RENAISSANCE

By elamyre

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Naviguer dans les ombres de son passé et souffrir d'un présent sans avenir, tel est le quotidien d'Isabella d... More

Préface
1. Rencontre
2. Vrai visage
3. Amer soir d'hiver
4. Douce mélodie
5. Secrets
6. Délivrance
7. Révélations
8. Représailles
9. Empreinte indélébile
10. Le froid
11. Sombrer
12. La soirée
13. Sans échappatoire
14. 0101
15. Garder à l'oeil
16. Mutisme
18. Illusion
19. Hésitation
20. L'ignorance
21. Le dîner
22. Différent
23. Older
24. Chaude pluie
25. Les Ellington
26. Casino
27. Désarmé
28. Le chant du chaos
29. L'océan glacé
30. Apparition
31. Confessions interdites
32. Tulipes
33. Appât
34. Libère-toi
35. Moto
36. Petite fête
37. Si belles sont les fleurs
38. L'amour
39. Sans titre
40. Sans titre
41. Sans titre
42. Isaac
ENGLISH VERSION
Preface
1. Meeting
2. True color
3. Bitter winter evening
4. Sweet melody
5. Secrets
6. Deliverance
7. Revelations
8. Reprisals
9. Indelibly borrows
10. Cold
11. Sink
12. The party
13. No escape
14. 1204
15. Keep an eye
16. Mutism
17. Night trip
18. Illusion
19. Hesitation
20. Ignorance
21. The dinner
22. Different
23. Older
24. Warm rain
25. The Ellington
26. Casino
27. Disarmed
28. The song of chaos
29. Cold ocean
30. Apparition
31. Forbidden confessions
32. Tulips
33. Bait
34. Be free
35. Motorcycle
36. Rave-up
37. Beautiful are the flowers
38. Love
39. No title
40. No title
41. No title
42. Isaac

17. Virée nocturne

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By elamyre

Une semaine s'était écoulée. Je faisais mes aller-retour au boulot le soir, et nous nous croisions rarement la journée.

Les premières lueurs du jour avaient à peine chassé les ombres de la nuit, et pourtant, la journée promettait déjà d'être une mélodie ennuyeuse. La télévision, à l'écran noir et muet, était allumée, mais les images défilaient sans éveiller la moindre passion.

La porte d'entrée s'ouvrit soudain lentement et je m'immobilisai d'appréhension, jusqu'à ce que je n'aperçoive Isaac sur le seuil. Je me demandai un court instant ce qu'il avait fait dehors toute la nuit pour ne rentrer qu'au petit matin, avant de me rappeler que cela ne me regardait pas.

Je remarquai qu'il avait mine affreuse, avec ses yeux rougis, ses cernes noires et son visage creusé. Un t-shirt blanc le moulait, faisant davantage ressortir les sombres tatouages qui l'ornaient. 

Il s'avança tel un zombie, et vint s'avachir sur le canapé à mes côtés, à mon plus grand étonnement, manquant de peu de faire renverser ma tasse de café au passage. La télévision était allumé sur une chaîne de documentaire animalier. 

Une odeur s'échappait de lui, une odeur acide-amère. Je fronçai les sourcils et tournai ma tête dans sa direction. Était-il drogué ? Je reconnaissais pourtant les odeurs de drogues, mais celle-ci m'était inconnue. C'était peut-être autre chose. Je me demandai bien quoi.

- T'es drogué ? osai-je demander.

Il esquissa un léger rictus, très léger. Le premier qu'il m'offrait, même si c'était minime. Et cela me fit drôle, alors je restai accrochée à ses lèvres, le coeur tambourinant. 

Il enleva son pull noir, révélant ainsi un marcel blanc qui épousait parfaitement les contours de son torse musclé. Sa cigarette pendait nonchalamment à ses lèvres, le bout rougeoyant lançant des volutes de fumée qui se mêlaient à l'air morose de la pièce. 

À présent, tous ses tatouages étaient exposés. La lumière tamisée jetait des ombres dessus, les faisant presque danser sur sa peau. Ses cheveux étaient un peu ébouriffés, ajoutant une touche sauvage à son allure.

Sans un mot, il se leva et je l'entendis pénétrer dans la pièce au fond du couloir. Il disparut un moment, me laissant seule avec mes pensées et cette ambiance morose qui s'épaississait autour de nous.

