Les deux étudiants se fixèrent un moment en silence, puis, le leader de l'Akatsuki soupira.
– Bon, je suppose que je n'ai plus rien à ajouter. Tu avais pensé à tout, je n'aurais pas du venir.
– En effet.
La voix de Sasori était toujours aussi tranchante. Il n'avait visiblement pas du tout apprécié que le chef de leur groupe vienne lui reprocher ses actes comme s'il était un enfant, ou bien comme s'il était sous ses ordres. Parce que si le possesseur des rinnegans dirigeait officiellement les opérations, il était évident que Sasori ne s'était pas plus placé sous son commandement que sous la juridiction de quiconque. N'ayant rien à répondre, Pain salua les deux colocataires et partit, sans même attendre que l'un d'eux le raccompagne à la porte. Sasori et Deidara le regardèrent s'en aller à travers la porte ouverte de la chambre et ils restèrent ainsi pendant un moment, en silence, même après que la porte se soit refermée sur le garçon aux cheveux roux. Le blond se tourna vers son acolyte.
– Tout va bien ?
Sasori le regarda, haussant un sourcil.
– Pourquoi ça n'irait pas ?
– Je sais pas, je demande juste. Au fait, tu sais qu'au moment où Pain est arrivé, je venais juste de rentrer ?
– Et alors ? Que veux tu que ça me fasse ?
Deidara marmonna des insultes à son égard. C'était déjà particulièrement difficile de lui parler, mais quand il était d'une telle humeur, cela relevait du carnage.
– T'es vraiment chiant putain. Ça t'écorcherait d'être sympa des fois ? J'étais sorti pour t'acheter quelque chose, ne sois pas si désagréable, ça me donne envie de te fracasser le crâne.
– M'acheter quelque chose ? En quel honneur ? Depuis quand tu veux fêter Noël toi ? Je croyais que t'aimais pas cette fête depuis que ta famille t'avait renié ?
L'artiste aux cheveux longs roula des yeux.
– Mais c'est pas pour Noël. On n'a pas pu fêter ton anniversaire cette année, tu étais enfermé dans l'avant poste de Suna le huit novembre. Et on allait pas célébrer tes vingts ans sans toi, alors qu'on savait même pas si tu étais encore vivant. Et à ton retour, il y avait plus urgent à gérer, genre ton état, et ensuite tes conneries. Du coup, je suis allé chercher un cadeau aujourd'hui. Maintenant si t'es encore d'humeur de chien ou que je te casse les couilles, tu peux toujours aller te faire foutre, et tant pis.
Le marionnettiste resta silencieux un moment, il avait été surpris de l'attention, et il regrettait d'avoir aussi mal parlé à son colocataire, ainsi que d'avoir ravivé un souvenir probablement douloureux, bien que ce soit récurrent chez lui d'agir de cette façon avec son manque de tact naturel. Il soupira, détournant les yeux vers le sol.
– C'est bon, t'excites pas comme ça, désolé de t'avoir encore envoyé chier. Merci d'avoir pensé à moi, ce n'était pas nécessaire, mais j'apprécie l'attention.
– Voilà qui est mieux, bon, bouge pas, je vais te chercher ça.
Il sourit avec satisfaction et partit de la chambre, avant de revenir quelques instants plus tard avec un petit paquet, qu'il tendit à son ami.
– Voilà, bon anniversaire avec un peu de retard.
Sasori le remercia d'un signe de tête avant de le prendre, il l'ouvrit lentement et regarda à l'intérieur avant de lever les yeux pour fixer le blond, qui se passa une main dans les cheveux, mal à l'aise.
– Je me suis dit que c'était une bonne idée... Enfin, vu que t'as une oreille percée mais que tu mets jamais de bijou, je me suis dit que peut être, t'en avais pas trouvé qui te correspondait, ça ne te plaît pas ?
Le marionnettiste observa l'expression gênée du blond. Il avait l'air anxieux à l'idée que son présent ne lui convienne pas. Il répondit d'un murmure moins froid, et bien plus doux que d'habitude.
– Si, j'aime beaucoup. Merci, Deidara.
Il sortit le bijou et le fixa aussitôt à son oreille avant de secouer légèrement la tête pour dégager les mèches écarlates qui la cachaient, dévoilant la boucle fixée, en argent, et formant un scorpion qui allait longer son lobe.
– Alors ?
Deidara sentit un sourire éclatant illuminer son visage, son colocataire était déjà sublime, mais l'ornement argenté ne faisait qu'accentuer son charisme, et le fait qu'il lui demande son avis après l'avoir mis faisait plaisir au jeune homme.
– Elle te va très bien, et c'est tout sauf surprenant, tout te va bien.
– C'est inutile de me flatter autant.
Deidara fit la grimace. Dialoguer avec Sasori n'était pas aisé, même alors qu'il était parfaitement sincère.
**********
L'homme ouvrit les yeux en entendant le son distinctif des pas qui approchaient, sans doute dans le couloir qui se trouvait derrière la porte métallique. Il avait commencé à somnoler il y a quelques heures, à force d'attendre sans que rien ne se passe. Dans un premier temps, il avait cru pouvoir écouter attentivement, pour en apprendre plus sur la situation, puis, il avait observé tout ce qui était autour de lui, cherchant une quelconque solution. Il n'y en avait aucune, il avait abandonné, fermant les yeux. La porte s'ouvrit brusquement, et l'homme eut un léger sursaut, surpris que l'autre soit arrivé si vite. Il le regarda un instant, pinçant les lèvres comme pour se retenir de lui parler, mais le nouveau venu ne semblait pas le moins de monde vouloir lui porter d'attention, il s'était tourné vers la table et rangeait ses outils. Enfin, c'est ce qu'il crut voir, il n'avait pas un bon angle de vue sur le meuble. Il ne pouvait qu'observer cette silhouette, pas très grande, fine et élancée, avec ses cheveux si remarquables dans l'ombre, d'un rouge écarlate, qui dissimulaient une partie de sa mâchoire, ainsi que son regard. La tension en lui s'accentua drastiquement, entre le silence du shinobi, l'inattention qu'il lui portait et le tintement métallique des objets qu'il manipulait, il n'en pouvait plus d'attendre ainsi, sans savoir, sans comprendre.
