Contre vent et marées

By Kyo_Black_

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Amélie Marceau n'a jamais été adepte de compétition. Si elle est brillante dans sa discipline, les courses ne... More

Playlist
Info
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Chapitre 37
Chapitre 38
Chapitre 39
Chapitre 40
Chapitre 41
Chapitre 42
Chapitre 43
Chapitre 44
Chapitre 45
Chapitre 46
Chapitre 47
Chapitre 48
Épilogue

Chapitre 4

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By Kyo_Black_

Pimp ta vie en rose, c'est le secret du bonheur bébé.

Amélie

Les mains pleines de liquide poisseux, j'appelle ma mère à la rescousse en criant à plein poumons pour qu'elle m'entende dans cette baraque trop bien isolée. Hésitante, je rattrape les dégâts en étalant un peu plus la sorte de crème rose sur le haut de mon front, évitant avec minutie de me faire une grosse tache qui ne partira pas avant des jours. Je vous dis directement : je me suis quand même fait une trace sur la joue parce que ça me grattait.

- Tu m'as appelé ? J'entends crier du rez-de-chaussée la voix aiguë de ma mère.

- Oui m'man ! Sauf si papa veut s'y coller, je réplique sur le même ton en constatant les dégâts de mon étourderie.

Quelques secondes de silences me répondent avant que je n'entende la voix de mon père par la fenêtre ouverte de la salle de bain, donnant sur notre petit jardin en pente. Pour qu'il puisse m'entendre de là où il est, c'est qu'il est bien en haut de notre pelouse.

- On m'appelle ? crie-t-il à notre intention.

Je ris en entendant au même moment le bruit de la tondeuse à gazon s'éteindre, juste pour ça.

- Non ! Répond-on en cœur avec la madré qui monte avec détermination les escaliers qui nous séparent dans un boucan pas possible.

La tondeuse redémarre, et je vois dans le reflet du miroir la tête de ma mère passer l'embrasure de la porte jaune poussin. Ses grands yeux de biches s'écarquillent en voyant le carnage, mais elle se contente de soupirer en pénétrant dans la pièce, pour mon plus grand bonheur.

- Tu ne pouvais pas aller chez le coiffeur ? Questionne-t-elle simplement en cherchant dans un tiroir un paquet de gants en latex que je déteste.

Je lui souris de toutes mes dents pendant qu'elle les enfile, les faisant claquer sèchement sur sa peau pale, fière et concentrée comme si elle allait faire une opération chirurgicale.

- Les gants, jeune fille ! Quand on fait des bêtises, on fait ça bien et pas sans sa vieille mère.

- T'es pas vieille maman, t'as juste 50 ans...

- Tu as raison, j'ai moins de rides que toi en plus !

Je lui tire la langue en riant, mais elle se contente de saisir le pinceau que j'ai sali pour le tremper dans la petite bassine qui contient mon mélange rose. Observant un instant ce que j'ai déjà fait, elle s'empresse d'appliquer la coloration sur mes cheveux, ou du moins sur les trous que je dois avoir derrière le crâne. Se contorsionner pour voir où j'ai mal appliqué la mixture, trop dur pour moi !

Comme on peut le voir, une maman qui accepte de vous colorer les cheveux en rose un dimanche après-midi, sans même remettre en question ce choix, peut prétendre être la meilleure maman du monde. Parce que oui, Sophie Marceau est de loin la mère la plus géniale qui soit.

Toi aussi, papa, je ne t'oublie pas.

Si elle m'a bien remonté les bretelles de nombreuses fois au cours de mon adolescence, je dois tout à cette femme. Toute petite, ses cheveux blonds en choucroute et son style coloré des années 80 lui donnent le droit de faire ce qu'elle veut. Elle est la définition vivante du Girl Power.

Alors quand papa tente de prendre le pouvoir pour rire quelques instants, il ne fait pas long feu avant d'aller passer un coup d'aspirateur ! C'est presque devenu une tradition ici, papa nous taquine, il se retrouve à faire le ménage. Mais même cette légère dictature ne dure jamais bien longtemps : maman aime trop passer la serpillère avec Queen à fond dans la maison et son mari à ses côtés. J'avoue que je les rejoins très souvent pour danser avec un plumeau.

- Pourquoi tu refais ta couleur déjà ? Elle me demande en observant l'arrière de mon crâne avec intérêt.

Je l'observe dans le reflet, et sourit en me disant que ça nous ferait une drôle de photo, maintenant, tout de suite. Elle avec ses cheveux en pétard, ses grosses boucles d'oreille et son pull orange fluo, et moi avec mon vieux t-shirt noir taché et du rose plein la tête.

