À quatre jours du départ,
Chaque matin, une fois les paupières ouvertes , je me tourne vers Malik, Nadia et Zohra. Je les observe respirer à mon coté , je souffle, je regarde vers le haut, je prononce "merci Seigneur".
Habituellement je fais seule la prière par automatisme avant de quitter les draps mais depuis deux semaines, depuis deux semaines, que nous avons quitté nos lits chauds du haut pour dormir sur les matelas posés à terre sur le sous-sol froid sans fenêtres, j'attends les filles et mon mari afin que nous la fassions ensemble. Cela dit, nous ne la ferons que si nous survivons jusqu'au petit-déjeuner,car chaque heure est comme comptée, rien n'est certain. Ouvrir les paupières le matin n'est pas certain, passer la journée encore moins.
Deux mois en arrière et nous passions toutes les journées sans problèmes depuis des années pour les filles, des décennies pour Lik et moi. Biensûr nous entendions les mécontentements de la communauté Almara sur la nôtre, nous les écoutions dire que nous occupions soixante-dix pourcents des postes de travail les plus élévés socialement et que nos salaires étaient de vingt pourcens plus hauts que les leurs. Oui c'est bien la vérité, mais qui pensait que cela les conduirait à nous exterminer? Nous humble un pourcent de la population.
Toujours est-il que leur communauté, plongée dans les dettes, et la pauvreté qui s'en est suivit, les ont tous davantage tournés vers leur spiritualité sacrée. Et à force d'implorer leurs hautes idoles dorées , les adorer, les pleurer le tout sans résultats, leur est venu l'idée d'appliquer sans exception les commandements de leur livre saint. Suite à quoi la "grâce" leur tomberait dessus, et tout rentrerait dans l'ordre c'était une certitude.
Ces écritures datant de l'âge de pierre, qu'ils remettent au goût du jour au vingt-et unième siècle, ordonnent entre autres de tuer les membres de la communauté chrétienne. En effet, ceux-ci venus autrefois dans le pays imposer leur religion dans une nation où il en existait déjà une, ont été torturés et tués pour beaucoup, jusqu'à ce qu'il abandonnent leur foi. Ces épisodes douloureux ont durés plusieurs années, et c'est ainsi qu' a été écrit dans leur livre comme marqué au fer rouge de ne jamais nous offrir de répit. Puis, lentement mais sûrement, après un peu plus deux bonnes années de persécutions, tout est revenu à la normale, les chrétiens finalement acceptés ont eu toute leur place dans l'entière et petite nation... jusque il y'a trois mois.
Le commencement était plutôt simple, le gouvernement dont la grande majorité des membres est de confession Almara a proposé à chaque chrétien occupant un poste élévé de le libérer afin de privilégier leur communauté. En contrepartie ils étaient rétrogradés à celui inférieur avec une espèce de bourse de rien du tout que chacun recevrait comme remerciement. Les professions concernées avaient soigneusements été choisies,marquées les unes sous les autres comme une liste de courses, envoyée par courrier et consultable sur le net. Ainsi donc le directeur de banque deviendrais conseiller, et le gérant de boutique un vendeur.
" Quitter mon poste? Ce n'est pas le bon timing les gars! Plaisantait Lik les deux jambes croisées sur la table basse du salon . Nous sommes à deux doigts de commencer les préparatifs de campagne, le budget a déjà été instauré, et déjà demain je demande à ma secrétaire d'appeler le photographe officiel pour les photos officielles! Et puis de toute façon le maire adjoint fait encore ses dents!"
Et j'imagine que toute la nation prenait la proposition aussi légèrement puisqu'aucun poste n'a jamais été quitté. Ainsi donc, là, sont nés ceux que nous appelons les rebelles Almaras. Tout d'abord formés dans la région du sud, ils sont passé d'une dizaine d'adhérents à plusieurs centaine en quelques semaines. Et tous entièrement vêtus de bleu noir des pieds à la tête, ils ont tourné vidéos sur vidéos nous montrant leur camps d'entrainements rempli de matériel militaires et grosses voitures aux mêmes couleurs. Et ils nous ont montrés comment le répertoire de chacune des églises qu'ils avaient volé les aidaient à identifier les chrétiens de chaque ville. Ils possèdent le numéro de nos maisons, appartements, et nos adresses de lieux de travail tout cela avec la complicité du gouvernement et de son président Almara.