Quand il revint, il portait deux haltères qu'il déposa délicatement au sol avant de se rasseoir à mes côtés. Il reprit sa cigarette entre deux doigts, inspira profondément, puis se mit à faire des exercices, levant et abaissant les haltères avec facilité. Ses muscles se tendaient et se relâchaient. 

Je l'observais en silence, l'atmosphère était lourde. 

- Est-ce que Louis t'as trahit finalement ? me surpris-je à demander au bout de quelques secondes. 

Je crois que cette question mêlée à la curiosité avait été resté dans un coin de ma tête depuis ce soir-là.

Il resta muet quelques instant. Seul le bruit des altères venait briser le silence pesant. 

- T'as peur que je le tue ? finit-il par me demander.

- Pas vraiment, répondis-je d'un ton las. 

Je ne le connaissais pas plus que ça. Je demandais par simple curiosité, la question étant restée dans un coin de mon esprit. 

- Pourquoi ?

- Pourquoi quoi ? répétai-je. 

- Pourquoi est-ce que t'es autant insensible ?

- Et toi ? répliquai-je.

Ma question était ridicule, c'était un tueur à gages, il était normal pour lui d'être insensible à la mort. Pourtant ma question avait un autre sens. Je voulais savoir à quel moment de sa vie il était devenu ainsi.

- Il ne vaudrait mieux pas que tu saches. Et on ne répond pas à une question par une question.

- Pourquoi pas ?

- Arrête-ça, lâcha-t-il, agacé.

J'eus un léger sourire victorieux à mon tour, que je cachai dès qu'il tourna la tête dans ma direction. J'avais néanmoins une envie atroce de connaître la raison. Lui ne m'avais jamais posé de question sur ma vie privée. Quelque chose me disait qu'en bon tueur qu'il était, il devait déjà avoir tout appris à mon sujet. Presque tout. 

Alors que je reportai mon attention sur les informations ennuyantes qui passaient à la télévision, je pris la petite carafe devant moi, et me remplis l'un des deux verres d'eau posé sur la table basse. 

Je sentis son regard se poser sur moi. 

- Tes parents ne t'ont pas appris les bonnes manières ? 

Je pris une gorgée en lui lançant un regard. Ses yeux descendirent au niveau de ma gorge lorsque j'avalai. 

- Visiblement non, répondis-je après avoir reposé mon verre. 

Le servir ? Et puis quoi encore ?

Il me toisa, et un sourire amusé apparût sur ses lèvres. Très léger. Sur le moment, pour une raison que j'ignorai, je décidai que j'aimais son sourire.

- Je vais devoir t'éduquer par moi-même alors. Je n'aime pas les petites dans ton genre.

J'étais certaine qu'il n'était qu'à moitié conscient. Ses yeux étaient si rouges. Quel âge avait-il ?  

Sa critique me fit légèrement sourire. Je l'insupportai vraiment. 

- Ce sourire disparaîtra très vite de ton visage, crois-moi, me lança-t-il alors. 

Je haussai un sourcil. Je n'arrivai pas à savoir s'il était en colère ou s'il était simplement joueur. Ses mots était froids. 

- Ah oui ? Et pourquoi ? 

Il m'ignora.  

- Parce que tu es strict ? ajoutai-je. 

Il voulait me faire peur. 

- Et très dur

Il se tut un instant, et le temps semblait s'allonger au fur et à mesure que les secondes qui s'écoulaient. Il se mit à me détailler, en commençant par mon front, quelques secondes, puis mes sourcils, quelques secondes encore, mes yeux, puis enfin mes lèvres, durant un temps indéfini. Un temps qui me parût être une éternité.

Il détourna ensuite son attention de moi. 

Moi, je n'ajoutai rien de plus, ses mots me laissant en suspens. 

En l'observant consumer sa cigarette, une envie irrésistible s'empara de moi. Je ne fumai que très rarement, mais l'envie pouvait me prendre si d'autres personnes fumaient autour de moi. 

Son regard croisa le mien, et nous restâmes ainsi, figés dans une contemplation silencieuse. Ses yeux, malgré la fatigue et l'abus, brûlaient d'une intensité insoupçonnée. Ce moment semblait s'étirer, chaque seconde alourdissant l'atmosphère. Il continuait pourtant ses exercices, mais aucun effort ne venait crisper son visage. 

