BALLERINA

By freeasart

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Angelina Carter et Hayden Reed n'ont en apparence rien en commun, si ce n'est une détermination farouche à ré... More

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— A —



Ce n'est pas le bon jour pour avoir une crise, alors je ferme les yeux et j'effectue quelques exercices de respiration. Je m'efforce de me calmer et de me raisonner. Mon dossier est prêt depuis des semaines et même si je sais que je ne devrais pas me mettre dans cet état, c'est plus fort que moi. Je n'ai pas vraiment le choix de toute façon, si je ne le fais pas maintenant je devrais attendre une année supplémentaire. J'inspire aussi profondément que mes poumons me le permettent en m'armant de tout le courage que j'ai en réserve et je jette un nouveau un coup d'œil à la page du navigateur internet. Clique sur ce bouton! Mes entrailles hurlent de toutes leurs forces, mais mon cerveau est comme paralysé face à l'écran. Cela en devient grotesque et j'en ai bien conscience, alors je compte jusqu'à trois et j'appuie sans plus réfléchir sur la mention « envoyer ». Ce n'est que dans l'optique de franchir l'étape de la présélection, mais mon cœur réalise un triple salto arrière en direction de mon estomac et j'ai tout à coup la nausée. Ce n'est pas croyable ! Je suis habituée à faire des pirouettes spectaculaires et pourtant je n'ai jamais eu autant envie de rendre un repas qu'en ce moment précis. Je dois dire que la pression est à son apogée. Après toutes ces années de dur labeur, je suis à un tournant de ma vie et tous mes sacrifices vont enfin faire sens. En plus des cours auxquels j'assiste, j'ai cumulé deux emplois éreintants dans l'unique but de réaliser mon rêve. Bien que la fatigue soit devenue une sœur de cœur, j'ai continué à supporter tout ce calvaire en poursuivant mes entraînements de manière intensive sans jamais perdre de vue mon objectif. Aujourd'hui, c'est finalement la consécration de tout ce travail. Je brandis un poing victorieux en l'air pour célébrer ça, mais je suis très vite submergée par une vague de panique. Je me lève comme si j'avais le diable aux trousses pour courir jusqu'aux toilettes. La tête dans la cuvette, j'entends sans mal le rire d'Evan qui fuse dans l'appartement.

— Par pitié, je gémis.

— Nous sommes le premier décembre, je parie que tu as donc...

La fin m'échappe, car mon estomac se soulève de nouveau. Reprends-toi!

— Tu ne vas pas t'évanouir, hein ?

Je serre les dents pour éviter d'envoyer une pique bien sentie à celui qui est non seulement mon colocataire, mais aussi mon ami depuis deux ans et demi maintenant. Je me fais tout de même la promesse solennelle qu'il me le paiera d'une façon ou d'une autre. Je me relève pour aller faire un brin de toilette et j'ai l'impression que toute énergie a déserté mon corps en un claquement de doigts. Face au miroir, je laisse l'eau couler en filets irréguliers sur mon visage tandis que je contemple mon reflet. Mes yeux me scrutent avec cruauté comme bien souvent ces derniers temps et je constate que mes traits semblent bien plus tirés que d'ordinaire. Je glisse une main froide sur ma nuque en me répétant que tout ira pour le mieux. J'ai attendu ce moment toute ma vie, je ne laisserai pas le stress prendre le pas sur mon bonheur.

— Ce n'est que la Juilliard School, fait Evan dans mon dos.

Je me retourne et le découvre nonchalamment appuyé sur le cadre de la porte, un sourire moqueur au coin des lèvres. Mes nausées ont laissé place à d'épouvantables spasmes et ce qu'il vient de dire me serre un peu plus l'estomac. J'ai l'impression d'avoir avalé un sac entier de pierres.

— Pourquoi te mets-tu dans un état aussi affreux, Angy ?

— Probablement parce que c'est le rêve de toute une vie ! De toute la mienne précisément, je lui réponds sarcastique. 

— J'en ai tout à fait conscience.

— Alors tu...

— Mais, m'interrompt-il, car je n'avais pas terminé. Je sais surtout qu'ils seraient de parfaits imbéciles s'ils ne voyaient pas ton talent.

— Ne parle pas d'eux ainsi !

— Au temps pour moi, fait-il en levant les mains.

— Imagine que je n'y arrive pas, je soupire.

— Et imagine que tu y arrives, me rétorque-t-il avec sérieux.