Par la suite ils ont donné un mois aux habitants de la région pour quitter l'endroit. Personne de ce côté là du pays n'as pris les menaces sérieusement, ni eux ni Lik derrière le poste de télévision mais seulement moi que lui envoyait toujours pêtre gentiment. Alors ont commencé les bombardements. Les explosifs ont été lâchés un à un nuit après l'autre, détruisant des dizaines d'églises que l'on découvrait en cendres le matin. Puis les chrétiens n'ont plus d'autre choix que la mort, il avait eu droit à la fuite, à une chance, ils ne l'avaient pas saisi, c'était fini pour eux. Chaque personne qui appartenait à la croix était condamnée dans tous les sens du terme.
C'était donc par centaine qu'on amenait hommes, femmes et enfants jusqu'au camp Almara où on leur faisait subir moult tortures qu'on prenait grand soin d'enregistrer sur caméra, et bientôt il n'en restait plus une trace dans chaque ville. Dès lors je me préparais déjà mentalement à quitter le territoire si Lik ne m'avait pas encore convaincu qu'ils comptaient s'arrêter et que rien de mal ne pourrait venir jusque chez nous dans notre petite région du nord.
Mais les rebelles se sont multipliés et étendus jusque dans la région de l'est où ils ont poursuivi leurs massacres, puis dans celle de l'ouest et enfin dans une ancienne usine , à dix kilomètres d'ici, chez nous. Dans tout le pays ils sont implantés et rendent impossible l'accès aux frontières . Et il y'a un peu moins de deux semaines, ils l'ont annoncé: Il nous restaient, à nous, seule région encore habitée par la chrétienté, officiellement quinze jours avant la mort. Car à chaque région précédente ils ont offert ce délai avant que les chrétiens soient promis d'être saisis dans leur résidence direction les camps. Et ils ont tenu promesse, ils ont tenu promesse! Et pourquoi un délai? Pourquoi quinze jours? Je l'ignore. Sûrement afin que nous ayons le temps nécéssaire de nous préparer mentalement à la mort ou bien plutôt je pense afin qu'eux puissent se préparer physiquement à la donner ?
Toujours est-il qu'ici à La Manilla, l'église du centre-ville s'est faite entièrement brûlée une nuit. Le lendemain à la télévision on découvrait un écrito posé sur un bout du bâtiment ruiné par les flammes "15 jours pour vous". Voici comment l'ultime feu vert pour se débarrasser de nous fut donné.
Le pays est officiellement, internationalement reconnu comme étant sous "guerre civile". Aucun avion n'attérit plus ici, aucun train ne quitte le territoire ni n'y rentre. Quand à la police, Ils n'agissent plus, ils n'existent plus . Au début ils tentaient de faire barrage, mais les rebelles trop fort pour eux ont gagné la petite bataille, et je crois même qu'ils ont céssé de le faire sous ordre politique. Et les pays voisins? Personne n'ose s'en mêler, c'est notre pays, s'il s'en mêlent trop, la guerre, cette fois mondiale éclateras.
Cependant mon mari et moi continuions de rassurer nos filles, tentant de leur cacher les informations , zappant chaque journal télévisé , bien qu'elles aient fini par apprendre tout ce qu'on ait pu chercher à leur cacher en classe, à la cantine, partout. De ce fait Lik mentait à Zo que de part sa position politique il en savait plus et avait la situation en main quand moi je tentais d'expliquer à Nadi par un gentil mensonge également que les bombes n'étaient que des rituels journaliers à simplement supporter le temps que le conflit cesse ce qui ariverait bientôt. Il m'a fallu rassurer mes autres enfants également, ceux appartenant à ma classe.
" Vous pensez qu'ils vont nous faire du mal?" Demandaient certains de confession chrétienne.
" Demandez à vos amis, Répondis-je regardant en direction des enfants Almara. Feriez-vous du mal à vos amis simplement parcequ'ils vont à l'Eglise?"
Les élèvent riaient .
" Non, répondaient-ils, vous êtes trop bêtes!"
Je souriais alors à mon tour et reprenais le cours sur les divisions.
