Obsession

By Angels_Larry

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Bienvenue dans cette nouvelle histoire, j'espère qu'elle vous plaira. Bonne lecture ♥ More

Prologue
Première partie
Deuxième partie
Quatrième partie
Cinquième partie
Partie finale
Fin

Troisième partie

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By Angels_Larry

« Le son des guitares qui se fracassent au sol raisonne dans ma tête, celui de sa colère encore plus. Détruis tout. Défoule-toi. Détruis-moi. Mais ne te sauve plus jamais.»


Point de vue d'Hailey

Quand je me réveille il est toujours là, endormi à même le sol. Il a tenu sa promesse, il est resté avec moi. C'est idiot mais cela me touche. Je le regarde dormir, je pourrais dire qu'il semble paisible comme souvent quand les gens dorment mais ce n'est pas le cas. Même dans son sommeil ses traits sont durs. Même quand il dort, il est tout sauf apaisé. J'ai mal à la tête.

La porte est entrouverte, une négligence de sa part mais je crois  que lui aussi devait être perturbé par tout ça. Je reste plusieurs minutes immobile comme une idiote à me demander si je dois le faire ou pas. Après ce qu'il s'est passé cette nuit, après ce qu'il a fait pour moi, j'ai le sentiment de le trahir si je pars... Je me sens mal.

Putain qu'est-ce qu'il te prend Hailey ? Bien sûr que non tu ne le trahis pas, c'est toi la victime pas lui !

Mon esprit s'embrouille tout seul. C'est ma seule chance. Je repousse les couvertures et me lève, il est entre moi et la liberté. Son corps est entre moi et la liberté. J'ai le cœur qui bat, j'ai l'impression qu'il va exploser. Si je le réveille... Je ne préfère même pas imaginer sa réaction. Je l'enjambe le plus silencieusement possible, ça y est. Il remue, je me fige, je cesse de respirer. Il dort toujours.

Respire Hailey, tu peux le faire.

J'attends quelques secondes pour être certaine qu'il ne se réveille pas et j'avance vers la porte. Je l'ouvre doucement et sors de la pièce. Je reprends ma respiration, j'ai réussi. Je me mets à courir le plus vite possible. L'adrénaline et la peur qu'il m'attrape à tout moment me brûlent les poumons. Je monte le même escalier que la dernière fois. J'ai peur. J'ai peur de voir son frère surgir devant moi encore une fois. Quand je pousse la porte, il n'y a personne. Je ne perds pas de temps et traverse la cuisine. Je tombe sur le hall d'entrée, il est encore plus grand et majestueux que la pièce précédente. La porte est là devant moi, ma liberté est là devant moi. Je l'ouvre et le soleil m'éblouit, je ne l'avais pas vu depuis si longtemps qu'il me brûle les yeux. J'ai un mouvement de recul et je vois Louis avancer dans l'allée.

Merde, merde, merde.

Je ne sais pas s'il m'a vue. Je panique.

- Hailey !

C'est la voix d'Harry, je me retourne et le vois traverser la cuisine en courant. Je suis maintenant complètement paniquée. Je tourne sur moi-même en regardant partout autour de moi, un immense escalier se dresse devant moi. Je ne réfléchis pas, mon cerveau n'en est plus capable, je cours, je trébuche, je monte les marches le plus vite possible. Je l'entends derrière moi, il crie mon nom, il va me rattraper, ce n'est plus qu'une question de secondes. Je suis maintenant en haut, une pièce est ouverte devant moi, je m'y propulse, ferme la porte et la verrouille juste au moment où il donne un coup dedans.

- Hailey, ouvre cette porte !

Il est en colère. Je me laisse glisser le long de la porte, j'ai du mal à respirer. J'ai vu la lumière du jour, j'étais presque dehors, j'avais presque réussi.

- Ouvre !

Je l'ignore, je ferme les yeux. Je ne veux plus l'entendre, je ne veux plus être ici.  Je veux me réveiller de ce cauchemar.

- Ouvre-moi s'il te plaît Hailey.

Il ne crie plus.

- Tu es dans ma chambre...

Quoi ?

Je rouvre les yeux, dans la panique je n'avais pas fait attention. Je regarde autour de moi. Je ne sais pas vraiment à quoi je m'attendais mais pas à ça en tout cas. Je crois que je m'imaginais une pièce identique à celle qu'il y a en bas, une pièce remplie de photos de moi, ou alors de couteaux ou de menottes. Quelque chose de bien glauque et traumatisant, pas une chambre d'adolescent normal. En réalité je ne m'attendais à rien, je crois que je n'arrivais pas à imaginer qu'il puisse avoir une chambre comme tout le monde. Je me lève pour mieux voir. Les murs sont bleus, un grand un lit trône contre un mur, un bureau, une armoire, un miroir. Trois guitares sont posées sur leurs cales à côté d'un immense piano blanc. Il n'y a aucune décoration hormis un cadre. C'est une photographie de Londres en noir et blanc, en grand format. Rien de plus, pas de centaines de photos de moi. C'est une chambre normale, pour de vrai. On ne dirait pas la chambre d'un psychopathe. Je m'approche du piano, je frôle les touches, il est magnifique et doit coûter sûrement très cher. Du peu que j'ai vu de la maison, il semble riche, très riche.

- Ouvre cette porte !

Je sursaute, en l'espace d'une dizaine de secondes je l'avais presque oublié. Il est de nouveau énervé.

- Dis-moi ce que je fais ici.

Je veux des réponses. Je veux comprendre. J'ai besoin de comprendre.

