Mon désir a pris le dessus...
Et mes yeux sont devenus jaunes...
Amaryllis va me détester, me haïr, m'abandonner, me quitter...
Je me retire alors lentement et me mets assis en boule dans le coin de mon lit, la tête dans les bras.
Je n'y crois pas...
Il ne pouvait pas arriver pire situation que celle-ci.
Amaryllis va tout découvrir...
Je me sens d'un seul coup incroyablement pitoyable...J'ai l'impression d'être soudainement totalement nu devant elle, tant je me sens honteux et ridicule.
-Tu dois me détester, non ? je demande à Amaryllis après un long silence gêné me mettant mal à l'aise.
Elle ne pipe aucun mot.
Je me renferme encore plus sur moi-même. Je serre les genoux et les bras autour de mon visage.
Je me sens frustré.
Il n'y aurait pas eu de pire manière que celle-ci pour qu'elle découvre ça...
Je me sens de plus en plus déprimé, de plus en plus mal, quand soudain, je sens les bras d'Amaryllis se resserrer autour de mes épaules.
Je sens son souffle chaud sur ma nuque puis elle me murmure avec douceur :
-Alexis...Comment pourrais-je te détester ?
Je relève alors la tête. Je ne la vois pas mais je sens grâce à ma peau ses bras trembler légèrement. Mon instinct me dit qu'elle a un peu peur alors je me retourne et la serre dans mes bras à mon tour.
-Pardon...Je suis désolé ! je dis avec la voix nouée.
Je me détache d'elle et la regarde de mes yeux brillants et désormais jaunes.
-Je n'aurais pas dû te cacher ça...Pourras-tu me pardonner ?
Amaryllis me regarde avec un air interrogatif, l'air de me demander ce qu'elle devrait me pardonner. Je prends alors sa main dans la mienne et je lui annonce avec gravité et solennité dans la voix :
-Je suis un loup-garou.
Contre toute attente et à mon plus grand étonnement, Amaryllis n'écarquille pas les yeux autant que ce que je prévoyais et un sourire naît sur ses fines lèvres.
-C'est trop bien ! me dit-elle.
Je la fixe, surpris. Elle a bien mieux réagi que ce que je pensais...Je souris à mon tour.
-Ça dépend le point de vue...dis-je en riant un peu nerveusement.
Amaryllis serre un peu plus ma main, qui tient la sienne.
-Comment l'as-tu découvert ? C'est récent, n'est-ce pas ?
Un pâle sourire vient se figer sur mon visage. Je lui réponds avec un peu de tristesse et de mélancolie dans la voix :
-Oui...Je l'ai découvert il y a un mois et demi...
Ma tendre petite amie me sourit et dit :
-Les cinq semaines où tu semblais absent, différent ?
-Oui...je lui avoue avec peine. Je ne pouvais pas me remettre de ce choc.
Je lève mes yeux toujours jaunes vers ceux, noirs, d'Amaryllis.
-Mais surtout, je craignais plus que tout ta réaction...
-Ma réaction ? répète-t-elle
avec étonnement.
-Oui...Je ne veux pas te perdre...Je t'aime ! Alors je ne voulais pas faire peur ni te faire fuir avec mes histoires de...De famille
Amaryllis paraît alors étonnée.
-De famille ? répète-t-elle. Toute ta famille est composée de loups-garous ?
J'opine lentement du chef.
-Le côté paternel, oui. Les Primus...
Je déglutis avant de demander à celle qui compte le plus pour moi :
-Mais peut-être veux-tu des explications plus détaillées ?
Elle acquiesce avec un air un peu appréhensif. Je la comprends. Tout cela est nouveau pour elle, ça vient de lui tomber sur la tête, ça tombe du ciel...Comme pour moi il y a quelques semaines.
Sauf que ce n'est pas elle, la louve-garou...
-D'après ce que m'a dit mon père, la première transformation en loup-garou s'effectue à la puberté.
Amaryllis ouvre des yeux étonnés.
-Mais tu as eu dix-sept ans hier. Tu es bien loin du début de ta puberté.
-Je suis au courant, dis-je avec un soupir. J'ignore pourquoi ma première transformation est venue si tard...C'est en partie une des raisons pour laquelle mon père désespérait de plus en plus de me voir devenir un loup-garou...Plus le temps avançait et plus je grandissais, plus il craignait que je ne me transforme jamais.
-Il craignait ? répète Amaryllis, surprise.
-Oui, je lui avoue un peu penaud. Tous mes cousins de plus de treize ans le sont déjà. J'ai appris que quelques-uns de mes cousins ont même eu une première transformation précoce, un peu avant leur puberté, vers onze ou douze ans, comme Georges et Loki par exemple.