Je sentais mon cœur s'accélérer.

Après ce qui sembla être une éternité, il se rapprocha de moi avec une lenteur calculée. Je me raidis. Doucement, il tendit son bras tatoué vers moi et sans que je ne comprenne ce qu'il faisait, sa main ornée de deux bagues se glissa derrière ma tête, ses doigts s'enroulant dans mes cheveux avec une fermeté surprenante. Je pouvais sentir le métal de sa montre, et la froideur de ses bijoux. Sa main recouvrait l'entièreté de mon crâne. Son bras, contracté, faisait ressortir un biceps qui témoignait d'une force qui pouvait me broyer. 

Il état défoncé, cette pensée traversa mon esprit. Ça m'effrayai un peu. 

Il retira la clope qui pendait à ses lèvres, et approcha de ma bouche, son regard captivant toujours le mien. De son pouce, il m'incita à ouvrir ma bouche en caressant ma lèvre inférieure. Sans réfléchir, je l'ouvris. La cigarette glissa entre mes lèvres, et l'arôme puissant du tabac emplit mes narines. J'inhalai profondément, la fumée envahissant mes poumons dans un mélange de chaleur et de picotements.

Je gardai la fumée un instant, puis la recrachai lentement, délibérément, en direction de son visage. La fumée s'enroula autour de lui, formant une brume éphémère qui adoucit ses traits durs. Ses yeux se plissèrent légèrement, et un sourire léger se dessina sur ses lèvres.

Il reprit ce qui lui appartenait, et s'enfonça plus confortablement contre le canapé. 

Au bout d'un certain temps, il se plaignit de son mal de crâne, puis se leva prendre un médicament dans l'étagère derrière nous, avant de disparaître à l'étage, sans plus m'accorder un seul regard.

°°°

Mes pas étaient hésitants, mes gestes parfois maladroits. La fatigue commençait à s'infiltrer dans mes membres, alourdissant mes mouvements et voilant mes pensées. Les commandes s'accumulaient devant moi, et j'avais du mal à suivre le rythme effréné imposé par le flot incessant de demandes.

Les rires et les conversations se mélangeaient dans une cacophonie étourdissante, rendant difficile la communication avec mes collègues et les clients eux-mêmes.

Et alors que je préparais un énième alcool, je crus apercevoir dans la foule une silhouette qui m'était familière. Comme si je l'avais déjà vu quelque part.

En cherchant un peu plus de regard, je ne vis rien, comme s'il avait disparu, ou comme si la fatigue me faisait avoir des hallucinations. Je me re-concentrai alors sur ma boisson et la tendit au jeune qui attendait patiemment.

- Ça va, tu t'en sors ? me demanda Charlie, mon patron, ente deux commandes.

- Ouais, ça va merci, répondis-je dans un sourire pour ne pas l'inquiéter quant à mes difficultés.

Par rapport à mes premiers jours, je m'étais améliorée. Je retenais plus facilement les commandes et préparait plus rapidement les boissons.

Mon regard se porta de nouveau sur lui. Sur cet individus à l'extérieur du bar, devant l'entrée.

Cela faisait un moment qu'il passait devant à plusieurs reprises et semblait me jeter des coups d'oeil. L'individu était capuché et m'empêchait de bien voir son visage, mais j'étais certaine qu'il m'observait.

Dans un moment de répit, j'en profitai pour envoyer à message à Helia lui demandant de prévenir Isaac que quelqu'un de louche rodait autour de mon lieu de travail. Je ne voulais prendre aucun risque avec tout ce que j'avais enduré jusqu'à maintenant, et je préférai prendre toutes mes précautions.

Il me répondit rapidement, me demandant si j'allais bien et où est-ce que je travaillais. Je lui répondit rapidement avant de reprendre les commandes. Mon téléphone vibra dans ma poche mais je pouvais répondre.

La forte musique bourdonnait dans mes oreilles, et faisait pulser mes veines. Travailler huit heures d'affilé dans un tel environnement était en vérité assez éprouvant, mais je m'en plaignais pas. Je préférais encore ce boulot à l'ancien.

À minuit, lorsque mon service fût terminé, je regardai vers l'extérieur pour vérifier que la personne n'était plus là. À priori non.