- Ouvre-moi et je te le dirai.

Il a tenté de répondre calmement mais je sais qu'il est en colère, je l'entends à sa voix. Ça m'est égal. Moi aussi je le suis. En colère. En colère car la lumière du soleil m'a éblouie. En colère car sa chambre est normale. En colère car je suis ici. En colère car je veux rentrer chez moi. En colère car je le déteste. En colère parce cette nuit je ne le détestais pas. En colère parce que je me suis sentie plus protégée qu'en danger. En colère parce qu'il embrouille mon esprit. En colère parce qu'il me veut et que je ne sais pas pourquoi. En colère parce que je le hais.

- Qu'est-ce que tu me veux ?!

Je viens de hurler.

- Ouvre la porte !

- Non !

- Hailey.

Il grogne d'une voix menaçante.

- Ouvre cette putain de porte, bordel !

Il ne cherche même plus à se contrôler.

- Va te faire foutre !

Moi non plus je ne cherche pas à me contrôler. Je suis hors de moi et le fait qu'il ne réponde pas à mes questions me pousse encore plus à bout. De rage je balance tout ce qui se trouve sur le bureau. Je pensais que ça me calmerait mais au contraire, ce n'est pas suffisant. Je continue. J'arrache les couvertures du lit, je déchire les oreillers, je crie en même temps, je grogne, je ne sais pas ce que je dis mais ça sort tout seul de ma bouche, peu importe. Je l'entends crier lui aussi. Il donne des coups dans la porte, il veut sûrement la défoncer. Ça m'est égal, je ne m'arrête pas. Je prends une guitare et la fracasse sur le sol.

- Hailey arrête !

Les coups sur la porte redoublent et moi je continue. J'explose la deuxième guitare, puis la troisième. Je veux détruire tout ce qui lui appartient comme lui me détruit.

- Ouvre !

Je m'en prends à son armoire, je la vide, les étagères, les tiroirs, je déchire ses vêtements. Je pleure tellement que j'ai du mal à respirer, ma vue est brouillée. Il cogne toujours contre la porte, elle va bientôt céder, je le sais. Je me retrouve face au miroir et me regarde dedans. Je ressemble à une folle. J'ai les cheveux en bataille et le visage ravagé par les larmes. Je pousse un cri de frustration et frappe de toutes mes forces la glace de mes poings. Elle se brise et des morceaux de verre se plantent dans ma peau, de mes coudes à mes poignets. Les coups s'arrêtent.

- Hailey ?... Hailey ???!

Sa voix est un mélange de panique et de colère. La poignée se baisse frénétiquement et il frappe encore plus fort maintenant.

- Pourquoi... Pourquoi tu fais ça ?

J'ai à peine murmuré mais je sais qu'il a entendu car les coups s'arrêtent. Je regarde le sang qui coule le long de mes bras, je n'ai pas mal.

- Je... Ouvre sil te plaît.

Il ne crie plus. J'ai la tête qui tourne, je suis à bout de forces. Je me laisse glisser le long du mur à côté du piano face à la porte.

- Réponds-moi...

J'ai besoin de ses réponses, j'ai besoin de savoir, de comprendre mais ça, il ne le comprend pas.

- Ouvre-moi.

Je reste silencieuse un long moment. Lui aussi.

- Hailey ?

Il n'est plus du tout en colère maintenant, juste inquiet. Je crois qu'il a compris que j'avais besoin de craquer. Je ne lui réponds pas.

- Hailey réponds-moi ou je défonce la porte.

- Laisse-moi tranquille.

Encore une fois j'ai à peine murmuré mais encore une fois je sais qu'il m'a entendue même s'il ne me répond pas tout de suite. Il se laisse glisser et s'assoit au sol lui aussi, je le vois à son ombre sous la porte. Je l'entends soupirer, il souffle longuement comme s'il était autant épuisé psychologiquement que moi.

- Je ne peux pas, je suis désolé.

On ne dit plus rien, on reste silencieux. Je suis fatiguée et je me sens faible. Je regarde autour de moi le désastre que j'ai causé. Sa chambre est sans dessus dessous. J'ignore pourquoi mais je n'ai pas touché au piano. Des morceaux de verre jonchent le sol un peu partout. J'en attrape un et le fais tourner dans ma main, le soleil se reflète dedans à travers les rideaux presque fermés. Sa lumière me fascine tellement elle m'a manquée. Le morceau est pointu, j'appuie dessus avec mon pouce, une goutte de sang coule le long de mon doigt.

- Pourquoi moi ?

Ma voix a été vraiment faible. Il met plusieurs minutes avant de me répondre.

- Je te l'ai dit, tu es différente.

Sa réponse ne me convient pas. Je ne la comprends pas. Mes yeux se remplissent à nouveau de larmes mais une seule s'échappe de mes paupières et je la laisse couler sur ma joue sans chercher à l'arrêter, je m'en fiche.

- Je ne suis pas différente...

J'ai murmuré ces mots plus pour moi que pour lui. Je ne suis pas différente, il se trompe. Un léger coup est donné contre la porte comme s'il l'avait tapée avec sa tête. Il souffle longuement encore une fois.

- Si tu l'es.

Je ne pensais pas qu'il m'avait entendue et sa réponse ne me convient toujours pas.

- Ouvre-moi... S'il te plaît Hailey.

