Quarante-troisième virage

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Quarante-troisième virage.

Lord rattrapa Scandal dans le corridor juste au moment où il allait entrer dans sa chambre.

— Scandal !

Le biker blond finit enfin par se retourner.

— Quoi ? Tu vas me dire de garder mon calme ? Je suis calme. J'en ai juste assez de cette histoire... on avance à tâtons et on ne fait aucun progrès. Ça commence à me courir sur le haricot.

Il se disait calme, mais il n'en avait pas l'air. Lord le connaissait trop bien.

— Si un de nous a plus de raisons d'être en colère, ce devrait être moi, dit Lord en le fixant.

Instantanément, la tension des muscles de Scandal se relâcha. Que pouvait-il répondre à cela ?

— Tu as raison, pardon.

C'est Lord qui avait été torturé, pas lui.

— Ce n'est pas grave, le rassura le plus jeune. Mais je préfère qu'on gère la situation en gardant le sang-froid. Il attend que nous fassions une erreur, que nous soyons vulnérables... je le sens.

Scandal baissa la tête et soupira.

— Tu es tellement plus mature que moi parfois.

— Ce n'est pas nouveau, rétorqua-t-il avec un sourire moqueur. J'ai toujours été plus mature que toi.

Scandal se figea une micro-seconde, surpris, puis son sourire s'agrandit avec amusement.

— Tu deviens arrogant. Je commence à déteindre sur toi.

Lord rit et décida de jouer la carte de l'assurance à fond :

— D'ailleurs, tu comptais m'inviter à entrer dans ta chambre ou me laisser poireauter sur le bord de la porte ?

Le biker blond se décala pour le laisser passer, refermant la porte derrière eux. Il afficha un sourire plein de sous-entendus grivois.

— Tu sais que les autres vont se faire des idées en nous voyant tous les deux dans la même chambre... ?

Lord haussa les épaules, nonchalant :

— Ce ne serait pas la première fois. Puis... est-ce qu'il ne se sont pas tous déjà fait leur petite idée sur la chose ?

— Je ne peux pas croire qu'ils ont parié là-dessus... Je te jure que je n'en savais rien.

Le jeune homme à la chevelure sombre étira ses bras au-dessus de sa tête.

— Franchement, ce n'est pas le truc le plus stupide sur lequel ils ont parié.

— C'est vrai, lui consentit Scandal. En plus, ça veut dire qu'on peut choisir le gagnant...

Le cœur de Lord rata un battement. S'il avait bien compris la nature du pari de leurs amis... Ils avaient tous parié sur quand Scandal et lui allaient coucher ensemble. Les plus proches de la bonne date empochaient la mise du troisième. Mais la deuxième partie du gain ne serait consacrée que lorsque (et seulement si) Scandal et lui seraient un couple... Mais... ce ne pouvait pas être ce que sous-entendait le blond, si ? Lord n'osait y croire... Puis, il n'osait pas formuler ses doutes à voix hautes. La peur du rejet le guettait toujours. Déjà, il n'aurait jamais imaginé embrasser et toucher Scandal de cette façon un jour... il ne tenait pas à tout gâcher maintenant avec des questionnements qui pourraient être mal perçus.

Le plus jeune rit nerveusement.

— Ne dis pas n'importe quoi.

Scandal plissa les yeux avec un air calculateur.

— Je me demande juste comment nous pourrions en tirer profits...

Voilà qui ressemblait plus au biker. Il ne réfléchissait pas à tout ce qu'il disait. Il parlait toujours légèrement et sur le ton de la plaisanterie. Il n'avait probablement pas réfléchi une seconde à ce que « choisir le gagnant » de ce pari ridicule impliquait.

— Tu es impossible.

— C'est comme ça que tu m'aimes, non ?

Lord se raidit. Scandal se rendit alors compte de ce qu'il venait de dire et secoua la tête, mal à l'aise.

— Non, mais ce n'est pas... j'aurais dit la même chose, même avant. C'est comme ça que tu m'aimes... en ami.

Même sans connaître les sentiments de Lord à son égard. C'est le genre de vanne qu'il aurait quand même pu sortir.

Lord grimaça.

— Avec combien de tes amis tu baises comme ce matin ?

Scandal posa deux doigts sur son menton avec un air pensif. Quand il se sentait inconfortable avec la situation, il avait tendance à sourire et prendre les choses avec humour, ce qui pouvait souvent être mal reçu par les autres.

— Heu... ça dépend si ce sont des « amis avec bénéfices ».

Lord détourna le regard, mais prit son courage à deux mains pour poser une des questions qui le taraudaient :

— Est-ce que... c'est ce que je suis ?

Scandal le fixa longuement, la bouche sèche. Pourquoi Lord lui posait-il une telle question ? S'il avait été un de ses sex friends, il n'aurait pas hésité à le baiser dans les toilettes de ce bar, sur ce tapis d'entraînement ou contre la porte, première fois ou pas. Mais il n'avait jamais voulu traiter Lord de cette façon. Il pensait que c'était évident.

— Non, finit-il par dire après un long silence. Je ne t'ai jamais traité comme l'un d'eux.

Lord cessa de respirer. Il ignorait comment réagir et n'osait pousser son investigation plus loin. Cette réponse lui paraissait déjà être une incroyable avancée à laquelle il ne s'attendait pas du tout.

— Lord ? l'appela Scandal comme il était resté sans voix. Tu as perdu ta langue ? Je sais que ma beauté surnaturelle peut souvent couper le souffle... mais il faut respirer.

Le plus jeune écarquilla les yeux, le rouge lui montant aux joues. Il secoua vivement la tête.

— Pa-pardon, je... pensais à autre chose.

Scandal parut étonné. Comme s'il était complètement inconvenable que Lord puisse penser à autre chose que lui.

Vraiment ? demanda-t-il avec surprise. Alors que je suis juste devant toi...

Lord roula les yeux.

— Tu ne dois pas toujours être le centre du monde, tu sais.

Son interlocuteur sourit, amusé.

— J'ai seulement besoin d'être le centre de ton attention.

Le biker aux cheveux de jais se sentit fondre.

— Tu l'es déjà, murmura-t-il en baissant les yeux.

Malgré ce qu'il venait tout juste de dire – ce qui n'était qu'une excuse –, il avait tout le mal du monde à penser à autre chose que Scandal. Le blond occupait la grande majorité de ses pensées depuis très longtemps maintenant.

Il détourna le regard, gêné.

— Scandal ?

— Hum ?

— Je peux... rester dormir avec toi cette nuit ?

Scandal | GhostWhere stories live. Discover now