La peur me noua l'estomac. Il se tenait là, devant moi, encore. J'aurai dû prendre mes jambes à mon cou et rejoindre la maison de Grand-Ma le plus rapidement possible, mais quelque chose m'en empêchait. C'est comme si une force invisible me maintenait fermement assise sur le trottoir goudronné, m'immobilisant contre mon gré. Pourtant je ne tentai pas de me dégager, j'étais bouche-bée devant l'immonde spectacle qui se déroulait sous mes yeux apeurés. Un monstre. Il était debout sur deux grandes pattes griffues. Son torse difforme était sombre et son visage, s'il en possédait un, n'était muni que d'une immense gueule à double dentition dont les dents jaunes étaient aiguisées tels des couteaux de boucher. Ses bras étaient aussi puissants et imposants que son torse robuste. Ses mains à quatre doigts prenaient appuis sur les toits des maisons tandis que ses pieds s'enfonçaient dans le sol creusant des cratères au centre de la route. Dépourvu de la vue, la créature humait constamment l'air et poussait des cris stridents qui déchiraient le son du vent. J'en était sûre, je n'étais pas folle. Je venais de le voir engloutir deux humains en chairs et en os. Mon sang se glaça. J'étouffai un cri lorsque la bête se tourna dans ma direction.