Même s'il n'est plus en colère et que moi non plus je ne le suis plus, je ne veux pas le laisser rentrer. Je ne veux pas le voir. Je réalise qu'il me suffit d'entendre sa voix pour savoir ce qu'il ressent. Il me connait par cœur et je ne sais rien de lui, pourtant rien qu'à sa voix je reconnais ses émotions. Cela me perturbe. Le morceau de verre tourne toujours dans ma main et le soleil qui s'y reflète fait voleter les grains de poussières. J'appuie le côté le plus pointu sur mon poignet. Est-ce-que je suis capable de le faire ? Je l'ai déjà fait avant. La douleur physique calmera celle qu'il y a dans ma tête. Sans m'en rendre vraiment compte, le verre traverse ma peau et le sang coule le long de mon poignet avant de finir sa course sur le sol. Je regarde les gouttes de sang tomber sur la moquette grise et y faire une tâche assez importante. Je me sens engourdie. J'y suis peut-être allée un peu fort ou alors j'ai déjà perdu trop de sang en cassant le miroir, je ne sais pas, mais j'ai la tête qui tourne et je commence à voir flou. Elle est peut-être là, la solution. Toute cette situation m'échappe, je ne suis plus libre et là j'ai le sentiment de pouvoir contrôler ma mort. J'aime ce sentiment de pouvoir encore contrôler quelque chose. Je me sens partir.

Je m'apprête à m'entailler le deuxième poignet quand il surgit  d'un coup de derrière la porte comme s'il s'était douté de quelque chose. Je suis sûrement restée silencieuse plus longtemps que ce que je croyais. Je ne l'ai même pas entendu frapper dedans pour finir de la défoncer. Ma tête tourne de plus en plus. Il saute souplement par dessus le lit qui lui barre le passage et en moins d'une seconde, il m'arrache le morceau de verre de la main. Un mélange d'angoisse et de colère se lit sur son visage. Je tente de le repousser mais il ignore mes protestations. Ses bras entourent mon corps et il me soulève aussi facilement que si j'étais aussi légère qu'une feuille de papier ou une plume. J'essaie de me débattre, de le repousser mais je n'ai plus aucune force. Il m'emmène dans une pièce, c'est une salle de bain. Il me pose dans la douche et fait couler l'eau, on est tous les deux complètement trempés, il a l'air de s'en foutre. Je ne me sens pas bien, vraiment pas bien. J'ai dû perdre beaucoup plus de sang que je ne le pensais. Il attrape mon poignet et le place directement sous le jet, c'est douloureux. Je tente de résister et de le repousser mais  il me lance un regard noir suivi d'un : "Arrête." aussi noir que ses yeux. Il appuie maintenant une serviette sur la coupure, ça me fait mal. Je me sens faiblir, il me regarde, l'eau coule toujours sur nous et je me laisse lentement glisser le long du mur de la douche. Je sens ses bras puissants me rattraper délicatement avant de m'évanouir.

J'ouvre péniblement les yeux, je cligne plusieurs fois des paupières. Je suis de retour dans ma cellule. Mes bras sont bandés des coudes aux poignets. J'ai du mal à retrouver mes esprits, je me sens encore faible. Un mouvement sur le côté me fait tourner la tête, il est là, assis sur une chaise, il me fixe. Ses prunelles sont sombres, son regard me met mal à l'aise, je me sens fautive, je n'ose rien dire. Il se lève brusquement, j'ai un mouvement de recul, il fait les cent pas dans la pièce, je le regarde sans bouger, je n'ose pas. Il souffle et s'immobilise en se passant une main nerveuse sur le visage.

- Ne refais plus jamais une chose pareille Hailey, plus jamais.

Sa voix est tellement sévère qu'elle me glace le sang, son regard ancré dans le mien me paralyse. Je ne sais pas de quoi il parle, de sa chambre ou de mes bras. De sa chambre je crois. Non, de mes bras. Des deux. Je ne sais pas, je ne veux pas savoir. Il me fait peur tellement il est dur. Je suis incapable ni de parler ni de bouger. Il me fixe quelques secondes encore avant de quitter la pièce en claquant la porte derrière lui. Cette fois-ci, il n'oublie pas de la verrouiller et moi, je m'effondre en larmes.

J'ignore combien de minutes, d'heures passent. Il y a longtemps que j'ai perdu toute notion du temps. Je suis seule. Je rumine. Je repense au fait que j'ai presque réussi à m'échapper, que j'ai été à deux doigts de retrouver la liberté. Je ne suis pas contente et je lui en veux. J'ai l'impression de réagir comme une enfant, je crois que je ne contrôle plus vraiment ce que je ressens. Être enfermée comme je le suis depuis plus de quinze jours rendrait fou n'importe qui. Et moi je boude. Dix-sept jours maintenant, ou dix-huit ? J'essaie de réfléchir. J'essaie de rassembler mes esprits mais rien ne vient. Je suis perdue.

J'ai arrêté de pleurer, je suis maintenant assise contre le mur et je me demande si je ne devrais pas y faire des entailles pour me repérer, comme ils le font dans les films. Sauf que je n'ai rien de tranchant pour en faire et que je ne suis pas dans un film. Si c'était le cas, ce serait un film d'horreur avec le pire scénario du monde. Je souffle. Je n'avais pas fait attention mais je porte toujours sa chemise, je la retire brusquement, Je ne veux plus la porter, je ne veux plus sentir son odeur sur moi. Je la jette au sol et me lève pour la piétiner. Je la piétine jusqu'à ce qu'elle ne soit plus qu'un misérable bout de tissu recouvert de poussière. Une fois satisfaite, je retourne m'asseoir.

