Léonie
A l'heure du déjeuner, j'ai évité la cantine, où tous les élèves se rassemblent et se retrouvent pour manger. Kaylee est partie après que je lui ai assuré en lui racontant un beau mensonge, mon attitude en classe, tout à l'heure.
Je ne crois pas qu'elle ait cru une seconde à mon histoire de « juste une vieille connaissance » mais tant pis. Pendant que tout le monde a déserté les couloirs, j'en profite pour essayer de me recentrer et recouvrer un calme qui ne veut pas revenir. J'ai la boule au ventre, de nouveau incapable de manger, pas même la pomme qui attend dans mon sac.
Je ne peux m'empêcher de me questionner sur ce qu'Aurélia a prévu pour me torturer ? Parce que c'est sûr qu'après qu'elle m'ait remarqué, elle n'en a pas fini avec moi. Si elle s'est assise derrière moi en classe de science, ce n'est certainement pas par le fruit du hasard. Aurélia ne fait jamais rien au hasard quand je suis concernée, je l'ai appris à mes dépends.
A Boston, elle a tout détruit. Autant ma relation avec mon groupe d'amis que ma réputation. Une fois seule, elle en a profité pour s'en prendre de plus en plus à moi, sachant que je n'avais plus personne sur qui je pouvais compter. Pendant les soirées auxquelles j'étais invité, j'ai rapidement compris - hélas trop tard - que ce n'était qu'un énième plan dans sa tête de tordue pour m'atteindre.
Bien évidemment, comme tous les harceleurs, Aurélia n'agissait pas seule. Elle était accompagnée de ses deux meilleures amies : Lolita et Yris.
– Les cheveux violets, c'est un nouveau délire dans ta tête de délurée ?
Je sursaute et me raidis sur le coup quand sa voix résonne sur ma droite. Un bref coup d'œil me suffit pour la voir adossée au mur, d'une attitude nonchalante mais que j'ai cessé de croire depuis longtemps.
Elle n'a pas changé. Toujours aussi belle, toujours aussi sûre d'elle.
– Fous moi la paix, Aurélia, je marmonne en prenant déjà la fuite.
Son rire mesquin me fait frémir d'anticipation.
– Incroyable ! Mais c'est qu'elle parle dis donc !
Je serre les dents, le corps tendu à m'en faire mal. Je veux la fuir, lui échapper plus que tout et pourtant, mes pieds demeurent pétrifiés dans ce foutu lino impeccable où je peux y voir mon reflet angoissé dedans.
Ses pas résonnent autour de moi, comme je sens sa présence intimidante rôder comme un prédateur ayant cerné sa proie.
Malheureusement, je ne suis pas dotée de quatre pattes pour détaler à toute vitesse. Juste de deux jambes qui restent désespérément immobile.
– Dis moi, elle susurre de sa voix venimeuse. Ça a quelle saveur l'eau de piscine ?
je vais mourir, est la première pensée qui fuse dans mon esprit aussitôt sa question posée loin d'être innocente.
Je déglutis puis soudainement, je relève la tête pour croiser son regard. Des yeux beaucoup trop verts pour une salope comme elle.
J'ai envie de crever ses foutus yeux intimidants. Elle ne les mérite pas.
– Si tu veux tant savoir, je rétorque et je peux voir la surprise figée un instant ses traits de me voir lui répondre, tu as qu'à tester par toi-même.
Son visage se ferme en suivant mon élan d'audace sortie de je ne sais où et sans que j'ai le temps de bondir pour me mettre en arrière, sa main percute déjà avec force mon visage. La douleur se fait sentir instantanément, et malgré que je serre les dents, les larmes me picotent les yeux.
– Réponds moi encore une fois, Léonie et je balance sur les réseaux la merveilleuse année que nous avons passé l'an dernier. Ça serait dommage, toi qui commence à te faire des amis ici de tout perdre encore une fois, non ?
Comme je ne réponds pas, elle ajoute avec un sourire qui ne cesse de s'élargir à chacun de ses mots :
– Après tout, qui voudra d'une lâche suicidaire pour amie hein ?
Par ces deux sous-entendus, je sais qu'elle me tient entre ses griffes encore une fois.
– Qu'est-ce que tu veux ? je finis par lâcher dans un souffle tellement ma joue me lance.
Son visage se métamorphose passant d'une salope venimeuse à un ange amical de qui on douterait jamais de sa véritable personnalité. Elle tend la main et attrape entre ses doigts une mèche violette et je n'ose même plus esquisser le moindre geste, le souffle coupé. Ce geste pourtant si anodin quand c'est Aurélia qui en est l'instigatrice, n'a rien de doucereux.
– Pour l'instant, rien du tout. Je retrouve juste mon jouet, elle sourit et mon cœur accélère ses battements.
Elle recule, libère ma mèche de ses griffes empoisonnées et lance avant de se détourner :
– A bientôt, très chère Léonie...
