14 Septembre 1998

By _RainKingdom_

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Brian attend depuis longtemps le nouvel album de son idole, Marilyn Manson. Depuis des mois il se répète cett... More

Deux
Trois

Un

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By _RainKingdom_


And I don't want you and I don't need you... Les premières paroles de The Beautiful People parviennent à mes oreilles grâce à mon tout nouveau Mpman f10. La haute technologie asiatique, mes parents peuvent se la payer, comme tous les habitants de notre quartier. Je dois admettre que c'était un sacré cadeau d'anniversaire. Je me revois encore entre mes parents et Honey, les yeux exorbités devant le baladeur mp3 à moitié caché par le papier cadeau. Mon père m'avait donné une grande tape dans le dos et expliquant : « 16 ans est un âge important ! Tu vas pouvoir conduire la Buick Riviera de ton grand-père, par exemple ! Normal qu'on t'offre ça ». Ce soir-là, Honey et moi avions téléchargé des chansons de l'album Antichrist Superstar pour les écouter juste après, émerveillés devant ce petit bijou du progrès.

Je monte légèrement le volume du Mpman tout en enfilant mon manteau. J'entends d'ici des coups de klaxons précipités. Je crie : « A plus M'man, à plus P'pa ! » avant de fermer la porte du numéro 2425. Honey est effectivement là, à attendre devant le volant. J'ouvre la portière et boucle ma ceinture. « Tu es en retard, Ian ». J'éteins mon baladeur et me défends : « Je ne trouvais mon portefeuille, je dois le prendre aujourd'hui, c'est forcé. Depuis le temps qu'on attend ce jour... ». Honey hoche la tête, démarre et nous quittons l'Ocean Avenue. Je regarde le paysage si familier du trajet de ma maison jusqu'à mon lycée.

Honey est ma meilleure amie depuis le primaire. C'est aussi la seule. Non pas que nous soyons trop introvertis ou timides pour aller vers les autres, c'est juste que notre unique amitié nous suffit. Le plus grand point commun qui nous rassemble est notre idole : Marilyn Manson. On l'a découvert l'année de la sortie d'Antichrist Superstar, grâce à Barnaby, l'employé de Music's palace. C'est un magasin de musique où on a l'habitude de traîner. Barnaby nous connaissait déjà très bien à l'époque et nous proposait régulièrement des artistes, des groupes, des morceaux. Un jour où nous rentrions du lycée, il nous avait lancé : « Salut les deux ! Ecoutez-moi ça, c'est du Marilyn Manson, ça vient de sortir ! ». J'ai écouté pour la première fois Dried Up, Tied and Dead to the World et j'ai tout de suite adoré, pareil pour Honey. Depuis, on est devenus des véritables groupies, et nous rêvons d'aller à un de ses concerts.

Pendant le trajet, elle m'explique qu'elle voudrait se mettre à un nouveau projet artistique, peindre une série de portraits de personnes croquées sur Hollywood Boulevard. Mais pas n'importe qui, elle prend des gens qu'on peut certes croiser tous les jours à Los Angeles, mais qui se détachent de la foule. Elle avait déjà esquissé les traits d'un homme pleurant devant l'étoile d'Elvis Presley et un homme déguisé en table distribuant des prospectus pour une agence immobilière. Honey est une peintre très douée. Elle y passe des heures dans son garage, c'est son principal passe-temps. En outre, elle joue de la batterie. Ensemble on fait des duos, avec ma guitare électrique. Notre public est réduit, mais on s'amuse bien.

On arrive devant le lycée Albert Einstein. Honey se gare au parking des élèves. Je range le Mpman dans mon sac et sors de la voiture. Mon amie me demande :

- Quand est-ce que tu vas conduire Rupert, Ian ?

- Arrête d'appeler la voiture de Papy Rupert.

- Mais elle a une tête à s'appeler Rupert !, protesta-t-elle.

- Tu ne changeras jamais. Je conduirais Buick Riviera quand j'aurais mon permis. Et je ne suis pas pressé de l'avoir. Mes déplacements se résument au lycée, chez moi, Music's Palace, le Starbucks, la friperie et Venice Beach. Je peux tout faire à pieds, même si ça doit me prendre vingt minutes. Et puis tu n'arrêtes pas de me dire que ça ne te dérange par de m'amener au lycée.

- Pas faux.

