Le Gardien des Rêves

By VessevKipr

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Dans le cœur brumeux du nord de la France, le Domaine des Dunes se dresse tel un monumental gardien de secret... More

Le Manoir
Cauchemar
Léon
Opération Brise-Lame
Menteur
Personne
Le Chef
L'Enterrement
·sevnöm
Le Bal
Tic-Tac

·ørökær ægon

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By VessevKipr


Quelque part entre les étoiles, en plein cœur de la grande boucle. Là où l'espace et le temps jouaient autrefois en attendant la naissance des mondes, ·sülkoskríta, jeune scribe que j'étais, gravissait les marches de l'observatoire à la hâte. Sur chacune d'entre elles les sevrøs, femmes serpent, se tenaient impassibles. Tisseuses de l'histoire des visibles, des humains comme ils s'appellent, je ne les avais encore jamais vues inertes et, plus inquiétant, leurs doigts avaient troqué la toile pour la lance. Arrivé sur le parvis essoufflé, au pied des colonnes d'ivoires gardant les murmures du temps ; de son air sévère et tendre, elle m'attendait : ·obürøshäl, amante du serpent géant et mère des sevrøs. Je ne l'ai jamais trop aimée, c'était réciproque.

·sülkoskríta

Salutations ·obürøshäl, vous m'avez fait appeler ?

·obürøshäl

Il y a deux éternités déjà, mon enfant, je devrais vous livrer à mes filles.

J'échangeais un regard sulfureux à mes voisines amusées.

·sülkoskríta

Une autre fois peut-être.

·obürøshäl

Assez ! Vous ne devez votre vie qu'à l'affection naïve qu'il vous porte. Souvenez-vous-en avant de quitter son étude.

D'un geste vif, dépourvu de toute la tenue prévue par les usages, elle figea deux de ses mains sur mes paumes. Deux autres m'ouvrirent les yeux et deux autres encore en arrachèrent les globes pour les lâcher dans un bain d'huile de jasmin.

·obürøshäl

Hâtez-vous maintenant. Au travail vous autres !

Privé de lumière, je progressais sans mal dans ce que j'imagine être de grands couloirs taillés dans le marbre. Longeant les veines de mes doigts pour trouver mon chemin, très vite, le silence infini fut interrompu par les murmures de mes camarades qui, pour la première fois depuis des dizaines de cycles, ne travaillaient pas. À mon arrivée dans la grande salle, ils se turent. Je traversai la foule et passai la porte de l'étude de ·sëur, grand observateur, mon maître. Dans ce que j'imagine être une pièce plus modeste, car les voix ne s'y perdaient pas, il discutait avec un inconnu.

·sülkoskríta

Maître, vous m'avez fait mander ?

·sëur

Il y a -

·sülkoskríta

Deux éternités déjà, je sais. Toutes mes excuses maître, j'étais retenu par les kipr, ils tiennent tout le quartier.

·höllsev·na

Tenir ? Comme vous y allez. Les gardiens n'ont pour seul objectif que le maintien de l'ordre au sein de la grande boucle. Ils sont au service de ses habitants et ne se déplacent guère sans raison.

·sëur

Permettez-moi de me joindre à la confusion de mon élève, neuvième conseiller. Vous ne m'aviez pas dit avoir amené la garde. Je commence à croire que vous n'êtes pas ici par simple courtoisie.

·höllsev·na

Je vous ai dit être en visite, grand observateur, je n'ai jamais parlé de courtoisie. Comme je l'ai indiqué à votre élève, la garde ne se déplace guère sans raison et, vous l'imaginez, c'est encore moins courant pour un membre du haut conseil. On s'inquiète au palais.

·sëur

Vous m'en saurez navré, mais voyez-vous, il est assez inhabituel pour l'observatoire de recevoir de simples visiteurs, d'ailleurs ça n'arrive jamais. Chaque fois que la tranquillité de notre reine s'est troublée, nous l'avons reçue en personne. Elle ou son émissaire, le gardien.