- J'avais besoin de changement, je crois. Enfin changement, tu m'as comprise, hein ! Il avait trop déteint ce rose, mais je n'en veux pas un qui pète à la vue non plus.

Dehors, on entend mon père imiter le bruit d'un pet avec sa bouche du plus fort qu'il peut. Je pouffe mais ma mère ne semble pas si hilare que ça.

- Henry ! Arrête tes conneries tout de suite, se met elle à crier près de la fenêtre. Déjà que les voisins ne nous aiment pas...

- Autant en profiter, je tonds la pelouse un dimanche, réplique mon père avec sarcasme. Que je crie en plus ou non, ça ne changera en rien leur mauvaise humeur.

Le visage de maman se crispe légèrement mais elle revient vite à mes cheveux, détendant son visage comme lorsqu'elle doit se calmer pour ne pas exploser. Dans tous les cas, elle ne peut pas contredire papa. Quitte à faire chier le monde, autant bien le faire ! Un peu comme moi avec mes cheveux au final.

- Et donc, pourquoi ce changement qui n'en est pas vraiment un vu que tu avais déjà les cheveux roses il y a dix minutes ? Change-t-elle de sujet en s'attaquant à mes côtés, près des oreilles.

- Respire, m'man ! L'air c'est fait pour parler lentement et prendre des pauses tu sais...

- Nia nia, je fais ce que je veux. Réponds alors, j'essaye d'avoir une conversation mère-fille qui ne parte pas en vrille comme...

- ... à chaque fois ! Je complète d'un léger ricanement. Et je ne sais pas, ce n'était pas top hier à l'entraînement, alors j'ai besoin de faire quelque chose qui me plait.

Soudain, elle s'arrête de peindre mon cuir chevelu pour me regarder dans les yeux à travers le miroir rectangle. Ses grands yeux bruns fouillent dans les miens avec malice, à la recherche de quelque chose.

- Quelqu'un t'a fait tomber ?

- Quelqu'un m'a fait tomber.

- Mais tu ne tombes jamais.

- C'est bien là tout le problème.

Ses yeux se plissent imperceptiblement, et elle pose la bassine de coloration sur le lavabo qui a pris une teinte rosée à cause de ma maladresse. Le silence est long tandis qu'elle se débat avec de la cellophane, et je n'ose pas ouvrir ma bouche. Dans ce genre de moment où la réflexion est intense, je peux parler autant que je veux, soit elle ne m'entendra pas, soit tout sera une preuve incriminante pour moi — ou pour une autre personne si elle décide de se la jouer Joe Goldberg.

- Quand est ta prochaine régate ? Elle finit par me demander tout simplement.

Je réfléchis un instant à la mention de la prochaine compétition, car le calendrier à pas mal changé depuis le début de la saison. Entre le mauvais temps, le vent, les problèmes internes aux clubs, les plannings nationaux qui peuvent changer, mon emploi du temps n'est jamais stable. En fait, même le jour de la compétition, nous ne sommes pas sûr de pouvoir naviguer. C'est un peu comme si vous faisiez de la course à pied, mais que vous aviez une chance sur deux de tomber sur un puma au milieu du chemin, vous forçant à faire demi-tour. L'exemple est extrême, mais hormis croiser un phoque ou un dauphin sur l'eau, notre puma à nous, c'est la météo.

- Dimanche prochain je crois, enfin ce n'est pas un truc très important pour nous. C'est le club qui veut qu'on reprenne un peu avant les gros championnats. Donc théoriquement on sera avec des petits et les autres clubs aux alentours.

- Noémie sera donc présente ?

Je souris de toutes mes dents en hochant rapidement la tête, mais arrête quand elle me serre encore plus avec le papier transparent.

Noémie Martin. La sale... Non. La fille, ma concurrente principale, la pourrie gâtée. Enfin bref, tout ce que vous voulez, mais elle est l'une des personnes les plus détestables sur l'eau — et sur la terre. Si ça fait des années que nous courons ensemble — ça m'a toujours fait rire que l'on utilise le verbe courir en compétition, alors qu'on ne court pas du tout —, je ne l'avais pas remarqué avant de faire un podium.

J'ai fait mon arrivée en tête de course comme on ouvre un paquet de Granola, sans prévenir, sans savoir pourquoi, mais juste parce que ça trainait là et qu'on avait faim. Je trainais là, aux bons endroits, aux bons moments. Si j'ignorais son existence, elle m'a bien fait comprendre qui elle était. Depuis, c'est la guerre. Une fois je suis première et elle deuxième, la fois suivante c'est l'inverse. Si je dois craindre pour ma place aux championnats du monde, c'est d'elle que je dois me méfier.

Et des autres concurrentes françaises que je ne connais pas, of course.