Il est de retour. Il m'apporte à manger. Il jette un œil à sa chemise qui est toujours en boule par terre mais ne dit rien. Il pose le plateau et s'assoit en tailleur devant moi. Je regarde le sandwich et la bouteille d'eau mais je n'y touche pas.

- Tiens.

Il me tend un livre. « Roméo & Juliette ».

- Je sais que c'est ton livre préféré, je me suis dit que ça te ferait plaisir de l'avoir.

Évidemment que tu le sais, vu que tu sais tout de moi.

J'ai envie de le lui dire mais je me retiens. Je ne veux pas lui parler. Il soupire et le pose à côté de moi. Un silence s'installe. J'ai les yeux fixés sur mes mains, je sens son regard insistant sur moi. Au bout d'un petit moment il reprend la parole.

- Je... Je suis désolé de t'avoir fait peur tout à l'heure.

Il s'arrête. Je ne sais pas s'il attend une réaction de ma part mais je n'espère pas pour lui car il n'en aura pas. Je crois qu'il l'a compris car il reprend :

- Quand j'ai vu ton poignet, j'ai...

Il cherche ses mots, j'ai envie de le regarder mais je ne le fais pas. Je résiste.

- S'il te plaît Hailey, ne le refais plus, ne te mets plus jamais en danger.

Maintenant, je lutte pour ne pas lever la tête vers lui.

- Je ne supporterais pas qu'il t'arrive quelque chose...

Il a fini sa phrase dans un murmure, j'abandonne. Je relève lentement les yeux vers lui et quand je croise son regard, mon cœur rate un battement. Il semble réellement sincère, il a l'air  vraiment affecté par ce que j'ai fait. Je suis déstabilisée, je ne sais pas quoi dire alors je ne dis rien. On reste un moment à se regarder ainsi, puis il avance le plateau vers moi.

- Mange, s'il te plaît.

J'hésite. Une part de moi a envie de le pousser à bout juste pour voir à quel point il veut que je me nourrisse. Une autre part de moi a peur et une autre a faim. Je cède à la dernière mais avec un compromis : Je ne lui parlerai pas. Je mange, il m'observe. Je réalise que manger me fait du bien, je me sentais encore un peu faible à cause du sang que j'ai perdu. Une fois terminé, il me demande si j'ai besoin d'aller à la salle de bain. Je hoche la tête. C'est la première fois que je le suis sans baisser les yeux. En réalité j'en profite même pour le détailler sans qu'il me voie. Son dos est large et musclé, ses jambes sont fines et élancées. Je suis certaine qu'il aurait pu être mannequin, enfin s'il n'avait pas choisi d'être un psychopathe obsédé par une fille banale comme moi. Dans un sens, je me sens inférieure à lui.

Il m'ouvre la porte, je rentre et il l'a referme en restant dehors comme d'habitude. Et comme d'habitude, une nouvelle robe blanche m'attend posée dans un coin de la pièce. Les bandages que j'ai sur les bras me font mal et m'empêchent de me laver correctement. Je ne les défais pas. Une fois que j'ai terminé, je frappe à la porte et il m'ouvre. Quand il voit que les bandes ont pris l'eau, il fronce les sourcils. De retour dans ma chambre, enfin dans ma cellule, je me réinstalle sur mon lit.

- Je vais soigner tes blessures.

J'ai un mouvement de recul et je serre mes bras contre moi pour lui faire comprendre que je ne veux pas qu'il me touche. Il souffle et baisse la tête.

- Je t'ai dit que j'étais désolé Hailey.

Je ne lui réponds pas.

- Tu ne veux plus m'adresser la parole ?

Je me borne à ne pas répondre, je sais que c'est puéril mais je ne veux pas lui parler. Je ne peux pas, je n'y arrive pas. J'ai accumulé beaucoup trop de choses en peu de temps et même si je n'ai plus vraiment peur de lui, je lui en veux et le déteste toujours autant. Je refuse même de le regarder, j'ai les yeux fixés sur le livre de « Roméo & Juliette ».

- Je comprends.

Sa voix est triste, je ne peux m'empêcher de le regarder et dans son regard, je vois qu'il est réellement blessé. Il quitte la pièce en silence. Je me sens mal de l'avoir blessé puis je me sens mal de me sentir mal de l'avoir blessé. Mon esprit s'embrouille de nouveau. Je reporte mon attention sur livre et m'en saisit. « Roméo & Juliette ». Un amour impossible, je trouve ça plutôt ironique, j'ignore pourquoi. Mais c'est vrai, il ne mentait pas. Il me connait vraiment. C'est réellement mon livre préféré. Je finis par m'endormir en lisant le premier chapitre.

La porte qui s'ouvre me réveille, je me redresse. Il me regarde, je le regarde aussi sans rien dire.

- Tu ne comptes toujours pas me parler ?

De toute évidence non puisque je ne lui réponds pas. Sauf que ce n'est pas parce que je ne le veux plus mais c'est parce qu'il a une lueur dans les yeux que je ne lui ai encore jamais vue et ça m'intrigue. Il n'y a rien d'effrayant dans son regard. Il reste debout en face de moi un long moment à m'observer. J'ai l'impression qu'il est perdu, comme s'il se battait contre lui même. Puis il finit par tendre une main vers moi.

- Viens avec moi.

Sa voix est rauque. Je regarde sa main hésitante, je ne sais pas si je dois la prendre ou non.

- S'il te plaît, viens.