·höllsev·na

·veskipr s'est absenté et ne s'est pas présenté au conseil depuis presque un cycle, c'est d'ailleurs ce qui inquiète le palais et la reine. Nous vous avons envoyé une bulle à ce sujet.

·sülkoskríta

·vesevkipr·nattaregnaðhäl

·höllsev·na

Pardon ?

·sülkoskríta

·vesevkipr·nattaregnaðhäl, c'est son titre complet. Gardien du visible, de l'invisible et amant notre reine bien aimée. Le protocole prévoit que...

·höllsev·na

Je ne suis pas venu prendre de leçons d'usage, scribe. N'oubliez pas votre place, vous vous adressez à un haut conseiller.

·sëur

J'ai bien peur que vous soyez celui qui s'égare, haut conseiller. Cet observatoire dépend directement du gardien par décret de la reine. Par conséquent, les usages vous rangent, au mieux, au niveau de mon élève. Nous ne rendons pas compte au conseil et n'avons d'ordinaire, d'ailleurs, aucunement le droit de vous montrer autre chose que la toile que piétinent vos gardiens.

·höllsev·na

Je suis ici en qualité de représentant des peuples invisibles, sur ordre de l'assemblée. Je ne me serais pas déplacé pour m'enquérir des histoires futiles des visibles, je suis ici pour vous deux.

·sëur

Je ne nous savais une réputation capable de courir les bancs de l'assemblée.

·höllsev·na

Ce ne sont pas tant vos personnes que vos actes, grand observateur. Voyez-vous, certaines des mains qui travaillent pour votre entreprise risible sont davantage fidèles au reinaume qu'à vos enseignements. Elles nous ont rapporté des témoignages inquiétants. Je ne suis que membre du haut conseil voyez-vous et, je l'admets, je ne connais pas toute l'étendue de votre œuvre, peut-être l'un d'entre vous pourrait-il m'éclairer. Jeune scribe ?

·sëur

N'aie pas peur ·sülkoskríta.

·sülkoskríta

Oui, bien sûr.

·höllsev·na

Arrêtez-moi si je me trompe, comme vous aimez le faire, mais il me semble que le but premier d'un observatoire, c'est d'observer.

·sülkoskríta

Tout à fait.

·höllsev·na

C'est dans cet objectif donc, celui d'observer le monde visible, que le gardien a demandé la confection de la toile. Pour nuancer les horreurs et la domination des visibles sur nos mondes et tenter de redorer l'image de ses semblables, il vous a donné la mission de conter leurs histoires fades et risibles. Le conseil, avec la sagesse qu'on lui connaît a bien volontiers soutenu le projet qui, à défaut d'instruire nos concitoyens, pourrait au moins les distraire. Je n'étais pas encore en fonction le jour du vote, mais, voilà quelque chose que l'on m'a rapporté, vos histoires doivent être choisies au hasard. Vous confirmez ?

·sülkoskríta

C'est l'usage. Les visibles que nous observons sont tirés au hasard afin de ne pas orienter notre témoignage. Nous ne servons rien d'autre que la vérité.

·höllsev·na

Tout à fait. C'est ce qui me semblait. Dites-moi scribe, vous qui aimez tant les usages, je suppose que vous devez être fidèle à la couronne et au peuple qu'elle fédère.

·sülkoskríta

Cela va sans dire.

·höllsev·na

Cela va sans dire. Mais, en tant qu'élève, vous devez aussi être fidèle à votre maître ?

·sülkoskríta

Évidemment. Chaque fois que je le sers, je lui donne mes yeux, comme tous nos frères.

·höllsev·na

Assurément. Mais imaginons un instant. Imaginons que votre maître - et ce serait tout naturel après tant de cycles à observer les visibles, au service de son propre maître, le gardien. Supposons qu'il tire le fil d'une histoire compromettante au sujet du favori de notre reine et que, dans un moment d'égarement, ça nous arrive tous, décide de ne pas la donner à tisser aux sevrøs. Votre loyauté à la couronne vous conduirait, je n'en doute pas un instant, au poste de garde le plus proche. N'est-ce pas ?

