Quand mon père est mort l'année de mes vingt ans, d'un cancer, je n'ai pas été triste. Je ne l'ai revu que deux ou trois fois depuis qu'il avait quitté la maison quand j'étais enfant.
Je pense que c'était un juste retour des choses, il ne faisait que boire et fumer, il n'a jamais fait attention à sa santé. Ni à celle des autres.
Je ne suis pas allé à l'enterrement. Je ne voulais pas, il ne méritait pas que je me déplace pour lui.
Gabriel me l'a assez reproché, aujourd'hui encore. Et le jour où mon frère mourra, je n'irais pas voir sa tombe non plus.
Ces gens-là ne sont pas ma famille. Il n'y avait que maman.
Aujourd'hui, je n'ai plus que Gabriel. Mon seul parent, mon seul lien de sang.
J'aimerais qu'il disparaisse. Je ne souhaite pas sa mort, simplement qu'il me raye de sa vie. Qu'il arrête de débarquer dans la mienne comme si je lui devais encore quelque chose.
Je ne suis pas son frère, je ne l'ai jamais été. Il ne m'a jamais considéré ainsi, et pourtant il continue de revenir me voir, de se pointer à ma porte et de faire du grabuge jusqu'à ce que j'ouvre. Comme si je lui devais encore quelque chose.
Et, j'ai peur de lui. J'ai toujours eu peur.
Il est plus fort et courageux et violent que moi. Il sait se servir de ses poings, je le sais, mon corps s'en souvient encore.
Je crois qu'il prend le même chemin que mon père, l'alcool, les cigarettes... Il me fait dépenser mes peu de sous pour lui en acheter, en échange il ne lève pas la main sur moi.
Ce n'est pas très juste, mais j'en ai assez de recevoir des coups pour un rien.
Au bout d'un moment, la carapace cède.
On fini par s'y habituer, et tout accepter.
Je ne sais pas s'il disparaîtra de ma vie un jour. Mais si ce n'est pas lui, ce sera moi.