- Bon, si tu ne tombes pas cette fois, poursuit ma mère en enlevant ses gants crasseux qu'elle jette à la poubelle, tu la feras tomber, elle.

- J'espère, oui. Je rêve de lui tirer sur ses petites tresses ridicules qu'elle fait à ses mèches de devant, mais comme jamais ! Un jour, je le ferai.

- Oui, enfin attend d'être qualifiée, s'il te plait. Je ne veux pas être rabat-joie et tu sais bien que moi aussi j'ai envie de lui tirer les cheveux, mais en attendant elle est drôlement forte sur l'eau. Le comité de course ne sera pas vraiment clément quant à une attaque physique ou verbale.

Je me lève du tabouret que j'ai volé du bureau pour me dégourdir un peu les jambes, et étirer mon dos endolorit à force de ne rien faire. Ma mère continue de m'énoncer toutes les règles de course dont il faudra que je me méfie, comme si je ne les connaissais pas déjà par cœur. Tu me coupes alors que je suis tribord, règle 10 ! T'es derrière, règle 12 !

- Avec un peu de chance, Noémie trouvera son compagnon d'égo surdimensionné très bientôt et ils iront emmerder quelqu'un d'autre sur la ligne, je marmonne pour moi-même quand elle continue sa tirade ennuyante. Je parie que leurs enfants seront moches, héritant de son air minable à lui et de sa grande bouche à elle.

Sans que je m'en rende compte, j'ai dit ça avec un peu trop d'enthousiasme sarcastique, si bien que ma mère me dévisage longuement, la bouche entrouverte, les yeux plissés.

- Tu as quelqu'un en tête, on dirait, devine facilement la madré avec un sourire en coin. Parle jeune fille.

- Tu ne me forceras point, sorcière !

Souriant de toutes mes dents, je prends une position de boxe, poings levés, près à frapper au besoin. Rentrant dans mon délire, ma mère ferme les yeux puis lève une jambe en l'air, comme un maître de kung-fu. Elle les rouvre d'un coup, comme un faucon près à attraper sa proie. Sacrée proie d'ailleurs...

Nous restons comme cela quelques minutes, à nous toiser longuement sans qu'aucune ne bouge. Pas besoin de parler pour le comprendre, celle qui esquissera un geste vers l'autre aura perdue la bataille. Si ce n'est la guerre.

Les minutes passent et je sens mes bras trembler doucement. La douleur se fait ressentir tout le long de ma colonne vertébrale, et nos respirations se font de plus en plus saccadées. Ma mère tient toujours parfaitement sa jambe en l'air, trahissant les heures de yoga qu'elle adore faire.

Mais moi, je ne pense qu'à une chose : mes cheveux.

Je ne peux pas laisser ma coloration plus longtemps, mais si je perds, je vais devoir tout expliquer à ma mère. Hier, l'entraînement, l'apéro, Baptiste. Même si je lui raconterais tout dans tous les cas, je n'aime pas l'inquiéter sur des choses si futiles. J'y suis habituée, elle le sait. Bien que ça ne rende pas les propos plus acceptables.

- Amélie, tu as vu où...

Mon père pénètre dans la salle de bain, de l'herbe verte dans sa barbe poivre et sel. J'étouffe un rire qui pourrait me faire tomber tandis qu'il nous observe toutes les deux, tour à tour. Sa main rugueuse passe sur son visage qu'il frotte, puis sur ses yeux, mais rien n'y fait, il ne rêve pas.

- Je ne sais pas si je dois faire comme si je n'avais rien vu, ou juste vous traiter de folles, déclare-t-il simplement d'un air consterné. Mais j'ai une autre idée...

À pas de loup, il se rapproche de maman qui a fermé les yeux une nouvelle fois pour garder son calme. Papa la frôle légèrement, elle ne bouge pas. Alors, radical, il s'empare de sa taille à deux mains pour la soulever dans ses bras. Maman lâche un cri de surprise quand son unique jambe décolle du sol, et elle se rattrape violemment autour du coup de papa, manquant de tomber à cause de sa jambe en l'air.

J'éclate de rire et libère enfin mes bras engourdis, contente que cette guerre bizarre soit enfin terminée. Je me précipite vers la douche pendant que maman insulte papa d'un tas noms d'oiseaux, puis leur ordonne de sortir de la pièce pour que je puisse rincer ma coloration sans que mes parents me fassent un frangin devant moi.

Riant à en pleurer, papa ne lâche pas maman mais se contente de l'emporter vers le couloir. Ils disparaissent dans l'angle puis dans ce que je devine être les escaliers, jusqu'à ce que les cris de ma mère ne soient plus audibles à mes oreilles.

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