·sëur

Choisissez bien vos prochains mots, conseiller. Vous ne voudriez pas m'insulter entre mes murs. Les accusations que vous portez ne me plaisent guère.

·höllsev·na

Accusations, comme vous y allez. Je suppose, je discute et c'est « haut » conseiller, mais je suis tolérant voyez-vous, les usages ont parfois tendance à tendre une discussion courtoise. Où en étions-nous scribe ? Ah, oui, la loyauté.

·sülkoskríta

Eh bien, c'est comme vous dites, si cela arrivait... Si cela arrivait je n'aurais d'autre choix que de le reporter.

·höllsev·na

De la droiture. Ça me plaît. Nous ne sommes pas si différents vous et moi. Tiens cela me fait penser... ·sülkoskríta, ce n'est pas votre titre complet, si ? Parce que moi ce que l'on m'a expliqué de votre petite organisation, bien sûr, corrigez-moi si vous le souhaitiez, nous sommes entre amis. Ce que l'on m'a dit c'est que tout en haut, vous avez notre grand observateur bien entendu. De tous ses yeux, il scrute le monde visible, s'arrête au hasard et vous donne sa soie à vous et à vos petits camarades, seize au total m'a-t-on dit. Autant que d'yeux sur la tête velue de votre maître. Toute cette soie, vous en faites le tri, vous rendez ces histoires plus digestes, plus intéressantes peut-être. Je ne vous juge pas, ces visibles ne sont pas très captivants. Quand vous avez fait votre petit tri, vous vous retrouvez avec une bobine que vous donnez aux sevrøs qui se chargent de la tisser sur la toile, est-ce juste ?

·sülkoskríta

C'est tout à fait ça oui. Enfin, c'est quinze camarades. Nous sommes seize, mais c'est en me comptant.

·höllsev·na

C'est juste. Et, parmi ces seize, vous êtes ?

·sülkoskríta

Le neuvième.

·höllsev·na

Vous vous payez ma tête... ·sülkoskríta·na, comme votre serviteur. Le hasard fait bien les choses, non ? Nous y reviendrons. Reparlons un peu des usages de ces lieux. Vous me l'avez dit, j'y suis moi-même passé d'ailleurs, quand on rentre ici, on abandonne ses yeux. Alors, si mon compte est bon, dans le bassin là dehors, gardé par ces charmantes tisseuses, il doit y avoir seize et moi... dix-sept paires d'yeux parfumées de jasmin. Vous confirmez ?

·sülkoskríta

Je n'ai jamais été doué avec les nombres.

·höllsev·na

Moi, les nombres, j'adore ça. Mais, ce n'est pas fait pour tout le monde j'en conviens, cela explique sûrement vos retards. Encore une fois, je ne vous juge pas. Si l'on devait me priver de mes yeux à chaque battement de chaque cycle, je profiterais aussi de mon temps dans ce quartier magnifique qui est le vôtre. Vous n'êtes peut-être pas le seul à vous égarer d'ailleurs.

·sülkoskríta

Comme je vous l'ai expliqué plus tôt, je ne me suis pas égaré, j'étais retenu par la garde, mais mes camarades seront certainement arrivés avant elle, ils vivent plus près de l'observatoire et leur rigueur les honore.

·höllsev·na

Il va sans dire. Voyez-vous ce matin, j'étais moi-même distrait par la beauté de la toile. Je ne mets jamais les pieds dans cette partie de la boucle, car les affaires des visibles me répugnent, mais il faut reconnaître que le travail de nos sœurs rend la chose plus agréable. Je n'avais peut-être pas toute ma concentration quand je suis arrivé sur le parvis...

·sëur

Venez-en au fait, haut conseiller.