Sa réponse a le don de m'apaiser sur-le-champ. Evan n'est pas du style à aimer bavarder simplement pour entendre le son de sa propre voix. Il pèse chacun des mots qu'il emploie et c'est la raison pour laquelle je le sais sincère lorsqu'il dit croire en moi. J'observe mon ami et son mètre quatre-vingt-cinq de masculinité que les femmes s'arrachent. Le genre de châtain aux yeux ténébreux qui les fait fondre comme neige au soleil. Vétérinaire de profession, il est un cliché de perfection à lui seul et aucune n'y résiste longuement. C'est d'ailleurs avec un plaisir non feint qu'il enchaîne les conquêtes au gré de ses envies et cela me fait sourire. J'aurais pu en prendre ombrage si seulement j'avais le temps et l'énergie nécessaire à fournir dans une véritable relation de mon côté. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé à quelques reprises, mais le constat est implacable : le ballet est toute ma vie. Il a été mon premier amour et il sera sans doute le dernier.

— Est-ce que tu m'écoutes au moins ?

— Hum, je réponds distraitement.

— À quoi bon tenter de te remonter le moral si tu n'y prêtes pas la moindre attention ?

— Je suis désolée. J'ai l'impression que mon esprit va dans tous les sens ce matin.

— Uniquement ce matin ? me taquine-t-il.

— Et si j'échouais ?

— C'est impossible !

— Et si j'essuyais tout de même un revers ? je persiste.

Il me sourit et j'ai le sentiment que mon insistance l'amuse un peu.

— Ce ne sera pas le cas et dans le pire scénario tu sais que d'autres écoles existent, n'est-ce pas ? Pour rappel, tu es actuellement dans l'une de celles classées parmi les meilleures de l'état. Tu devrais arrêter de te faire du mauvais sang.

— C'est facile à dire !

— Peut-être, mais tu as jeté les dés, advienne que pourra maintenant. Tu devras attendre le vingt-trois pour être fixée. D'ici là, je maintiens que c'est inutile que tu te mettes dans un tel état.

Je soupire, car même si ce n'est pas simple, je sais qu'il a parfaitement raison.

— Avec tout ce que tu as vomi, tu devrais plutôt venir manger quelque chose, conclut-il avant de s'éclipser.

Si je considère que je suis l'une des personnes les plus chanceuses de cette planète, c'est en grande partie grâce à lui. Lorsque j'ai fait le choix de cumuler deux emplois, j'avais conscience du fait que ce serait difficile, voire impossible, de louer un studio pour pouvoir m'y rendre à n'importe quelle heure. Avec le nombre de trajets que je fais déjà par jour, me servir de celui que l'école met à disposition des élèves n'était pas pratique du tout. Evan a résolu ce problème d'un coup de baguette magique quelques semaines après mon arrivée en prenant la décision de réaménager l'une des pièces de l'appartement afin que je puisse m'adonner à mon art à loisir. Il ne fait aucune remarque sur les allées et venues de mon professeur particulier et ne me demande jamais rien en retour. La reconnaissance que j'éprouve à son égard pour tout ce qu'il a fait et qu'il fait encore est indicible. Bien que je mette toutes les chances de mon côté en m'entraînant à corps perdu et en épargnant le moindre centime, je ne peux nier que sa contribution dans la réalisation de mon rêve est colossale. Aleksei, mon professeur, joue lui aussi un rôle important. Il est incroyablement conciliant sur les heures de nos sessions et s'adapte toujours en fonction de mes plannings tant que je continue de m'entraîner avec la même ferveur que celle des premiers jours.