Je mis un pied dehors avec appréhension, et commençait à marcher à travers les rues bondées de monde. La rue s'étendait devant moi tel un éclat de vie dans l'obscurité de la nuit. Des lumières chatoyantes bordaient les façades des immeubles, et les bars et boîtes de nuit étaient encore remplis, malgré la pluie qui n'avait cesser de tomber depuis ce matin. La lumière des réverbères se reflétait dans les flaques d'eau, créant des éclats de lumière éphémères qui scintillaient comme des étoiles en terre.

En sortant de la rue pour me diriger vers la bouche de métro, le brouhaha s'était déjà dissipé, restant loin derrière moi. Ici, il y avait déjà moins de monde, mais cela ne me rassurait pas pour autant. Je restais sur mes gardes.

En m'approchant de la bouche de métro, je vis un homme tout vêtu de noir, planté mystérieusement devant les escaliers qui menaient au souterrain.

J'aurais pu avoir la puce à l'oreille, ou me méfier, mais je savais de qui il s'agissait, et je ne pus qu'être soulagée. Je m'approchais alors de lui.
N'avait-il donc pas froid en t-shirt ?

- Du coup c'est bon, il n'est plus là, désolé de t'avoir-

- Avance, me coupa-t-il.

Je fronçai les sourcils d'incompréhension, avant qu'il ne me saisisse le bras pour marcher à vive allure à travers les rues sombres. Je compris dès lors qu'il y avait un problème.

- On est suivit ? chuchotai-je.

- Ouais.

Il semblait calme et détaché de la situation, comme à son habitude. Il me tenait fermement et ses yeux scrutaient les alentours, comme moi.

- Combien sont-ils ? demandai-je.

- Aucune idée.

- Ce sont ses hommes ?

- Ça ne peut être qu'eux.

Mon souffle commença à se faire saccadé, autant à cause de cette course à pied qu'à cause de l'adrénaline qui montait en moi.

Il me guida dans une petite ruelle, là où pas un chat ne errait, et je ne comprenais pas quel était son but.

Au bout de quelques secondes, je sentis une présence derrière nous.

Nous tournâmes à droite, dans une nouvelle ruelle, et l'individus était toujours derrière nous. Isaac lança un bref regard derrière lui, et au bout de quelques mètres il se retourna et tira sur l'homme en une fraction de seconde. Sur le moment, je sursautai face au bruit sourd.

Je compris alors qu'il nous engouffrait dans ces endroits sombres et vides dans le seul but de pouvoir les éliminer tranquillement, loin des civiles.

- Par là, me dit-il en me guidant sur la gauche.

Ici, de nouveaux, je sentis plusieurs hommes à nos trousses.

- Cours, m'ordonna le tueur.

Je ne réfléchis pas deux fois et me mis à courir avec lui.

À bout de souffle, nos pas résonnaient dans les sombres ruelles s'enfonçant dans le bitume humide, tandis que les ombres menaçantes des bâtiments s'étiraient sinistrement devant nous. La peur pulsait dans mes veines, ravivant mon instinct de survie. Les battements de mon cœur s'accéléraient, synchronisés dans une danse frénétique. Des balles volaient autour de nous, mais aucune ne nous touchait.

Isaac, devant moi, guidait notre course effrénée, ses yeux fixés sur l'horizon incertain. Il me tenait toujours l'avant-bras, et la peur qu'il ne me lâche me grignotait de l'intérieur. Car il était celui qui me forçait à aller plus vite que je ne le pouvais.

Les ombres nous poursuivaient et il se retourna une première fois pour tirer sur l'un d'entre eux. Raté. Il tenta une deuxième fois, et cette fois, c'était la bonne. Une balle entre les deux yeux.

Ses collègues, déterminés à se venger, tirèrent des balles de plus belles, tandis que nous les esquivions de justesse en tournant dans des ruelles opposées. L'unes d'elles frôla mon épaule, et au vu de ma douleur, je compris qu'elle avait réussit à passer à travers ma fine veste. Je laissais échapper un léger soupir de douleur, et Isaac me lança un regard interrogateur, avant de comprendre.

Nous arrivâmes dans un quartier un peu plus bondé ce qui eut pour effet de les ralentir un peu. Nous nous arrêtes alors devant une moto garée sur le bas-côté.

- Elle est à toi ? demandai-je suspicieuse et à bout de souffle.

- Maintenant oui, monte.