·höllsev·na

J'y viens , j'y viens. Aimez-vous les histoires scribe ?

·sülkoskríta

Comme un soldat aime son épée.

·höllsev·na

Je m'en doutais. Alors, laissez-moi vous raconter une histoire. Vous ne pouvez pas me voir, scribe, mais je viens d'un monde très ancien. Presque autant que notre reine qui a vu naître le monde. À l'instar de la plupart des anciens mondes, nous n'avions que très peu de contact avec le reinaume. Je vous parle de ça, c'était bien avant la construction de la grande boucle et la fédération comme nous la connaissons aujourd'hui. Mon peuple a connu de nombreux cycles d'abondance. En peuple guerrier, nous étions naturellement visités par des milliers de visibles, vous les connaissez, ils aiment leur guerre. Le sable affluait sans effort, nos forêts étaient luxuriantes, nos cultures abondantes et nos fêtes mémorables. Mais, la corruption des visibles ne tarda pas à atteindre les plus faibles de mes ancêtres, bien avant le grand brouillard. Les migrations ont alors commencé et, à l'aube de mon existence, mes parents parlaient déjà de rejoindre la grande boucle. On y trouverait toute la sécurité, l'abondance et le sable. Toujours le sable. C'est ce qui leur manquait. La traversée était très chère pour les mondes éloignés. Je n'ai pas beaucoup de souvenirs de ma terre natale. Pourtant, je me souviens qu'au milieu des déserts, nous mangions des himmlif, ce sont de petits fruits bleus. J'adorais ça. Puis un jour mes parents n'eurent plus d'autre choix que de partir et tentèrent la traversée du brouillard. Vous le savez peut-être, mais dans le brouillard, le temps n'a aucune prise. Il n'y a que l'espace, rien que lui et le moindre pas vous semble une éternité. Une éternité dans un souffle qui vous mange, qui vous ronge. Pendant cette éternité, vous espérez d'abord que notre reine Lune vous trouve. Puis, plus vite qu'on ne l'imaginerait, vous suppliez les cauchemars, charognards salivants à l'idée de votre fin. Ma mère succomba la première, mon père me déposera devant les portes de la grande boucle avant de la rejoindre.

Les usages sont très importants pour moi, scribe. La rigueur, la discipline, j'ai gardé cela de mon père. Après tout c'est sa détermination qui m'a gardé en vie. Alors depuis que je suis membre du conseil, depuis mon arrivée en fait, car on m'a nommé en tant que dernier représentant de mon peuple - il s'est avéré que les passeurs ne faisaient que jeter mes frères et mes soeurs dans le brouillard - depuis que je suis membre du conseil donc, je passe mes matinées de la même façon.

Je me lève de ma couche, je fais ma toilette et pendant que je m'habille, on me lit les nouvelles et, dernièrement, on me rapporte même les broderies de nos chères sœurs. Je n'ai aucune sympathie pour votre travail, vous l'aurez compris. Mais, comme je sais l'affection que le gardien porte pour le monde visible dont il vient et qu'il avait disparu... Je me suis dit, c'est bête je le sais, que peut-être nous trouverions sa trace dans vos histoires. Après cela, je traverse les deux rues qui séparent ma chambre de l'assemblée et me rends toujours, ou presque, directement au réfectoire, prendre une collation. Les cuisines du conseil font un travail remarquable.

Il n'y a qu'un seul battement, un par cycle, où je change mon habitude. Ce battement, c'est celui qui marque mon arrivée à la boucle. Quand il vient, au moment de quitter ma chambre, je me dirige vers le jardin public. Je salue la pierre qui honore la mémoire de mon peuple bien sûr, mais j'en profite surtout pour y cueillir des himmlif, cultivés à partir de la dernière baie, ultime souvenir de mon monde et mon seul bagage de réfugié. Alors, je pense à ma mère, mon père et nos souvenirs modestes, mais heureux.