Je craque et pose ma paume dans la sienne. Elle est immense comparée à la mienne et sa peau est chaude et douce. Il resserre ses doigts sur les miens et me redresse doucement. Je suis face à lui maintenant. Il me fixe d'un regard profond. Je suis incapable de décrocher mes yeux des siens.

- Promets-moi de ne rien faire de stupide Hailey.

Je suis perdue, je ne sais pas pourquoi il me demande ça, mais j'ai l'impression qu'il me supplie. Je suis fascinée par ses yeux. Ils ne sont pas verts mais gris. Je hoche la tête, je crois que je ne réalise pas réellement ce que je viens de lui promettre silencieusement. Sans rien dire de plus, il sort de la pièce en m'entraînant avec lui. Il me tient toujours par la main. Je ne comprends pas mais je le suis sans un mot ni protestation. Sur les marches des escaliers qui mènent à la cuisine, je vois deux manteaux et une paire de chaussures. Des Doc Martins noires. Mes Doc Martins noires. Mes yeux se mettent à briller immédiatement. Il.. Il va me laisser partir ?

- Je ne te laisse pas partir Hailey, mais tu as besoin de sortir.

J'ai dû prendre l'habitude qu'il lise dans mes pensées car je ne suis même pas surprise. Je suis déçue. Je vois dans son regard que cette sortie ne le rassure pas, pourtant il le fait. Il le fait pour moi. Je mets mes chaussures et enfile le manteau en même temps que lui. Il reste quelque chose sur les marches et quand je réalise que ce sont des foulards, je me pétrifie. Il s'en rend compte et se saisit des bouts de tissu.

- Je ne peux pas te laisser sortir comme ça...

Si c'est censé me rassurer, c'est raté.

- Je ne te ferai pas de mal... Je te le promets.

Il se passe un million de choses dans ma tête mais je sais qu'il est sincère. Il ne me fera pas de mal et j'ai vraiment besoin de sortir d'ici. Dans son regard il essaie de me rassurer. Je hoche la tête. Il  me murmure un "Merci." avant de s'approcher de moi. J'essaie de ne pas trembler quand il enroule mes poignets ensemble.

- Tu as mal ?

Je sais qu'il parle de ma coupure. Je tourne lentement la tête de droite à gauche, mais c'est un mensonge. Oui, j'ai mal.

- Je vais te bander les yeux, n'aie pas peur.

Tout en attachant le bout de tissu en faisant un nœud derrière ma tête  il me dit qu'il ne me bâillonnera pas la bouche si je lui promets de ne pas crier. Je lui promets. En réalité je lui suis reconnaissante de faire ça pour moi, me laisser sortir même si c'est seulement pour quelques heures ou quelques minutes, mais je ne lui dis pas.

Je n'y vois plus rien, je me sens faible. Je le sens qui passe un bras autour de ma taille et l'autre sous mes jambes. Je frissonne à son contact. Il me soulève et me cale contre son torse, je colle ma tête contre son épaule. J'aime son odeur, elle a quelque chose de rassurant, elle n'est pas comme celle de son frère. Il monte les escaliers. Le fait de ne rien voir me fait peur, j'ai l'impression d'être revenue au début quand il m'enfermait dans le noir. Je ne peux pas empêcher mon corps de trembler et il doit le sentir car je le sens resserrer son étreinte sur moi et me blottir un peu plus contre lui. J'ignore où on est mais quand j'entends une porte s'ouvrir et de l'air frais remplir mes poumons, je devine qu'on est devant la maison. Je ne peux pas m'empêcher de sourire tellement c'est agréable. Est-ce qu'il sourit lui aussi ?

- Il fait nuit ?

- Oui.

Sa voix est douce et j'ai l'impression que oui, il sourit lui aussi. Je hais ce bandeau qui m'empêche de voir son sourire. Il reste immobile pour me laisser profiter de mes premières minutes à l'air frais. Je ne peux pas m'empêcher de le remercier. Je lui murmure un léger et tout bête « merci ». Je sens son cœur qui bat dans sa poitrine. Il bat vite.

- Tu souris ?

J'ignore pourquoi j'ai posé cette question. Mais à défaut de le voir j'ai envie qu'il me le dise.

- Oui.

- Pourquoi ?

- Parce que tu souris.

Mon cœur bat aussi vite que le sien. Il marche de nouveau et me dit qu'on va à sa voiture. Une fois qu'on y est, il m'allonge délicatement sur la banquette arrière et me précise qu'il va me recouvrir entièrement d'une couverture. Il me détaille chacun de ses gestes avant de les faire. Je sais qu'il fait tout ça dans le but de me rassurer. Pour m'éviter d'avoir peur, et je me mets à penser que c'est la première fois de ma vie que quelqu'un prend autant soin de moi.

On roule maintenant depuis un petit moment. Le poste diffuse la chanson « Here Without You de 3 Doors Down ». J'adore cette chanson, est-ce qu'il l'a choisie car il savait que je l'aimais ? J'ai l'impression que ça fait une éternité que je n'ai plus écouté de musique et je réalise que ça me manquait. Il me demande souvent si je vais bien, si je n'ai pas trop chaud ou trop froid, ou si je ne suis pas malade. Je lui réponds que ça va à chaque fois. Je ne sais pas combien de temps on roule, plongée dans le noir je perds la notion du temps. Puis on finit par s'arrêter, je l'entends qui coupe le moteur.

- On est arrivés.