Je rejoins Evan et je m'installe sur l'un des tabourets en songeant à ce que pourrait être mon futur au sein de la prestigieuse Juilliard School. Je pourrais enfin vivre de ma passion et en finir avec les longues heures de service dans un restaurant, la plonge, le ménage et la clientèle pénible en fin de soirée au club. Je visualise les nuits complètes que je ferais dans l'unique but de rattraper toutes les heures de sommeil que j'ai laissé échapper ces dernières années. Pourtant, même si parfois rêvasser a du bon je ne peux pas me permettre de mettre la charrue avant les bœufs. Je regarde du coin de l'œil mon colocataire qui mange avec appétit et bien que ce soit loin d'être le cas, je me dis que tout semble simple pour lui. Il est le propriétaire de cet appartement et je ne paie qu'une somme modique pour la location de ma chambre et celle du studio. « Contente-toi de faire de petites courses de temps en temps », m'a-t-il dit avec un sourire chaleureux quand je lui ai demandé le montant des charges. Il aurait pu prendre un autre cooccupant plutôt que de faire de la dernière pièce un havre de paix pour moi, mais au lieu de ça il me pousse à me dépasser jour après jour. J'ai un léger pincement dans la poitrine tandis que je me fais la remarque désagréable que ma propre mère n'y a jamais accordé le moindre crédit pour sa part. Je sais que je ne peux pas forcer son respect et encore moins son amour, mais cela n'en est pas moins douloureux. Pour elle, la danse a toujours été une lubie et non un métier lucratif et convenable. Nous n'avons jamais trouvé de terrain d'entente et lorsqu'elle a décidé de rentrer en France et que je ne l'ai pas suivi, elle a estimé que c'était préférable de couper les ponts et de me rayer du livret de famille. Jugeant probablement que j'étais la honte de son clan et qu'elle avait gaspillé son temps et son argent en éduquant une fille qui n'avait pas une once de gratitude.

— Reviens sur terre ! Tu risques d'être en retard.

— Oui chef ! je raille.

Je lève les yeux en retenant un sourire. Même s'il me materne de temps en temps sans s'en rendre compte, je ne lui en tiens pas rigueur. À mille lieues de Kristen, je me sens atrocement seule parfois. Notre séparation est difficile au quotidien et avec le décalage horaire ainsi que nos plannings respectifs c'est souvent compliqué de trouver un moment pour papoter ensemble. Je me languis donc à l'idée de rencontrer des personnes qui partageront des centres d'intérêt semblables aux miens et qui aspireront à un type de vie future quasiment identique.

Je sors de la douche et m'habille en quatrième vitesse. Avec toute cette agitation, je vais finir par arriver à la bourre au travail et cela ferait beaucoup trop plaisir à Evan. Je l'entends d'ailleurs brailler depuis le salon.

— Mon frère vient passer la semaine prochaine ici.

— Le...

Je m'interromps brutalement, car je réalise que je me bave dessus. Répondre en me brossant les dents n'était pas l'idée du siècle. Je peste contre moi-même en rinçant mon pull et j'attrape ma montre ainsi qu'un élastique avant de filer vers l'entrée.

— Lequel ? je lui demande enfin.

— Alec, il a un entretien dans le coin.

— Génial !

Evan me prévient toujours de la venue de ses amis ou des membres de sa famille, alors que rien ne l'y oblige véritablement puisque j'habite chez lui après tout. De toute façon, j'adore ses frères. Au nombre de trois, ils sont on ne peut plus dissemblables. Alec est le plus folâtre de la bande, Ézequiel le plus sérieux et Victor le plus timide.

— Angy, tu vas être en retard !

— Je sais !

J'enfile en un éclair ma paire de baskets fétiches, j'empoigne ma veste, mes clés et je quitte l'appartement. Ce n'est qu'une fois à l'extérieur que je réalise que j'ai oublié mon téléphone dans ma précipitation. Ce n'est pas malin, mais je n'ai pas le temps de remonter le récupérer. J'abhorre considérablement le fait de ne pas être à l'heure et Evan le sait. Me faire ressentir de l'angoisse à ce sujet est l'un de ses hobbies préférés. Je décide donc de me mettre en route sans musique. Tout en m'abandonnant une nouvelle fois à mes rêveries, je pédale plus vite. J'adore New York, ces cinq arrondissements et tout particulièrement celui-ci. C'est si différent de la banlieue parisienne dans laquelle j'ai passé mon enfance et même si Manhattan est extraordinaire et démesurée, il n'en reste pas moins que j'ai aussi de merveilleux souvenirs de ma ville natale. C'est là-bas que j'ai découvert mes échappatoires que sont la musique et la danse. C'est là-bas également que je me suis liée d'amitié avec Kristen dès mon plus jeune âge. Comme moi, elle a dû travailler dur afin de poursuivre son rêve d'étudier les beaux-arts dans le cœur de la capitale française.

Il est à peine quatorze heures et je suis d'ores et déjà au bout du rouleau. Le premier coup de feu vient de passer et je sens que chacun de mes muscles proteste contre mon train de vie. Entre les cours de danse le matin, le service au restaurant pendant la semaine et celui au club le week-end, je n'ai plus une seule minute de répit depuis deux ans. Je sais que les résultats n'arriveront pas avant une vingtaine de jours, mais je ne peux pas m'empêcher de vérifier ma boîte de réception.