Honey et moi passons l'entrée sans regarder l'immense foule d'élèves autour de nous. Le vent souffle légèrement, encore tiède en ce début de Septembre. L'été Californien n'est pas effacé, nos condisciples peuvent encore porter un T-shirt sans greloter de froid. Les yeuses de la cour ont toujours leurs feuilles, j'aperçois un oiseau perché tout en haut, bougeant vivement la tête. Puis, il s'envole et disparaît derrière le bâtiment A. Deux amoureux s'embrassent au pied de l'arbre, sans se soucier des élèves marchant d'un pas pressé devant eux. A vrai dire, personne ne regarde personne. Les étudiants du lycée Albert Einstein sont tous habillés de manière sophistiquée, recherchée. Les Angelenos cherchent toujours à être beaux à l'extrême comme les stars d'Hollywood. Je trouve que la société de ma ville est beaucoup trop artificielle, tout le monde ressemble à tout le monde. En tout cas, c'est ce que je constate dans mon quartier. Les gens sont trop parfaits, c'en est dérangeant. Même le style des bobos parait banal, alors qu'ils cherchent à se démarquer, quelque part.

Honey m'entraîne par le bras vers le vieux bâtiment, avec une certaine poigne, pour me faire sortir de ma rêverie. Nous montons les marches pour arriver au troisième et dernier étage. J'arrive enfin dans le bon couloir, essoufflé, légèrement en sueur. Ça doit être l'endroit du lycée où il a le moins d'élèves. Je ne vois que ma classe, rangée devant la salle d'Anglais. Honey s'adosse contre le mur abîmé, sort 1984, enlève son marque-page orné d'un chat et commence à lire. Moi, je sors de ma poche un mini labyrinthe où il faut faire sortir la petite bille.

Mon père me l'a offert à mes 7 ans, pour « me faire réfléchir plus qu'avec un comics à la noix », pour reprendre ses mots. Il faut dire qu'à l'époque, je ne lisais que ça. Mais revenons au labyrinthe. Il était diablement complexe, trop pour mon âge. Je n'ai réussi à le résoudre que trois ans plus tard. Et depuis, dès que je n'ai rien à faire, je sors le petit casse-tête et je le refais. Même si je connais le chemin presque par cœur, je ne m'en lasse jamais. Aujourd'hui, quand je le regarde, maintenant tout petit au creux de ma main, j'éprouve un sentiment de nostalgie. Je songe aux après-midis sur le canapé, dans une position ridicule, à chercher la sortie, ou à le lancer de fureur et de frustration.

Très rapidement, je conduis la bille vers la fin du chemin, bientôt elle touche le bord du labyrinthe. Je souris : j'ai réussi en cinq minutes, jadis je le faisais en une demi-heure. Je fixe le plastique transparent, magnifiquement éclairé par le soleil intense que nous offre cette journée-là.

J'entends des exclamations vers le devant du rang. Je tends le cou, et, sans surprise, c'est Oscar Wolfey qui attire l'attention. Il raconte le rêve qu'il a fait cette nuit : une incroyable course-poursuite avec du feu, des cascades, des armes et des motos. La moitié de la classe est tenue en haleine par son récit, les autres se fichent totalement de ses ninjas et de leurs pièges. Oscar est populaire, beaucoup de gens l'aiment, alors qu'il est une véritable plaie. Comment peut-on apprécier un gars si pédant, arrogant, hautin et prétentieux ? Je ne détiens pas la réponse. Quoique. C'est peut-être parce que tout le monde le trouve beau. Personnellement, je trouve juste que son nez, sa bouche et ses yeux ont grandi plus vite que son visage. Je serais triste si la plupart des gens m'aiment uniquement pour mon physique. Oscar ne semble pas dérangé par cela.

Le professeur Harney-Vimoc passe devant nous et ouvre la porte. Il nous dit : « Bonjour ! » avec un grand sourire.

Monsieur Harney-Vimoc doit être le professeur la plus passionné, le plus motivant, et le plus adorable du lycée. Tout le monde l'aime, personne ne veut le décevoir, même les pires cancres travaillent pour lui. Cet homme respire l'espoir et rayonne de bonheur. Malheureusement pour lui, Monsieur Harney vient de commencer sa carrière dans l'enseignement, on lui a donné la salle la plus miteuse, la plus dégradée et la moins isolée de tout l'établissement. Vous croyez peut être que l'endroit est déprimant. Vous vous trompez. Monsieur Harney a recouvert les murs de la salle avec des affiches sur des écrivains, des poèmes, des frises et des posters de films ou d'œuvres d'art. Aucun de nos professeurs n'a une si belle salle, presque chaque surface de mur est recouverte de savoir et de couleur. C'est un véritable plaisir d'avoir cours avec Monsieur Harney.