Ma fille reprend vie! Elle commence à bouger sa petite jambe légèrement, alors je l'embrasse elle et la plus grande à côté, puis me penche afin d'avoir accès à la joue de Lik à l'autre extrémité du lit , après cela je me dirige vers la porte du sous- sol. A cet instant, au bas de l'escalier plongé dans le noir, je crains qu'un rebelle , arme en main ne m'attende plus- haut, derrière la porte, en plein milieu du couloir. J'aimerais alors attendre que les filles et Lik se réveillent afin de ne pas avoir à quitter le sous- sol seule, mais je refuse de me voir effrayée dans ma propre maison.
Je tente alors de me concentrer sur la jouissance qu'offre l'idée de pouvoir faire la pâte à crêpes que j'espérais tant faire hier soir quand les enfants, Lik et moi avions du mal à fermer les yeux car les bruits des voitures qui allaient et venaient rendaient difficile la trouvaille du sommeil, et me faisais penser que peut-être elles appartenaient aux rebelles et que cette nuit serait la dernière pour nous , qu'il n'y aurait pas de petit-déjeuner le lendemain. Car si les Almaras ne détruisent que des églises depuis des mois, il n'est pas question de sentir en sécurité, jamais.
Je gravis la première marche et arrive au bout de l'étroit et petit escalier. Sans réfléchir , je tourne la clé qui vérouille la porte, je l'ouvre , il n'y a personne , le couloir est vide. Continuons de nous accrocher et de nous préparer au voyage, me dis-je lorsque je rejoins la cuisine et commence à en ouvrir les tiroirs.Ce voyage je l'ai préparé avec Lou depuis une semaine correspondant au début des vacances scolaires et c'est notre plus grande source d'espoir, me dis-je ensuite lorsque les crêpes se font cuire sur les poêles.
" Bien dormis?"
Les miens font leur arrivés dans la pièce en file indienne. Ils me répondent tous par l'affirmative , le visage brouillé, les pas lents et viennent s'assoir autour de la table que je finis de garnir tout en regardant par la fenêtre, personne n'est là.
" Qui veut faire la prière?" Demandais-je, une fois assise au bout de la table face à mon mari.
" Fais-là chérie!"
Evidemment c'est moi qui vais la faire aujourd'hui, comme je l'ai fait hier, avant-hier, et le jour précédent.
" Oui! Dis Nadi en se balancant sur sa chaise. Tu parle trop bien!"
" Tellement bien!" Ajoutes Zo.
" Bien" Fais-je en soupirant silencieusement.
Si je sais que les filles et mon mari n'ont pas la même foi que moi, j'aimerais tout de même qu'ils s'investissent d'avantage , que cette petite foi que je leur crois posséder grandisse et grandisse. Mais pour le moment je leur lis la Bible certains soirs quand ils ne sont pas trop exténués et au vu de leurs yeux quand ils m'écoutent, je pense que cela les apaise et qu'au moment opportun ils iront vers l'Evangile et vers l'amour du Père seuls. En attendant je saisis de ma main droite la main dodue de Nadi, et de l'autre celle plus mature de Zo, quand les deux elles saisissent d'une main celles de leur père. Après quoi je nous regarde tous autour de la table et je clos les paupières. Le temps d'un instant je manque de frissonner dès que j'entends un soupçon de bruit venant du dehors mais je finis par faire abstraction de tout, et trouver la paix.
" Merci Seigneur Yeshua pour la nuit que tu nous as permis de passer, pour les coeurs que tu fais continuer de battre, pour le pain de ce jour.
Merci car tu nous protège nous tes enfants"
J'inspire.
" Puisses-tu nous permettre de passer une seconde journée sous ta grâce divine en ton nom puissant,
Puisse-tu nous fortifier en ce même nom si telle est ta volonté,
Nous nous en remmetons à toi et uniquement à toi car nous t'appartenons.
Tu es la lumière de ce monde,
Tu es l'Alpha, tu es l'Oméga , le premier, le dernier, le commencement, la fin,
Et tu es là chaque jour avec nous ce jusqu'à la fin du monde"
Ainsi soit il "
" Ainsi soit-il" Répètent les miens en choeur.
Maintenant j'ouvre les yeux, je les regarde, je suis comblée par la grâce.