— Veux-tu que je te prépare une assiette, farfallina ?

— C'est gentil Marco, mais je n'ai pas très faim.

— Tu ne manges presque rien ces derniers temps ! Tu vas finir par faire un malaise, soupire-t-il.

Je ne réponds rien à cette réflexion, car je suis d'accord avec lui. Même si je sais que ma machine a besoin de carburant pour fonctionner correctement, le stress me tord tellement l'estomac que j'ai peur de vomir de ce que j'aurais le malheur d'avaler. Je préfère donc m'abstenir de trop manger le temps que mes émotions cessent enfin de faire des loopings. Néanmoins, pour ne pas vexer l'illustre cuisinier qu'il est, je picore dès que j'en ai l'occasion quelques fruits qu'il laisse à mon intention sur son plan de travail. 

Comme chaque jeudi soir, Diana me prend en pitié et m'autorise à partir un peu plus tôt en prévision de mon week-end. Étant au courant de ma situation, elle fait tout pour me faciliter la tâche dès qu'elle en a la possibilité. Je salue mes collègues, j'attrape une bouteille d'eau et j'enfourche mon vélo. Tandis que je pédale à fond de train entre les rues, je commence à imaginer l'entraînement qui m'attend. Sous les conseils de l'une de mes professeurs, je dois travailler mon grand jeté. Je trouve chaque fois autre chose à faire, mais je dois prendre le temps de le perfectionner dans l'optique des admissions. Je m'élance pour traverser de l'autre côté, mais sans même comprendre ce qui m'arrive je suis projetée avec force de mon vélo. Perdue dans mes pensées, je n'ai pas vu la voiture qui semble avoir tourné au coin de la rue. L'impact a été d'une brutalité sans nom et alors que je suis clouée au sol je ne peux retenir une longue plainte. La douleur me foudroie de part en part. Je ne parviens pas vraiment à détecter où j'ai mal en particulier et j'ai l'impression que mon corps entier est en feu. Je peine à recouvrer mon souffle que la force de cette collision a coupé. Je sais que je n'ai rien pris avec moi en cas de crise alors j'inspire et j'expire lentement en ordonnant aux battements de mon cœur de trouver un rythme plus régulier. La peur de m'être fêlée quelque chose me noue la gorge. Je retiens de justesse un sanglot, car ce n'est pas en versant un torrent de larmes que j'aurais ma réponse. En douceur, je remue en priorité mes chevilles et ce n'est qu'une fois que je suis certaine qu'elles n'ont rien de grave que j'en fais de même avec toutes mes articulations importantes. Quelqu'un m'interpelle, mais je suis bien trop sonnée pour comprendre un traître mot de ce qu'il raconte. Tous les sons qui me parviennent sont étouffés et j'éprouve la sensation désagréable de porter un casque à réduction de bruit. Je suis comme empêtré dans un brouillard et la seule chose à laquelle je pense c'est que je dois me remettre très vite sur pieds afin d'évaluer les dégâts. J'essaie donc de me redresser, mais j'ai comme l'impression de recevoir un coup de marteau derrière le crâne. Un gémissement m'échappe et je relâche mes efforts.

— Bon sang, vous êtes sortie de nulle part ! Je suis désolé !

L'homme que j'identifie maintenant comme étant le conducteur de la voiture s'agenouille près de moi et affiche une mine effarée.

— Voulez-vous que j'appelle les secours ?

Je ne peux pas me permettre une hospitalisation, alors je lui fais signe que ce n'est pas la peine. Je serre tellement les dents que même mes gencives me font souffrir. Je n'imagine pas la grimace que je dois exhiber, mais j'ai bien trop mal pour m'en soucier pour le moment. Un élancement au niveau du genou me prend d'un coup et je tâche une fois encore de me relever pour y jeter un coup d'œil. J'y parviens presque, mais je perds en un clin d'œil l'équilibre et je chute sur les fesses. La nouvelle rencontre avec le bitume m'arrache un hoquet de douleur. J'aurai un joli hématome sur le postérieur, c'est certain... Une autre main que celle du conducteur du véhicule entre dans mon champ de vision et lorsque je porte mon attention sur l'inconnu à qui elle appartient tout mon corps se fige et je me liquéfie sur place. Il plisse les yeux pour m'observer et sans trop savoir pourquoi je suis d'emblée embarrassée par la puissance de son regard incandescent.

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