Il me fait descendre et alors que je m'attends à ce qu'il me porte à nouveau, au contraire il me pose sur mes pieds et détache doucement le bandeau qui cache mes yeux. Je cligne plusieurs fois des paupières pour me réhabituer et je le regarde quelques secondes avant de faire attention à ce qui se trouve autour de nous. Je me décale de lui et ce que je vois me coupe le souffle. On est dans la vallée, dans les hauteurs et devant nous s'étend toute la ville de Londres aux lumières éclairées. C'est magnifique. Je sais que ça peut paraître ridicule et cliché mais quand on est enfermée aussi longtemps sans sortir, un spectacle aussi simple que celui-là, semble être la chose la plus belle du monde. Le bandage plus le foulard sur ma coupure me brûlent, je fais une grimace et tords un peu mes poignets pour tenter de me soulager. Quand il le voit, à croire que rien ne lui échappe, il s'approche de moi et le défait délicatement. Je suis libre.

- Merci...

- Je t'en prie.

Il est face à moi, je lève la tête et les yeux vers le ciel. Les étoiles... Je réalise à quel point elles m'avaient manqué elles aussi. Les étoiles font partie de ces choses qu'on prend pour acquises, qui nous appartiennent dans un sens. On ne les regarde pas souvent mais on sait qu'elles sont là.  Elles sont là, jusqu'au jour où elles disparaissent. Ce soir, je les regarde comme si je les voyais pour la première fois. Lui, il ne les regarde pas, il me regarde moi. Je le sais. Je sens son regard sur moi. Je pense à mes parents qui me manquent et qui doivent s'inquiéter pour moi, une larme roule sur ma joue. Il l'essuie de son pouce, je le laisse faire et reporte mon attention sur lui. Je ne m'étais pas trompée, il me fixe. Intensément, profondément. Une légère brume commence à tomber.

- Je voudrais te montrer quelque chose.

Je le suis. On traverse une petite forêt, j'avais oublié à quel point j'étais maladroite et quand je trébuche avant que je ne m'écrase au sol, ses deux bras me rattrapent. Je le remercie d'un signe de tête et on continue d'avancer en silence. Sauf que maintenant, sa main tient la mienne. On débouche sur une clairière entourée d'un lac. La brume se transforme en pluie légère. Je regarde ce qui nous entoure, les restes d'une maison brûlée me font face et mon cœur se serre. Je pense avoir compris et quand je le regarde, je vois ses yeux se remplir de tristesse. On est à côté l'un de l'autre, il lâche ma main pour s'avancer un peu.

- C'était notre deuxième maison.

Sa voix est dure et douloureuse à la fois. Je ne dis rien. Je sais qu'il va m'en dire plus mais qu'il a besoin de temps, alors j'attends.

- Ma mère aimait venir ici, loin de la ville, ça lui permettait de se reposer. Un soir un feu s'est déclenché, mes parents dormaient dans leur chambre. Ils sont restés pris au piège dans les flammes.

Mon cœur se serre, c'est horrible. Je ne sais pas quoi dire. Même si je le déteste, il n'a pas le droit de souffrir comme ça. J'aimerais lui dire que je suis désolée pour lui mais ce ne sont pas ces mots là qui sortent de ma bouche.

- Pourquoi tu me racontes tout ça ?

Il reste un long moment silencieux, dos à moi, je me sens cruelle. La pluie fine continue de tomber et quand il se retourne enfin, ses yeux ont perdu leur tristesse et brillent d'une lueur différente. Une chose que je n'arrive pas à identifier et qui me tord le ventre sans que je ne sache pourquoi.

- Ça s'est passé il y a un an.

Je sens mon cœur exploser dans ma poitrine. Ça y est j'ai compris. Liam... Je me sens pâlir et il doit le voir lui aussi car son regard exprime de la compassion.

- On a enterré mes parents le 01 janvier.

Mes jambes me lâchent et je m'effondre au sol. C'est trop dur.

- Ce jour là au cimetière j'étais anéanti. La douleur était si forte que j'ai failli perdre le contrôle de moi-même.

Je me souviens maintenant. Ma tête commence à tourner.

- Un deuxième enterrement avait lieu en même temps un peu plus loin, celui... Celui de ton frère et je t'ai vue. Tu portais un manteau noir et en dessous une robe blanche. Je me rappelle encore m'être dit que tu étais stupide.

Je tremble de tout mon corps. Toutes ces robes blanches qu'il me force à porter...

- C'est... C'était toi...

Ma voix tremble, je suis incapable de parler tellement mon cœur se broie dans ma poitrine. Je me souviens maintenant, ce garçon que j'avais vu au cimetière, celui qui venait de perdre un proche aussi. Le garçon qui me regardait, à qui j'ai souri et qui m'a rendu mon sourire... J'ignore pourquoi je lui avais souri ce jour là, peut-être parce qu'il souffrait lui aussi.

- Oui c'était moi et quand tu m'as regardé et que tu m'as souri ce jour là au milieu de tous ces gens qui pleuraient, j'ai su que tu étais tout sauf stupide. J'ai compris que tu étais différente.

Je ne me sens pas bien, ma tête tourne de plus en plus, je suis prise de nausées, j'ai l'impression que je vais m'évanouir. Je l'ai vu pour la première fois à l'enterrement de mon frère. Le jour où j'ai dit adieu à mon grand frère, lui disait adieu à ses parents.

- Je suis désolé pour ton frère Hailey... Son accident de voiture... C'était vraiment injuste, je suis vraiment désolé.