Je pose mon sac sur une table au fond, ma place habituelle. Honey pose son manteau juste à côté de moi et range soigneusement son livre. Je glisse mon labyrinthe dans ma poche.

D'habitude, j'aurais été absorbé par le cours du Monsieur Harney, mais aujourd'hui, je ne pense qu'à une chose. Je m'affale sur ma table. Cette nuit, je n'ai pas beaucoup dormi, j'étais bien trop excité. Le contact froid contre ma joue est désagréable, mais je n'en tiens pas compte. Par la fenêtre, je peux voir un oiseau voler jusqu'à un fil électrique. Je repense à l'oiseau de l'yeuse...

- Brian ? Pourrais-tu nous dire où a vécu Emily Dickinson ?

Je me redresse brusquement. Je n'avais pas prévu cette éventualité. Heureusement, je connais la réponse.

- Emily Dickinson a vécu toute sa vie à Amherst dans le Massachusetts. C'est drôle, dans ses poèmes, elle parle du monde avec une remarquable justesse, alors qu'elle ne l'a jamais vu, elle n'a jamais quitté sa ville natale.

- Merci. Emi... Oui, Oscar ?

- Navré de vous interrompre, Monsieur, mais j'aimerais rebondir sur les propos de Brian.

- Fait donc, lui accorde Monsieur Harney, visiblement désappointé de n'avoir pu terminer sa phrase.

Oscar se tourne vers moi et mon fixe droit dans les yeux. Avec une pleine assurance, il me dit :

- Je ne suis pas d'accord avec toi, Brian. Tu dis qu'elle a parlé du monde avec justesse, mais tu te trompes. Elle a parlé du monde avec ce qui lui semblait juste. C'est différent.

A présent, il me regarde avec défi, comme s'il pensait qu'il n'y avait aucune réplique à faire.

Et c'est là que Patrick se racle la gorge.

Patrick est parfait. Il est aussi séduisant que James Dean, aussi beau que Harrison Ford, il a la belle voix grave d'un fumeur sans toucher à une seule cigarette, le glamour de Marilyn Monroe, le sourire de Roger Taylor, l'intelligence de Monsieur Harney et l'assurance d'Oscar. Les filles sont sous le charme de Patrick, mais Patrick s'en fiche. Il ne regarde jamais personne, il préfère être seul. Il n'est pas pour autant timide, il participe activement en cours, il a toujours une remarque pertinente, une réflexion qui fait avancer la leçon. Patrick s'habille avec soin, ses chemises ne sont jamais froissées, ses chaussures sont toujours parfaitement lacées. Ses dents sont toujours blanches, ses cheveux sont toujours beaux.

Patrick est parfait.

Mais Patrick est inaccessible.

Toujours est-il qu'il se racle la gorge. Tout le monde se tourne vers lui. Quand Patrick parle, on boit ses paroles. « Tu vois Oscar, je trouve que ton intervention est fallacieuse, faite dans l'espoir de te rendre intéressant, d'avoir le dernier mot. Certes, Dickinson parle du monde d'une manière qui lui semblait juste, mais elle était vraiment juste. Tu n'as fait que souligner ce qu'avait sous-entendu Brian. En gros, ta réplique n'a servi à rien ». Un silence ce fait, pendant environ dix secondes. Oscar fronce les sourcils, il ouvre la bouche, mais rien n'en sort, car il ne trouve rien à contrer. Il a l »air un peu débile, ainsi. Patrick affiche un regard neutre vers le professeur. Ce dernier reprend le cours comme si de rien n'était.

Enfin le midi. Honey et moi prenons nos plateaux repas et allons nous asseoir à notre table habituelle, contre une fenêtre. J'attaque ma salade tandis que Honey regarde par la fenêtre. En fait, je pense qu'elle ne regarde rien de particulier, qu'elle ne fait pas attention aux lycéens qui passent devant elle, dehors. Elle doit sûrement réfléchir à quelque chose. Je sais bien qu'il est inutile de lui parler durant ce genre de moments, je ne ferais que la gêner. J'entends une multitude de bruits à la fois : les conversations, le raclement des fourchettes contre les assiettes, les verres qui s'entrechoquent et les chaises que mes condisciples déplacent d'une table à l'autre.

Honey s'arrête brusquement de rêver et se met à me parler de la nouvelle piscine que ses parents ont achetée. Ça fait un moment qu'elle m'en parle, apparemment elle est prête pour qu'on vienne y nager. « On pourra se baigner après notre passage au Music's Palace ? ». Mon amie hoche la tête silencieusement. C'est à ce moment-là que j'entends une voix grave.

« Salut. Je peux m'asseoir ici ? »

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