Le réel propriétaire du véhicule se rapprocha de nous et Isaac le dissuada de faire le moindre geste en dégainant son arme. Le pauvre type lui tendit alors gentiment ses clés en relevant les mains en l'air en signe de retrait.

À peine j'enjambais le véhicule que j'aperçus les hommes courir dans droit sur nous. Le mercenaire accéléra sans perdre de temps, et je manquais de tomber avant de m'accrocher fermement à lui. Mon geste le crispa, comme lors de la soirée en boîte de nuit. C'était vrai, il avait toujours été celui qui me touchait, jamais le contraire.

Des bruits de tirs se firent entendre derrière nous, avant que nous nous engouffrâmes dans le trafic de la ville parmis les voitures.

La pluie tombait impitoyablement, enveloppant notre duo de motards dans un voile liquide. Mes vêtements et mes cheveux flottant derrière moi étaient trempés. Les gouttes cristallines s'écrasaient sur mon visage. Le moteur ronronnait. Et toute la pression que j'avais accumulée sembla se dissoudre.

Isaac tenait fermement le guidon, et les réverbères de la ville défilaient sur son profil mouillé que je scrutais lorsqu'il tournait la tête.

Soudain, alors que la moto fendait l'air humide, je sentais les frissons de nervosité parcourir mon corps. Un rire nerveux s'échappait de mes lèvres, emporté par le vent et se mêlant aux bruits de la pluie. Oui, je riais. C'était un rire teinté de peur et de décompression.

Mais derrière ce rire, des larmes coulaient également, s'ajoutant aux perles de pluie qui sillonnaient mon visage. Ces larmes n'étaient pas de tristesse, mais plutôt une libération, laissant échapper le stress et la pression qui s'étaient accumulés en moi ce soir et ces derniers temps. Elles étaient le témoignage silencieux de mon âme débordante, cherchant à évacuer les tensions qui m'avaient envahie.

Le rythme effréné de la moto, les éclaboussures d'eau sur ma peau, tout cela se mélangeait dans une symphonie chaotique d'émotions. Je me sentais vulnérable et pourtant invincible à la fois. Je riais. C'était si étrange, moi qui n'avait pas rit à gorge déployée depuis une éternité. Je devais paraître folle. Je ne sentais même plus ma douleur à l'épaule pour tout dire.

Isaac me regarda du rétroviseur, lui aussi déconcerté par mon rire et mes larmes. Et puis, poussée par une adrénaline rebelle, je me détachais de lui pour soulever mes bras en l'air. Je le vis me dire des choses, mais je n'entendais rien. J'étais en transe.

- QUOI ? m'écriai-je dans le bruit de la pluie et de la ville qui nous entourait.

- TU VAS TOMBER, me répondit-il en s'écriant à son tour.

Mais je l'ignorai. Je n'en avais que faire. Advienne que pourra.

Je sentais mon corps se relâcher, se vider de tout ce stress qui m'avait envahie ces derniers temps, c'était une sensation étrange. Les larmes s'écoulaient librement, se mêlant à la pluie ruisselante. Mes émotions étaient à la fois enchevêtrées et libérées. Mais malgré tout, je me sentais légère, comme si chaque goutte de pluie emportait un peu de mon fardeau, au moins le temps d'un instant. J'en profitai.

Je sentais son regard sur moi depuis le rétro viseur, alors je vins le croiser. Au feu rouge, il ne détourna pas ses yeux de moi. Il me regardait seulement d'une expression indéchiffrable, mais que j'aimais bien. Comme un court moment de complicité visuelle. De compréhension. De bienveillance. Un instant de liberté partagée.

Et c'était peut-être fou de penser cela maintenant, mais je le trouvais tellement attirant, là, sur cette moto, où chaque virage qu'il prenait faisait contracter ses larges bras tatoués. Son dos devant moi, qui se mouvait sous le tissus fin de son haut, mouillé à présent. Il était tout simplement si... virile, si sûr de lui. Il maniait le véhicule comme un professionel, et le charme qu'il s'en dégageait n'était pas moindre.

Là tout de suite. Je voulais m'arracher les yeux de la tête rien qu'en me surprenant à penser tout cela.

Nous arrivâmes rapidement devant son building. Il laissa sa moto à un voiturier et nous nous engouffrâmes dans le hall où les employés nous jetèrent un regard interrogateur et stupéfait.