Je soupire encore une fois en regardant par terre. Puis je me redresse et continue mon récit :
-Maintenant, il ne reste que Maurice, qui a douze ans, et les deux plus jeunes, Théa et Léna. J'ai appris que Maurice fait même des exercices pour devenir un loup fort à l'avenir...J'ai tellement honte...
Amaryllis me serre contre elle.
-Il n'est pas nécessaire que tu fasses des exercices pour compter pour moi, tu le sais, n'est-ce pas ?
Je serre le bras de ma copine dans ma main. Je murmure alors :
-Oui, je sais. Merci.
Je reprends alors avec courage le fil de mon histoire :
-D'après mon père, ma première transformation a été incroyablement puissante et ça me réconforte un peu dans ma flemme de faire des exercices.
-Comment ça ? Raconte-moi tout, me dit doucement Amaryllis.
-Normalement, lors de notre première transformation, on devient un horrible être mi-homme mi-loup, un lycanthrope bipède. Mais moi, je me serais apparemment directement transformé en loup.
-Magnifique ! me dit ma petite amie, me surprenant alors avec son ton enjoué.
Je souris tendrement face à son enthousiasme apparent.
-Je ne m'en souviens même pas, je souffrais trop à cet instant. Et j'étais trop sonné à ma reprise de conscience...
Puis je reprends en ne baissant pas le regard, ne me décourageant pas :
-Maintenant, chaque fois que je vais chez mon père, j'ai droit à un entraînement assez intensif pour maîtriser ma forme de loup. À la dernière pleine Lune, je suis devenu un loup bipède moche que je ne maîtrisais pas beaucoup alors je dois apprendre à dompter la forme de loup si je veux pouvoir garder le contrôle une fois la pleine Lune arrivée.
Ma petite amie m'adresse un gentil sourire. Puis elle me demande :
-Pourquoi m'évitais-tu après que tu aies appris pour tes origines de loup-garou ?
Je baisse les yeux, un peu honteux.
-Parce que je me consumme de désir pour toi. Mais j'avais tellement peur de te sauter dessus, de te faire du mal...Comme un loup sauvage et incivilisé sans aucune manière ni bonne conduite. Donc je me tenais un peu éloigné pour ne pas trop ressentir ce sentiment brûlant...
Les yeux d'Amaryllis brillaient et parlaient d'eux-mêmes. Je réponds alors à sa question muette :
-Je ressens toujours ceci en ce moment mais je suis plus maître de moi-même qu'avant.
Elle me sourit avec sincérité.
Je soupire encore une fois et prends alors les deux mains d'Amaryllis dans les miennes. Je le regarde pile dans les yeux et lui demande :
-Puis-je t'avouer quelque chose ?
Elle me fixe d'un regard étonné puis me souffle, souriante :
-Bien sûr.
Dans ma tête, c'est la panique la plus totale. Qu'est-ce qui me prend de vouloir lui dire ça ? Vu que je me suis lancé, je ne peux plus reculer et prends alors mon courage à deux mains pour lui avouer :
-Depuis ma première transformation, les capacités de mes cinq sens ont décuplé. Alors sous ma forme disons humaine, je...
Ma copine me regarde, interrogative. Il me faut tout le courage de mon corps pour terminer ma phrase :
-Je suis beaucoup plus sensible à tout, comme les odeurs ou alors le goût, et j'ai aussi la peau beaucoup plus sensible !
Amaryllis sourit.
-Elle n'est pas couverte de poils comme pour un loup, c'est normal.
-En effet, dis-je.
Elle me regarde soudainement avec un air un peu sadique que je ne connais que trop bien...
-Sensible comme ça ? me dit-elle.
Elle touche alors mon ventre. Même à travers mon haut, je sens ses doigts courir sur ma peau, à cause de ma nouvelle extrême sensibilité.
Je ferme alors les yeux et contracte les muscles de mon ventre tout en murmurant :
-Arrête...S'il te plaît...
Elle cesse alors ses mouvements. Amaryllis est tellement compréhensive que c'en est presque impensable. Mais j'aime la savoir ainsi.
Je me rends compte que j'ai eu tort de me faire un sang d'encre pour rien. Elle a accepté ma nouvelle nature comme la plus normale, la plus naturelle des choses.
Et c'est asbolument parfait ainsi...
Tellement ouverte d'esprit et s'adaptant à tout.
Elle me demande alors :
-C'est pour ça que tu es moins poilu qu'avant ?
Je hausse les sourcils, les yeux écarquillés, vraiment surpris.