Les larmes roulent sur mes joues sans que je ne cherche à les arrêter, le souvenir de la mort de Liam est encore trop douloureux. Il vient s'asseoir à côté de moi. On reste un long moment silencieux. Puis sans que je ne lui demande quoi que ce soit, il reprend :

- Ce jour là après que tu aies quitté le cimetière, je suis allé sur la tombe de ton frère et c'est là que j'ai su ton nom. J'ai cherché ton adresse mais je savais que ce n'était pas une bonne idée alors j'ai voulu te chasser de ma tête et j'ai réussi. Pendant deux mois environ. Un soir j'étais allongé sur la tombe de mes parents, j'y passais beaucoup de temps, je t'ai vue, tu étais agenouillée devant celle de ton frère et tu pleurais. Je t'ai observée. Puis tu es revenue tous les soirs pendant un mois, je crois. Je revenais moi aussi. Plus pour voir mes parents mais pour te voir toi. Je me cachais derrière les arbres et je te regardais pleurer.

Il s'arrête et moi je suis sur le point de vomir. Il a violé mon intimité. Ces moments appartenaient à mon frère et moi et lui nous observait dans l'ombre. J'ai envie de hurler, de lui sauter dessus et de le frapper mais je ne fais rien. Je suis dans un état second.

- Je ne supportais plus de te voir pleurer, je voulais revoir ton sourire comme le jour de l'enterrement mais je ne savais pas comment t'aborder. J'ai essayé des dizaines de fois, des dizaines de fois j'ai voulu venir te parler mais je n'ai jamais réussi. Puis un soir tu n'es pas venue, et le soir d'après non plus. Je me suis dit que tu étais peut-être malade ou que tu avais des empêchements. Je t'ai attendue pendant presque trois semaines. Tous les soirs je venais et tous les soirs tu n'étais pas là. J'ai cru devenir fou et j'ai fini par craquer, j'ai ressorti ton adresse que j'avais conservée et je suis venu chez toi. Je t'ai suivie un matin alors que tu allais au lycée. Tu allais mieux, tu souriais de nouveau. Tous les jours je te suivais, peu importe où tu allais, j'y allais aussi et je te prenais en photo. Te voir sourire au début m'a aidé à aller mieux, puis ensuite c'était devenu comme une drogue. Un besoin. J'avais besoin de ton sourire. J'avais besoin de te voir sourire. Je me disais que si toi tu souriais, moi aussi je réussirais à sourire de nouveau un jour.

Je tremble de tout mon corps, je suis paralysée. Il est malade. Il est vraiment malade...

- Pourquoi m'avoir enlevée ?

Je n'ai jamais entendu ma voix aussi tremblante. Il a gardé tout le long son regard fixé sur les restes de son ancienne maison, maintenant il me regarde moi. Il me regarde comme s'il cherchait à me parler avec ses yeux. Je le regarde aussi.

- Un soir j'étais dans l'arbre qui donne sur ta fenêtre...

Je tressaille, je ne peux pas m'en empêcher, c'est plus fort que moi. L'imaginer en train de me regarder ou même dans ma propre chambre pendant que je dors m'effraie. Il s'en rend compte.

- Je suis désolé Hailey, je sais que je n'aurais jamais dû faire ça mais j'en avais besoin.

Je crois que ce qui me fait encore plus peur que ce qu'il me raconte, c'est qu'il y a une part de moi qui comprend.

- Continue.

- Un soir tu étais dans ta chambre et je t'ai vu tenir cette lame de rasoir dans ta main...

Il s'arrête. Je vois les muscles de sa mâchoire et de son cou se contracter, comme si se rappeler ce moment est trop douloureux pour lui. Il approche sa main de mon poignet mais je recule mon bras, je ne veux pas qu'il me touche. Il n'insiste pas, il baisse les yeux avant de reporter son attention sur son ancienne maison.

- Quand je t'ai vu faire, j'ai compris que tu n'allais pas mieux, que tes sourires étaient tous faux et je me suis promis ce jour là que je te sauverais. Tu mérites mieux que de vivre dans un monde où les gens meurent brûlés vifs dans leur propre maison ou dans un monde où un chauffard alcoolique tue un jeune homme de 23 ans qui rentrait tranquillement chez lui.

Mon cœur se serre à nouveau. Ses parents et... Liam... Je ne sais pas comment je dois réagir. J'ai envie de hurler mais je suis sous le choc de tout ce qu'il vient de me raconter. La pluie tombe un peu plus fort, on est complètement mouillés. Je reste silencieuse, je tente de remettre de l'ordre dans mon esprit. J'ai l'impression qu'une bombe vient d'exploser dans ma tête. Le silence qui nous entoure est tellement lourd et long que j'ai l'impression qu'il dure une éternité tout en passant en une fraction de seconde en même temps. Je sursaute quand il le brise.

- Est-ce que tu me détestes ?

Sa question me prend au dépourvu, je le regarde les yeux écarquillés. Il pleut averse maintenant et je sens la colère monter en moi sans pouvoir la contrôler. Je me redresse d'un geste brusque, il fait la même chose. Il se tient devant moi. Je me mets à pleurer et crier.

- Si je te déteste ?! Tu me suis depuis plus d'un an, tu connais tout de moi ! Tu sais ce qui est arrivé à mon frère ! Tu m'as espionnée, kidnappée, volé ma vie, tu m'as frappée, tu es rentré dans ma chambre, MA propre chambre, tu m'as regardée dormir ! Chez moi dans MA maison, ma foutue maison !

Je hurle à m'en casser la voix, il fait nuit et la pluie est de plus en plus forte. Il reste là, face à moi immobile, ses cheveux collent à son visage et ses yeux ne quittent pas une seule seconde les miens. Je hurle encore plus fort.

