au sol –monsieur Florentin était bien plus grand qu'elle-, avant de jeter un dernier coup d'œil à son désormais amant.

Allongé sur le ventre, le visage tourné vers elle et ses bras enlaçant un coussin, il avait toujours la beauté d'un dieu grec. Ses cheveux en bataille dégageaient son visage serein dans le sommeil, et le drap blanc, rejeté au pied du lit, laissait voir les lignes de son corps, le galbe de ses fesses, son dos musclé, son...

Elle devait sortir de cet antre du vice !

Se précipitant presque dehors, elle se félicita de ne découvrir personne dans le couloir. Trottant jusqu'à ses appartements, elle s'enferma dans le salon jaune avec un immense soupir de soulagement.

Comment allait-elle faire à présent ? Elle venait d'avoir une aventure avec l'un des hommes les plus puissants et les plus dangereux de France. Le Marquis d'Aresac, héritier des Millicent.

À qui elle était attachée par l'obligation de faire des potions contre le changement de taille.

Non, vraiment... Plus jamais elle n'oserait se présenter devant lui ! Pas après son total abandon, son oubli des convenances !

Un rire aigu retentit dans la chambre, la faisant se tétaniser contre la porte à laquelle elle était restée adosser. Oh non...

-Trainée... chuchota-t-on à son oreille.

Léopoldine fit un bond en arrière, les yeux écarquillés. Personne. Elle tourna de nouveau la tête... Et le visage calciné d'un mort lui feula dessus, juste avant qu'il ne lance les mains pour la griffer.

L'instinct de survie fit son œuvre : d'une parole prononcée d'une voix sèche, la créature fut propulsée à l'autre bout de la pièce. Par tous les saints des cieux ! Pourquoi venait-il l'importuner, après toutes ces années sans pouvoir l'atteindre !?

Des ricanements résonnèrent dans tout le salon jaune. Déjà, le mort se redressait, de cette façon désarticulée si particulière. Léopoldine déglutit nerveusement, en envisageant ses différentes options. En vérité, elle n'en avait guère. Surtout quand des esprits aux allures d'hommes cornus miniatures se mirent à surgir des ombres, pour ramper le long des murs, telles une nuée d'araignées

Démons... mineurs, mais démons tout de même.

-Que la peste soit de cette séance de spiritisme ! s'exclama-t-elle en comprenant soudain.

Elle avait ouvert des portes qui étaient restées béantes depuis ! Pas étonnant qu'elle fasse l'objet de régulières attaques, dans ces circonstances ! Non de dieu de... le mort chargea avec un mugissement inhumain. Prise de panique, Léopoldine recula, butta contra la porte...

Son pouvoir s'imposa à elle dans un élan désespéré. Les murs vibrèrent sous l'impact. Un craquement sembla se propager dans tout le château, tandis que le calciné restait cloué sur place. Les démons, eux, émirent des gémissements désarticulés en tombant telles des mouches sur le tapis d'Orient. Les iris devenus d'un blanc laiteux, Léopoldine sentit ses cheveux se soulever de ses épaules, pour flotter au gré d'un vent éthéré.

Ce dernier était bien réel, pour elle. Et elle les vit, ces portes ouvertes sur l'au-delà. Béant tout autour d'elle, elles avaient été le point d'entrée pour tous ces démons mineurs. Au déploiement de ses dons, elles s'écartèrent un peu plus.

Des hurlements de terreurs se firent entendre dans toute la demeure des Millicent. À tour de rôle, nobles, femmes et maitresses s'éveillèrent, avec pour première vision celle d'un fantôme translucide, aussi surpris qu'eux de se retrouver là.

-Jarnicoton !

Le cri parut lointain à Léopoldine. Les détonations lui parurent bien plus proches, plus encore lorsque la créature calcinée recula sous l'impact des balles. Une à l'épaule. Une au genou. Deux dans le crâne.

L'apparition s'évanouit soudain, à l'instar des petits démons. Ils furent soudain balayés vers la porte... Et deux mains se posèrent sur le visage de Léopoldine. Le lien étant rompu une nouvelle fois de façon abrupte, elle s'écroula dans des bras fermes, froids contre sa peau.

Haletante, elle battit des paupières, ses yeux redevenant émeraude.

-Je... monsieur Florentin...

Essoufflée, elle tenta de se redresser. Néanmoins, le Marquis ne l'entendit pas de cette oreille. Il l'assit d'autorité dans l'un des fauteuils du salon, avant de s'accroupir devant elle, les sourcils froncés. Son regard la parcourut, comme s'il cherchait à distinguer une blessure. N'en voyant aucune, il revint à son visage.

Lui ne portait qu'un pantalon certainement enfilé à la va-vite, et ses cheveux en bataille portaient la marque de leurs ébats. À sa main fumait encore un pistolet à un coup.

-Mademoiselle de Briac. Nous allons avoir, je le crains, une sérieuse discussion.

-Je suis désolée...

-Je l'imagine bien. Vous venez de réveiller à peu près tous les fantômes des individus morts entre ces murs, depuis sa construction.

Hein ? Léopoldine battit des paupières, sans comprendre. Puis elle les vit. Trois, quatre fantômes, debout derrière monsieur Florentin. L'air hébété, ils la fixaient. Puis lui parvinrent les hurlements. Les bruits de cavalcades. La voix tonitruante du Duc, ainsi que celle de la Duchesse. Qu'est-ce que...

-Mon fils ! tonna Angèle de Millicent en ouvrant la porte à la volée.

Nullement surpris, le Marquis d'Aresac leva la tête vers sa mère. En chemise de nuit affriolante, la Duchesse semblait d'une humeur massacrante.

-Tu veux que j'aille chercher Lord Abiscon ? fit-il avec le plus grand calme.

-Oui. Cela m'arrangerait fortement. Nous avons trois ectoplasmes par chambrée, et trois de nos Barons viennent de faire un arrêt cardiaque. J'aimerais préserver le reste de nos invités, si tu n'y vois pas d'inconvénient.

-Je n'en vois aucun, maman. Pourrais-tu envoyer Aliénor et Aurore auprès de mademoiselle Léopoldine ? Son cas, je crois, nécessite une étroite surveillance.

Angèle posa son regard perçant sur la sorcière, qui pâlit un peu plus. Un sourire de mauvais augure étira les lèvres pleines de la Duchesse de Millicent.

-Ne t'en fais pas, mon fils. Je vais personnellement m'occuper d'elle.


3. La Cuisse DoréeWhere stories live. Discover now