C'est en pénétrant à l'intérieur de l'ascenseur que je me rendis compte de notre état : cheveux et vêtement trempés, et maquillage des yeux coulé pour ma part.

L'atmosphère de tout à l'heure n'était plus d'actualité, laissée derrière nous avec cette moto. Ne régnait plus que le silence habituel. Une ambiance pesante, le poid de la tournure actuelle de ma vie sur le coeur. Les poumons comprimés. Comme si l'instant d'avant n'avait été qu'un bref instant de rêve éveillé.

- T'as mal ?

Je ne compris pas tout de suite le sens de sa question jusqu'à ce que je vis qu'il regardait mon épaule.

- Non, ça va, répondis-je simplement.

Dans l'appartement, je me dirigeai directement dans la salle de bain pour me soigner. Je me débarrassai de mon gilet bon qu'à être jeté.

Là-bas, je trouvai du désinfectant et un rouleau de bandage. Je remontai la manche de mon t-shirt et commençai à désinfecter la zone ensanglantée. C'était comme une grande égratignure, la balle m'avait effleurée, mais je ne savais pas si c'était profond ou non, je ne voyais que du sang.

Le tueur apparut dans le cadran de la porte que j'avais laissé ouverte. Les bras croisé sur son torse, il m'observait d'un oeil attentif et je ne dis rien.

Je me demandai s'il se souvenait de ses paroles de ce matin après avoir repris pleine conscience.

Alors que je désinfectais misérablement la zone, ce dernier se pencha pour chercher quelque chose sous l'évier. Il en ressorti du fil et une aiguille médicale.

- Pas besoin de ça, dis-je apeurée en me reculant.

- C'est profond, je le vois d'ici.

- J'irais aux urgences dans ce cas.

- Et que leur diras-tu sur la nature de ta blessure ?

Bien vu.

Je me tus, et me résignai.

- Est-ce que tu sais t'en servir au moins ? demandai-je dubitative. Ne fait pas n'importe quoi.

Il me lança un regard l'air de me demander si ma question étai sérieuse ou non, alors je ne dis rien, comprenant que c'était stupide. Bien-sûr qu'il sait s'y faire, quelle question.

Il désinfecta correctement et m'incita à m'asseoir sur le rebord de l'évier. D'ici, nos visages étaient au même niveau, c'était bizarre. Mes pieds pendaient dans le vide.

- Ça fait mal ? demandai-je avant qu'il ne commence.

- Non.

- Je ne demande pas par rapport à toi, roulai-je des yeux. Je me doutes que ça ne doit pas te faire mal à toi.

- Alors oui, de ce que m'a dit Helia, se reprit-il.

Il approcha ensuite avec réticence, ses yeux scrutant ma blessure avec une concentration feinte. Ses gestes étaient précis, empreints d'une habileté que je ne pouvais nier. La douleur était supportable.

Je sentais la chaleur de ses mains, à la fois réconfortante et troublante, alors qu'il sondait mes maux avec une attention inattendue. Chaque contact, bien que bref, laissait un sentiment indélébile dans mon esprit.

Le silence pesant était interrompu uniquement par le murmure des souffles retenus, témoins de notre guerre silencieuse. Pourtant, au-delà des mots amers et des actions hostiles que nous avions eut à notre égard, il y avait une alchimie énigmatique qui se nouait en cet instant, et je le crois depuis le début de soirée, défiant toute explication rationnelle.

La proximité de nos corps était comme une danse interdite. Le temps semblait s'étirer, suspendu dans une réalité alternative. Dans ses yeux, je pouvais percevoir un écho de mes propres sentiments confus, une lueur d'incertitude qui miroitait dans les profondeurs de son regard.

- Alors, est-ce que t'as eu mal ? me demanda-t-il tout en enveloppant mon bras dans le ruban.

Je restai scotchée à ses lèvres une micro seconde, puis relevai les yeux pour les ancrer de nouveau.

- Non, finis-je par dire d'une voix discrète, comme si j'avais peur de briser l'atmosphère.

Et quand les soins touchèrent à leur fin, nos regards se croisèrent une dernière fois, capturant un instant d'intimité fugace.

L'écho de cette étrange connexion résonnait encore dans l'air, laissant derrière lui des questions sans réponse et des émotions inexplorées.

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