- Tu as fait de ma vie un enfer, tu m'as enfermée dans le noir et pourtant quand ton frère a tenté de me violer...

Malgré la pluie je vois un éclair de haine traverser son regard.

- ...Tu m'as sauvée et dans tes bras je me suis sentie en sécurité ! Tu me dis tout le temps que je suis différente mais je ne suis pas différente c'est toi qui me fait me sentir différente ! J'ai l'impression d'être quelqu'un d'important. Si je te déteste ?! Oui, je te déteste, je te hais de tout mon être mais quand je suis avec toi, j'ai l'impression que quelqu'un tient à moi. J'ai l'impression pour la première fois de ma vie, de vraiment compter pour quelqu'un !

Je lui crache tous ces mots au visage mais d'un seul coup je m'arrête net comme si j'avais perdu ma voix. Je prends conscience de mes paroles, je ne les avais pas réalisées avant et elles sont autant un choc pour moi que pour lui. Je le vois dans ses yeux.

- Tu es tout pour moi Hailey.

Il ne l'a pas hurlé, il l'a crié pour couvrir le bruit de la pluie et du tonnerre mais je refuse d'entendre ce genre de chose. Je refuse qu'il me dise ce genre de chose.

- Ferme-la !

Il s'apprête à parler de nouveau. Je ne veux pas qu'il parle. Je ne veux pas l'entendre. Je ne veux plus rien entendre.

- La ferme !

Je viens de hurler encore plus fort. Je perds le contrôle, je le pousse de toutes mes forces. Pris par surprise, il tombe à la renverse et moi je me mets à courir. Je cours le plus vite possible. La pluie m'empêche de voir et a transformé le sol en boue, pourtant je ne m'arrête pas. Je tombe, je me relève. Il me court après, il hurle mon nom. Je suis au milieu des arbres, la pluie est moins forte grâce aux branches mais je panique, j'ai du mal à respirer. Je regarde autour de moi, je suis complètement perdue. Je l'entends se rapprocher. Je me remets à courir. Je crois l'avoir semé quand deux bras me plaquent violemment au sol, ventre contre terre.

- Arrête Hailey !

Il crie pour couvrir la pluie. Il me retourne sur le dos, il est en colère. Je me débats de toutes mes forces.

- Ne fais pas ça !

- Lâche-moi !

Je le repousse, je tente de lui mettre des coups de poing, des coups de pied mais ses jambes bloquent les miennes. J'essaie de le frapper, de le mordre, de le pousser. Je suis complètement hystérique.

- Arrête !

Il hurle, il attrape mes poignets et les immobilise de chaque côté de ma tête, ses mains sont plaquées dessus. Ses bras encerclent mon visage.

- Ne fais pas ça, tu m'entends !

Son corps bloque complètement le mien et même si je tente encore de me débattre, ça ne sert plus à rien. Il est beaucoup trop fort, beaucoup trop en colère. Ses yeux qui fixent les miens sont mauvais.

- Je t'interdis de faire ça !

La pluie tombe sur son dos, il est trempé, comme moi. Ses cheveux collent à son visage et tombent devant ses yeux.

- Tu n'as pas le droit de m'abandonner !

Je ne bouge plus, je n'ose plus, j'en suis incapable. Son regard n'est plus mauvais mais complètement paniqué et effrayé. Ses émotions changent si rapidement que j'en ai encore plus peur.

- Je t'interdis de m'abandonner Hailey !

C'est un cri de souffrance. Il y a tellement de détresse dans sa voix que ça me paralyse.

- Ne m'abandonne pas...

Il ne crie plus maintenant, il me regarde. La douleur que je vois dans ses yeux m'arrache le cœur et sans que je ne m'y attende, il s'effondre sur moi et me serre dans ses bras.

- Ne refais plus jamais ça.

Il me supplie en me serrant contre lui comme si sa vie en dépendait. Il me serre tellement fort qu'il me fait mal.

- Ne m'abandonne pas Hailey je t'en prie...

Sa voix n'est plus qu'un murmure brisé que j'entends malgré la pluie. Je sens ses tremblements contre mon corps, il est en train de pleurer. Je ne sais pas comment réagir et une douleur me transperce le cœur. De la détresse, c'est exactement ça. De la détresse et de la souffrance à l'état pur. Je réalise que je ne supporte pas de le sentir pleurer. Ça me fait mal, pourtant je suis incapable de le réconforter. Je ne bouge pas, mes bras restent immobiles le long de mon corps et mon torse se soulève à toute vitesse sous le sien tellement j'ai du mal à respirer. Au bout d'un long moment, il finit par se calmer et se redresse en m'entraînant avec lui. Je suis de nouveau soulevée du sol, plaquée contre son torse. Ses yeux ne sont plus verts, ils sont gris et remplis de larmes qui ne coulent plus. Il ne dit rien et me reconduit à la voiture, je me laisse faire. Mon corps est glacé, je suis gelée à cause de la pluie. Je crois que je suis sous le choc. Ce qui vient de se passer défile dans ma tête encore et encore.

Une fois qu'il m'a déposée sur la banquette arrière, il ressort. Les portières sont verrouillées mais je le vois à travers la vitre, il frappe contre un arbre plusieurs fois de suite en hurlant avant de tomber à genoux au sol.Je prends enfin conscience de toute l'ampleur de sa folie.

« Je te l'avais dit qu'on n'en avait pas fini toi et moi. »

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