Et, voilà qu'une de ces fois, il y a quelques battements de cela, je me rendais au jardin. Si vous connaissez mal la grande boucle, quand vous venez des quartiers privés du conseil et que vous allez au jardin, vous traversez un poste de garde et peut-être est-ce le fruit du hasard, mais ce poste est justement celui dont dépend votre quartier.

Je ne suis pas du genre à m'occuper des affaires courantes. Elles m'ennuient et ne relèvent pas de ma fonction. Mais, voilà que je passe devant le poste de garde et que j'entends un citoyen crier à l'injustice. D'ordinaire, je le reconnais, j'aurais continué ma route, mais ce n'était pas un battement comme les autres. L'injustice, j'en étais l'héritier, je décidai donc d'user de ma fonction pour l'aider.

Je me souviens bien de lui. Il n'était pas très grand, portait une toge sans fioritures et semblait inquiet. Il m'a expliqué que c'était la troisième fois qu'il venait se présenter pour rapporter un délit et qu'on ne l'écoutait pas. J'interrogeai donc le garde de service, qui s'excusa, invoquant une charge de travail importante et une plainte qui pouvait attendre, car il s'agissait d'une infraction mineure. J'ai écouté notre concitoyen qui me parlait de faute d'usage. Il avait découvert, selon lui, une irrégularité dans le fonctionnement de l'institution qu'il servait et s'était présenté spontanément, en bon citoyen, pour vérifier la conformité de son travail.

Je me souviens encore de sa déclaration auprès de l'officier.

·sülkoskríta·fö

Voilà de nombreux cycles que je sers le reinaume comme scribe pour le grand observatoire. Je n'ai jamais eu à me plaindre de mes camarades ou de notre maître, nous sommes bien traités et essayons de servir nos concitoyens comme nous le pourrions le mieux. Parmi les histoires que nous transmettons aux tisseuses, celles qui plaisent le plus aux invisibles, nos frères et nos sœurs, sont celles du gardien de notre reine bien aimée. Chaque fois que l'un de ses voyages chez ses pairs apparaît sur la toile, les gens viennent par centaines pour s'en instruire. C'est pour cela qu'au dernier battement, j'ai été surpris. Tandis que je formais une bobine pour ma tisseuse, l'histoire que j'enroulais faisait justement mention de notre gardien. C'est à l'apparition de son nom que notre maître est venu me trouver pour échanger ma place avec ·sülkoskríta·na, mon camarade. Je m'occuperai alors de son histoire et lui de la mienne. C'est un bon travailleur et je l'ai bien vu trier sa soie, comme nous le faisons tous, mais en descendant les marches pour regagner mon domicile, je me suis arrêté devant la toile. Pas un seul de ses fils mentionnait le gardien.

·höllsev·na

Le hasard scribe. Le hasard fait que le conseil s'inquiétait précisément de la disparition du gardien depuis plusieurs battements. Si votre camarade n'était pas venu exactement à ce battement, si je n'avais pas été aussi rigoureux et que j'étais passé devant le poste de garde un peu plus tôt ou un peu plus tard, je ne me trouverais pas devant vous. Je serais probablement encore au réfectoire à me tamponner la corne des visibles et de leurs histoires.

Alors, je vous l'ai d'abord renvoyé votre scribe, pour me permettre d'enquêter puis, quand il n'eut plus d'intérêt, j'ai décidé de venir en personne.

Moi, vous savez, je suis plutôt droit. Il ne me viendrait pas à l'idée de tirer des conclusions hâtives. Quand je suis venu ici, je m'attendais à ce que l'on m'accueille, bras ouverts pour m'alerter de l'apparition suspecte, au sein du monde visible, d'un personnage dont la recherche vous a été notifiée il y a quelques battements déjà. Vous n'aviez certainement pas eu l'occasion de nous avertir ou peut-être ne vouliez-vous pas déranger le conseil sans être sûr de ce que vous avez vu. Mais, je suis arrivé en haut de vos marches, quinze paires d'yeux. Seize, moins une, jeune scribe. Le compte était bon, jusqu'à ce que vous n'arriviez. Je ne sais pas à qui sont ces yeux dans le bassin, avec les vôtres, avec les miens, mais je vous garantis que ce ne sont pas les siens.