-Elle est très directe, ta question...lui dis-je en me disant que parfois, sa franchise frôlait le manque de tact. Oui, en effet. J'ai un peu perdu de pilosité depuis ma première transformation. Sur mes bras, entre autres, qui sont presque devenus imberbes depuis.
-J'ai bien vu, alors ! rit Amaryllis en me regardant de ses beaux yeux fins.
Son regard devient alors soudainement plus intéressé.
-Dis-moi...commence-t-elle. Peux-tu devenir loup quand bon te semble ?
J'en étais sûr. Ce genre de questions ne pouvait pas manquer à l'appel, surtout avec elle.
-Oui. À la pleine Lune, on devient des loups bipèdes moches et c'est presque inviolable, et sinon, on peut devenir loup ou loup bipède moche quand on le veut.
-Moche...répète Amaryllis en riant de bon cœur. Je suis sûre que non !
Je souris. Elle est tellement mignonne...Je la croquerais presque, si je ne me savais pas loup-garou...
Je finis alors moi-même sa requête informulée :
-Mais j'imagine que tu vas me demander de te montrer comment je suis sous ma forme lupine ?
Amaryllis prend un air entièrement enjoué et me dit avec de l'enthousiasme dans le ton :
-Oui !
Je retire alors mon pyjama. Je me retrouve alors en sous-vêtement devant ma chère petite amie. Je ne veux pas non plus déchirer tous mes habits.
J'active alors ma transformation.
Je sens tous mes muscles se tendre, ils semblent brûler sous la tension de l'effort que leur demande ma transformation. Je sens alors mes membres puis mes os se déplacer puis se reformer.
Mes bras et mes jambes laissent place à des pattes poilues, mes mains deviennent des pattes à coussinets, mes ongles se transforment en griffes, mon corps ondule, se courbe et se penche, mes oreilles se déplacent et changent de forme pour devenir plus lupines, mes yeux se déforment pour devenir plus canins, mon nez s'allonge pour devenir un museau avec une truffe noire et sensible au bout, mes dents s'allongent et s'aiguisent et une queue beige poilue et toute douce pousse à l'endroit où se trouve mon coccyx.
Je ne peux plus parler. Mais je vois clairement de la joie et des étoiles dans les yeux d'Amaryllis.
Je m'assieds à la façon d'un chien. Je suis plus grand et plus gros qu'un loup classique, comme tous les loups-garous.
Mon pelage est plutôt gris foncé sur le dos et beige sur le ventre et les pattes, et autour de ma gorge se trouve un véritable nid de poils presque noirs. Je n'ai que peu de blanc et il se trouve sur mes flancs.
L'élue de mon cœur s'accroupit alors vers moi.
Elle avance timidement la main vers mon museau mais s'arrête avant de rentrer en contact avec mon nouveau corps.
Je confirme qu'elle peut me toucher en appuyant ma truffe humide sur sa paume.
Un sourire illumine son visage et elle me serre dans ses bras. Je pose alors mon museau sur son épaule, heureux.
Amaryllis m'a accepté. Tel que je suis.
Elle n'a pas menti quand elle me disait cela avant même de connaître ma seconde nature.
J'en suis tellement heureux, tellement ému que je pourrais en pleurer si je n'étais pas sous ma forme de loup.
Elle pose sa main dans ma fourrure et commence à me caresser le dos.
J'aime ça, j'aime ce doux contact.
Elle me murmure alors avec tout son amour pour moi :
-Tu es un loup magnifique, Alexis !
Je grogne alors pour manifester mon contentement suite à ce compliment. Je sens alors les mains d'Amaryllis parcourir mon échine.
Je frissonne presque de bonheur et lâche un petit gémissement canin pour montrer ma joie.
Je me couche alors sur son matelas, ne réfléchissant plus à rien, et je laisse ma tendre copine me caresser partout, comme on caresserait un chien.
Elle passe ses mains partout dans mes longs poils.
Quand elle parcourt mon dos, je me sens revigoré.
Quand elle parcourt mon ventre, je me sens vulnérable. J'ai un ventre sensible...
C'est tellement plaisant de se laisser aller dans le bonheur que peut procurer une simple séance de caresses et de cajôleries, qui m'est offerte en ce moment par Amaryllis.
Elle est si douce, si gentille...
Je grogne de plaisir.
Quand je reprends ma forme normale, c'est-à-dire ma forme humaine, je suis à moitié nu mais cela n'empêche pas Amaryllis de me sauter au cou et de murmurer dans mon oreille :
-Je t'aime, Alexis !
Je suis surpris, mais je lui rends son étreinte en lui soufflant :
-Moi aussi, je t'aime, Amaryllis !