– Qu'est ce que tu comptes me faire ?!
Il avait parlé soudainement, criant presque, sans aucun contrôle ni de sa voix, ni de son anxiété. Le jeune homme aux cheveux couleur sang tourna enfin la tête vers lui. Lentement, il s'approcha, sans répondre, sachant que cela ne ferait que lui faire perdre les pédales un peu plus. Il s'accroupit enfin pour placer son visage en face du sien. Sasori sourit lentement, et encore une fois, son interlocuteur se sentit perturbé par ce rictus éclatant et terriblement inquiétant, avant de susurrer doucement.
– Tu sais, pour un Kazekage, tu manques cruellement de sang froid.
Le brun lui jeta un regard noir, et cela le fit rire. Il frissonna, ce rire était encore plus angoissant que son sourire. Pourtant, il était doux, cristallin, léger, frais. Dans un autre contexte, venant d'une autre personne, il aurait ressemblé à un son purement angélique et rassurant, agréable à écouter. Mais venant de Sasori, et sachant qu'il était à sa merci, assis au sol et sanglé contre un mur avec des fers coupant le chakra, il ne pouvait qu'être effrayé par ce ricanement plus qu'amusé.
– Je n'ai pas autant réagi quand j'étais torturé par tes ninjas, reprit le jeune homme avec sa voix ronronnante de satisfaction, et pour l'instant, je ne t'ai rien fait. C'est cocasse tu ne trouves pas ? Serais-je supérieur à l'un des cinq plus grands shinobis de ce monde ?
Le Kazekage plongea dans le regard ambré si intense de son tortionnaire. Ses moqueries l'agaçaient au point que sa colère ne surpasse son appréhension.
– Ne nous compare pas, je suis peut être kage, mais je reste un homme, toi, tu es un monstre, inhumain, sans émotions !
Les yeux de Sasori papillonnèrent un instant, faisant battre ses longs cils noirs, qui soulignaient d'autant plus son regard, comme s'il était maquillé d'un mascara au rendu particulièrement volumineux, en plus de l'impression de liner sombre longeant le bord de chaque oeil. Son sourire s'agrandit, et il murmura doucement, comme s'il faisait une confidence à son prisonnier.
– Oh, si tu savais à quel point tu as faux... J'en ai des émotions... Et elles sont si fortes, si intenses, que pour me protéger, je les contiens au fond de moi... Je ressens tellement de choses que je serais incapable de les contrôler si je les laissais surgir. J'ai besoin d'extérioriser, et le faire ici, sur vos petites nations, sur vos populations, cela m'évite d'avoir à le faire sur mon propre corps. J'ai besoin de cette souffrance, que ce soit sur vous ou sur moi, pour évacuer tout ce qui brûle au fond de mon âme... Je retire des massacres que je commets une satisfaction intense, j'aime simplement voir ce monde se détruire. C'est pour ça que je suis Pain alors que je me fous complètement de ses objectifs égocentriques.
Le brun le fixait maintenant avec épouvante. Il venait de comprendre que le profil de Sasori étudié dans ses rapports était bien loin de la réalité. Et qu'il était encore plus dangereux qu'il ne l'avait pensé. Un criminel avec un but peut être mis hors d'état de nuire si on arrive à empêcher ses plans. Mais le marionnettiste n'en avait pas, il n'était pourtant pas désorganisé, au contraire, mais il était l'incarnation du chaos qu'il voulait semer, inarrêtable. Le jeune homme aux cheveux rouges pencha légèrement la tête sur le côté, souriant toujours.
– Maintenant, murmura-t-il lentement, pour répondre à ta première question, à savoir ce que je compte te faire, je vais faire de toi une oeuvre d'art. La nouvelle pièce maîtresse de ma collection...
Le Kazekage n'était pas sûr de comprendre, mais son tortionnaire avait l'intention d'être plus précis puisqu'il reprit, de sa voix toujours aussi doucereuse.
– Ton jutsu aussi rare que puissant, cette technique qui t'a rendu si célèbre, et qui a conçu ta réputation de shinobi terrifiant, la limaille de fer, elle m'intéresse beaucoup. Mon art ne consiste pas seulement à fabriquer des pantins, je peux aussi reprendre les techniques des ninjas qui tombent entre mes mains.
Il saisit le visage de son prisonnier, le regard brillant d'enthousiasme et de démence.
– Je vais faire de toi ma nouvelle marionnette, et à travers ton corps charcuté, démonté et amélioré, le pouvoir du plus puissant shinobi du pays du vent sera mien...
Le Kazekage ne répondit rien, son coeur venait de rater un battement. Même quand Sasori s'éloigna de lui juste après avoir fini de parler, il resta silencieux. Que pouvait-il faire ? Supplier ? Cela serait inutile, et cela ferait bien trop plaisir au criminel. Il ne réagit que lorsque le marionnettiste revint vers lui, des outils tranchants dans les mains, écarquillant les yeux sans pouvoir contrôler sa peur. Encore une fois, le jeune homme sourit et pencha la tête, avant de parler d'une voix douce.
– Je pourrais te rassurer en te disant que tu ne sentiras rien, et que ce sera rapide. Mais ce serait faux.