J'ai regardé dans le miroir et j'ai vu...

Un matin, j'ai pris le temps de m'observer dans le miroir et j'ai vu:

- Des rides un peu partout comme si je venais de cliquer sur Google Maps.

- Des cheveux blancs, trop de cheveux blancs.  Tellement blancs qu'ils font de l'ombre à mes morceaux de sucre.

- Deux seins tout vides. Ils étaient toujours bien là mais pas à l'endroit où je les espérais. Mes deux pommes de Newton s'étaient transformées en deux poires plus plates que mes vinyles stockés au grenier.

- J'ai vu des taches de vieillesse. Un gentil monsieur rencontré dans une bibliothèque m'avait suggéré d'utiliser des jolis mots pour embellir les choses désagréables. Il avait alors surnommé mes taches de vieillesse " taches de tendresse". Il n'avait pas tort, mes mains pleines de taches étaient devenues on ne peut plus tendres et molles au fil du temps.

- Puis, j'ai vu un reste de dents, assez de dents pour pouvoir encore ronger l'os de mon jambonneau moutarde dans la brasserie où je me rends depuis plus de 40 ans. Ils ont rajeuni le décor et les serveurs mais ne peuvent pas empêcher leurs clients de vieillir malheureusement.

- J'ai vu quelques horribles poils drus se promener par ci par là sur mon menton. Ma complice et amie la pince à épiler m'aide à les arracher mais ma vue baissant, je remplace le poil par de petites égratignures rouges après avoir sué comme un bœuf , ou plutôt comme un veau tout sec, afin d'attraper ce poil disgracieux qui s'accroche de toutes ses forces et de toutes ses racines pour ne pas me quitter.

- J'ai vu des bras plus fins qu'une clarinette mais aussi flasques qu'une énorme portion de gelée anglaise à la menthe.

- J'ai vu mes mains trembler non pas parce qu'elles battaient la musique mais bien parce qu'elles frissonnaient à l'idée de devenir encore un peu plus fripées.

Et puis je n'ai plus regardé dans le miroir mais à 'intérieur de moi et j'ai pu apercevoir une quantité innombrable de choses qui avaient été, qui sont et seront toujours le sel de ma vie:

J'ai vu des réunions de famille et d'amis qui ne se terminent que lorsque chacun est épuisé d'avoir trop parlé et trop mangé.

Des couchers de soleil, des papillons dans le jardin, des chiens qui se laissent caresser tendrement, du sable que l'on laisse filer délicatement entre ses doigts.

J'ai vu des baisers tout doux mais aussi des fougueux, des larmes de bonheur, des larmes de tristesse, de souffrance mais c'est peut-être parce que les larmes de souffrance existent que l'on devient capable d'apprécier la valeur inestimable d'une larme de bonheur.

J'ai vu des sapins de Noël trop chargés mais surtout magiques. J'ai vu des crèmes glacées onctueuses,  des campagnes gorgées de lumière du sud et d'oliviers.

J'ai vu des couples  sourire sur des photos en se passant la bague au doigt, des gens danser jusqu'à ce que le jour se lève , des flocons de neige tomber sur des petits bouts de nez d'enfants frigorifiés mais émerveillés.

J'ai vu des films et lu des livres qui ont eu le pouvoir de changer le cours de ma vie.

J'ai vu des boites à trésors dans lesquelles on range la moindre carte postale, le moindre souvenir de tous ceux que nous aimons. J'ai vu  la chaleur réconfortante et bienfaisante d'une couverture en plein hiver.

Le rouge vif des rouges à lèvres "embellisseurs" de sourires, le rouge du bon vin qui enivre et donne envie de rire.

Enfin, j'ai vu cette merveilleuse réalité qui se reflétait dans le miroir, elle était en moi et partout autour de moi. Cette réalité, c'est la VIE! La vie qui  passe ne se regarde pas avec regrets mais au contraire, se célèbre chaque jour. La vie, c'est un cadeau qui ne perd jamais rien de sa valeur.