Je l'observe, figée, s'éloigner jusqu'à ce qu'elle disparaisse.
Et comme si mon corps n'avait attendu que sa disparition, mes jambes me lâchent et je tombe à genoux sur le sol. Je sens l'ombre des démons m'entouraient de leurs griffes acérées, ces voix qui se font plus fortes que tout qui ne cessent de me souffler ce contre quoi je lutte depuis l'année dernière...
Et pourtant... J'ai envie de mourir, parce que je n'ai aucune envie de revivre ce que j'ai vécu l'année dernière...
Deux fois de suite, je n'y survivrai jamais.
***
Le reste de la semaine se passe comme un brouillard. Dans la bouche de tout le monde ne fait que sortir la super soirée qui aura lieu vendredi soir chez Aurélia, où bien sûr tout le monde a été invité sauf moi. Un de ses nombreux plans. Rassembler tout le monde chez elle, pour avoir ensuite le même sujet de conversation Lundi prochain, pendant que je serai isolé de tout ça parce que je n'étais pas là.
Depuis son retour, j'ai pris que trois repas et maigres. Les effets se font déjà sentir par une faiblesse de mon organisme. Je suis de plus en plus épuisée et je n'ai même plus de force dans mes membres. Le soir, quand je me retrouve avec Nathanaël, je n'ai même plus la force de me disputer avec lui. Je passe toutes les heures de la journée quand je suis à la maison à être dans ma chambre, dans le noir le plus complet. J'ai planqué tous les objets tranchants que je possédais dans un coin de la maison pour éviter que je sois tenté de m'en servir.
Mon corps est déjà bien stigmaté comme ça.
Je replonge dans un cauchemar déjà vécu et j'ignore comment faire pour résister à cet appel qui ne cesse de se murmurer au creux de mon oreille de me faire du mal.
Je lutte. De toutes mes forces restantes mais j'ai l'impression que bientôt, ce ne sera plus nécessaire. Les démons finissent toujours par l'emporter et moi...
Soit je finis au fond d'une piscine, bourré et à peine à même de bouger, soit cette fois, je terminerai à l'hosto.
J'ai aucune envie d'infliger cela à ma mère ni à Elia. Alors je continue de me battre contre moi-même.
Mes cheveux violets ne me servent plus à rien, j'ai l'impression que depuis son retour et ses menaces sous-entendues, que mes failles sont découvertes au grand jour.
Je ne suis plus qu'un spectre dans les couloirs du lycée. Une âme hors d'un corps.
Et ça n'est pas passé inaperçu auprès de Kaylee dont je sens encore l'inquiétude émanait d'elle quand elle pose son regard sur moi.
Mais qui pourrait comprendre ? Qui pourrait me comprendre ? Personne parce que personne ne se rangera du côté d'une suicidaire lâche et faible.
– Léo, attention ! s'exclame Kaylee mais c'est trop tard.
Je percute brutalement quelqu'un mais qui a des réflexes vraiment admirables car il me rattrape en me tenant par le bras et me ramène sur mes pieds vacillants.
– Ça va ? demande cette personne et alors je reconnais la voix de mon demi-frère.
Je cligne des yeux et les lève sur Nathanaël qui a les sourcils froncés. Je fais doucement oui de la tête.
– Toujours aussi maladroite à ce que je vois, Léonie, commente une seconde voix narquoise.
Je tressaille et quand je remarque alors qui se tient à côté de Nathanaël, je me pétrifie.
Aurélia.
Aurélia et Nathanaël.
Ensemble.
Je m'écarte de mon demi-frère comme si je m'étais brûlée, d'une démarche chancelante.
– Vous vous connaissez ? lance Nathanaël en faisant voyager son regard d'elle à moi et inversement.
– Oui, nous étions dans le même lycée l'année dernière à Boston, répond Aurélia et j'ai envie de vomir, prise de nausées.
J'ai froid. Je suis frigorifiée alors quand elle tourne sa tête vers moi et lance d'une voix badine pour les autres, mais menaçante à mes oreilles :
– N'est-ce pas Léo ?
Je fuis.
– Je... Je dois y aller, je bafouille en détalant aussi vite que mon corps affaiblie me le permet.
Je manque plusieurs fois de trébucher mais je me redresse jusqu'à parvenir aux toilettes. J'entre dans la première cabine vide et j'ai à peine le temps de me pencher, que je vomis.
Et je me mets à pleurer.
Car l'envie de me faire du mal pour étouffer les voix et calfeutrer mes démons n'a jamais été aussi forte.
Me voilà cernée par Aurélia et mes envies de saigner pour éteindre les appels de détresse de mon corps.
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Léonie se sent déjà sombrer et l'année ne fait que commencer... Qu'est ce qu'Aurélia lui réserve ?
Dites moi vos impressions sur ce chapitre !
À très vite pour le prochain !
Xoxo 🦋