Matin d'hiver

Tout était calme. Son ventre se soulevait lentement, au rythme régulier de sa respiration. Tous les muscles de son corps étaient détendus, de la tête jusqu'au bout des pieds. Un énorme nounours brun aux poils doux, à travers ses yeux de plastique, posait sur elle un regard protecteur. Son sac d'école était soigneusement préparé, et attendait patiemment au pied du lit. Au milieu de toutes ses couvertures, elle se sentait bien.

Dehors, le soleil n'allait pas tarder pas à pointer le bout de son nez. Les quelques étoiles qui réussissaient à percer les épais nuages, brillaient fort dans le ciel. Le croissant de lune, guide de la nuit, veillait. Un doux manteau blanc recouvrait le toit de la maison. Dans le jardin, on distinguait toujours une ou deux traces de pas. Quelques flocons virevoltaient encore dans le ciel sombre. Juste sous sa fenêtre, le chêne majestueux faisait danser les pauvres feuilles qui lui restait. Les oiseaux s'étaient tus depuis longtemps déjà et la nuit paisible les berçait. A côté d'elle, son chat ronflait aussi. Une voiture se fit entendre au loin, son doux vrombissement parvint jusqu'à ses oreilles mais ne les pénétra pas. Les premiers rayons du soleil, que les vieux stores ne parvinrent à arrêter, caressèrent ses joues roses. Pourtant, ses jolis yeux verts restèrent clos. Un vent léger vint dégager une mèche de cheveux de son visage. Elle replia ses jambes fines contre son ventre et remonta son duvet jusqu'à ses épaules.

Son esprit vagabond la faisait danser au loin, dans un champ de coquelicot. Elle imaginait le soleil réchauffant agréablement sa peau, et se voyait courir jusqu'à une rivière pour y tremper ses pieds nus. Ce tendre songe lui arracha un sourire.

Malheureusement l'heure tournait. Les secondes s'écoulèrent, puis les minutes. L'heure fatidique approchait à grand pas. Le radio-réveil était au garde-à-vous, prêt à donner l'alarme. Perdue dans son rêve, la malheureuse ne se doutait de rien. Il était trop tard. TIC TAC. Les oiseaux se réveillèrent. TIC TAC. Les maisons s'illuminèrent. TIC TAC. Le soleil grandit dans le ciel. TIC TAC. La journée s'annonçait belle. TIC TAC. Le vent se mit à siffler. TIC TAC. Un bruit strident secoua ses tympans. Elle se senti tirée violemment de son rêve. Elle fronça les sourcils et laissa échapper un soupir plaintif. De sa main elle tâta sa commode à la recherche de l'objet de malheur. Ses yeux fatigués peinèrent à s'ouvrir. Le nounours paraissait déjà moins vivant, la lune et les étoiles avaient été chassées par le jour naissant, le soleil faisait doucement fondre la neige, le vent violent malmenait le chêne, les oiseaux s'étaient cachés, et le chat effrayé s'en était allé.