·sëur

Qu'avez-vous fait...

·hölsev·na

Comprenez bien, ma mission c'est avant tout de maintenir l'ordre, je ne peux pas permettre la propagation d'une rumeur sur la fuite de la seconde figure la plus importante du reinaume. C'est dommage tout de même. Ce sont toujours les honnêtes citoyens qui paient pour les mauvais.

La dernière chose que nous partageons, scribe, c'est notre passion des mots. Vous les écrivez, je les crie à l'assemblée. Mais là où vous peinez un peu sur les nombres, je suis certain que vous me surpassez en vocabulaire, alors aidez-moi. Comment appelleriez-vous un groupe d'individus qui, en possession d'une information capitale, organiserait volontairement sa dissimulation et dans le même temps, ne reporterait pas la disparition du seul témoin de leur entreprise ?

·sülkoskríta

Une coïncidence ?

·höllsev·na

Ne jouez pas au plus bête, scribe, vous perdriez.

·sëur

·sülkoskríta n'y est pour rien, il n'a fait qu'obéir à mes ordres. L'histoire en question fait bien mention du gardien, au tout début et quelque part à la fin, de manière très brève. Il voyage, comme il le fait parfois dans un de leurs transports de visibles : un train. Il s'est grimé en vieil homme et se tient près d'une dame et d'une petite fille. C'est elle qui m'a interpellé. Va donc chercher ta bobine mon enfant.

·höllsev·na

C'est une visible, qu'a-t-elle d'important ?

·sëur

Nous perdons sa trace un peu avant la dernière apparition du gardien.

·höllsev·na

Vous ne pensez tout de même pas qu'elle a -

·sëur

Traversé ?

·höllsev·na

C'est impossible. Seul le gardien peut... Nous l'aurions vue, toutes les portes sont gardées.

·sëur

Il y a plus étrange. ·sülkoskríta, approche. C'est la soie qui précède cette histoire, peux-tu la transcrire à notre invité ?

·sülkoskríta

Bien sûr. Attendez. Non. C'est impossible. Qu'est-ce que ?

höllsev·na

Mais, dites-moi bon sang ! Que lisez-vous ?

·sülkoskríta

Votre nom, le mien, celui du maître. Tout ce que nous avons dit, tout ce que nous disons. C'est comme si elle était là avec nous.

·sëur

C'est pour cela que je ne vous ai pas averti. Mes yeux ne voient pas que l'autre monde, figurez-vous. Quand l'un de mes élèves se met à courir les murs et poser plus de questions qu'à son habitude, je le vois. Entre cela, cette enfant et votre message, j'ai cru que notre gardien était en danger. Comprenez-moi, je le sers et, comme vous, je suis garant de sa sécurité. Pour autant que je sache, haut conseiller, le caractère inhabituel de votre visite pourrait laisser penser que...

·höllsev·na

Très bien, grand observateur, je vois où vous allez. Je vous laisse le bénéfice du doute, mais vous demeurerez dans votre observatoire sous le regard attentif de la garde. Quant à la bobine là, je l'embarque. Vous aussi le scribe. Vous allez me lire tout ça devant le haut conseil.

·sëur

Je regrette haut conseiller, mais seules les tisseuses peuvent dérouler le fil du temps en dehors de l'observatoire. Si vous emportiez la bobine, son éclat aveuglerait tous ceux qu'il croise. Pourquoi croyez-vous que nous privions les visiteurs de leurs yeux ? Si vous voulez connaître cette histoire, vous devrez laisser mon élève vous la conter, ici et maintenant. Autrement, vous pouvez retourner à vos affaires.

·höllsev·na

Très bien. Je vous écoute, mais ne perdez pas de temps.

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