Klaus
D'un pas léger, le fils de Sam entre dans la pièce au moment même où Caroline s'apprête à la quitter. Avant de se décider à fermer la porte, la main sur la poignée, mon ange prend le temps de m'observer attentivement. Et je ne suis pas vraiment surpris d'en faire tout autant. Ce bout de femme m'attire inexorablement.
Caroline est la définition même de la lumière. Et pour une personne comme moi, plongée dans l'obscurité depuis si longtemps, il est presque impossible de s'en soustraire. Toute cette lumière qui flotte autour d'elle tel un doux halo est absolument splendide.
J'ai beau vivre depuis des siècles, avec elle, j'ai l'impression de tout redécouvrir. L'Amour entre autres. Celui que nous possédons est différent de celui que je partage avec mes frères et sœurs. Cette version avec un grand A est tout nouveau pour moi. Ma paranoïa légendaire qui me colle à la peau tel un parasite, avec elle, n'a pas de raison d'être !
Plus j'y pense et plus je constate qu'elle et moi ne sommes déjà plus les mêmes. J'irais jusqu'à dire qu'elle est en train de me transformer en une meilleure version de moi-même. Et bizarrement, je crois que j'ai appris à l'accepter !
Alors qu'elle ferme la porte, je bascule mon attention sur Chris que j'avais presque oublié.
— Je peux savoir ce qui te fait sourire ! je raille en me remplissant un verre de bourbon.
— Oh rien ! Je suis seulement... très agréablement surpris de te voir en mode... Guimauve Chamalow ! Figure-toi que ce n'était pas vraiment inscrit dans ta biographie.
Je n'ai jamais bien aimé qu'on puisse me voir différemment du monstre que j'ai continué de façonner au cours du temps. Que Chris mette en avant ce côté plus humain que je pensais avoir perdu me laisse sincèrement dubitatif. Aujourd'hui, j'ignore si le fait qu'une personne extérieure comme lui puisse s'en rendre compte se révèle être une bonne chose ou non.
— Tu devrais ajouter ce détail dans tes mémoires ! Je suis sûre que cela fera du plus bel effet ! il poursuit dans un clin d'œil amusé.
Il cherche à détendre l'atmosphère, mais c'est peine perdue. Je n'ai aucune envie qu'on découvre toutes ces failles qui prouvent à quel point Mikael avait raison me concernant. Alors pour essayer de noyer tout ce mal-être dont je n'arrive pas à me délivrer, je plonge à nouveau mes lèvres dans mon verre puis en remplit un second.
Une fois ce dernier plein, je le fais glisser sur le plateau du bureau jusqu'au loup originel. Chris, visiblement étonné par mon geste, le regarde longuement, mais ne s'en saisit pas pour autant.
Je détourne mon attention sur les fenêtres ouvertes sur le balcon. Le silence s'est abattu sur nous et pourtant ni l'un ni l'autre ne semble s'en formaliser.
« Je l'ai vu dans ses yeux, Niklaus, il n'a aucune confiance en nous ! »
Les paroles de mon ainé trouvent petit à petit leur chemin en moi. J'ose alors espérer qu'Elijah se trompe. Quand je songe au fils de Sam, la perspective de le tuer moi-même si j'étais contraint de m'en débarrasser ne m'enchante pas vraiment. Je préfère laisser ce sale boulot à Silas.
Alors que j'avais abandonné l'idée qu'il finisse par prendre le verre de Bourbon, ce dernier le fait.
Un sourire s'installe sur mon visage quand je le vois le renifler légèrement comme pour s'assurer de son contenu.
— Visiblement, la paranoïa est un trait que nous avons en commun ! je raille, quelque peu amusé.
— Disons qu'on traine tous, plus ou moins, certaines casseroles ! lâche-t-il avant de finalement se décider à en prendre une bonne gorgée.
Sans chercher à me retenir, je souris. Puis d'un air taquin, j'ajoute :
— Ou le casserolier tout entier !
Le fils de Sam me jette alors une œillade avant de m'offrir un rictus timide.
Une fois encore, dans son regard, le jugement n'existe pas.
J'ignore d'où me vient cet intérêt pour sa personne. Tout ce que je sais c'est que dès que nous nous trouvons l'un avec l'autre, nos auras, pourtant fortes, s'apprivoisent jusqu'à s'accorder.
— Rebekah m'a informé de ce qui s'est passé cette nuit. J'imagine que je suis censé te remercier de l'avoir aidé à se sortir du bourbier où elle s'était, une nouvelle fois, fourrée.
— Tu n'as pas besoin de le faire, je ne l'ai pas fait pour ça ! il me répond posément avant de prendre une gorgée de bourbon comme si tout à coup, il voulait changer de sujet de conversation.
Même si je sais que c'est possible d'avoir accès à ses penses à travers ma lycanthropie, j'ignore comment procéder pour l'atteindre. Lorsque je cherche à m'infiltrer dans sa tête, j'ai l'impression de me trouver au beau milieu d'un couloir jonché de portes, mais ces dernières sont malheureusement toutes verrouillées. Et je le sais, car l'une après l'autre, j'ai vérifié. J'imagine que c'est ce à quoi Silas faisait référence. L'esprit d'un loup est bel et bien complexe. Mon ange ne cessera jamais de m'étonner lorsqu'elle pénètre le mien.
— Tu n'arriveras pas à lire dans mes pensées ! il me dit soudainement.
Surpris, qu'il est tout découvert de ma tentative avortée et qui est un échec total, je demande :
— Et pourquoi donc ? As-tu quelque chose à cacher derrière toutes ces portes closes ! je m'agace.
— Pas spécialement !
— Alors pourquoi ne me laisses-tu pas entrer ?
— Parce que je ne suis pas encore prêt pour ça ! il m'avoue. Si tu veux savoir quelque chose, demande-le-moi, c'est aussi simple que ça.
— Qu'as-tu fait du pieu en chêne blanc, Chris ?
— Tu m'as demandé de m'en débarrasser, c'est ce que j'ai fait !
Alors que je m'apprête à répliquer, il me prend de vitesse. Visiblement, lui n'a aucune difficulté à entendre le fil de mes pensées.
— Je ne te le dirais pas ! Même si aujourd'hui Silas ne pourra pas le découvrir dans ton esprit, cette situation n'est que temporaire. Lorsque tu redeviendras un hybride, tu seras un livre ouvert pour ce dernier. Souhaites-tu vraiment prendre ce risque ?
La réponse est non ! Je n'insiste donc pas et choisis de me fier à mon instinct.
— J'aimerais également savoir quelque chose. Est-ce que c'était long et douloureux ?
Chris m'observe les sourcils froncés.
— Leurs morts ? j'ajoute.
— Je n'ai pas compris !
Agacé, je soupire. C'est à croire qu'il le fait exprès !
— La mort de ces loups ! J'espère que leurs souffrances a été à la hauteur de leur acte ! je demande en prenant une gorgée de whisky.
— Je n'ai pas tué ces loups !
Le liquide qui était contenu dans ma bouche la quitte aussitôt.
— Je te demande pardon !
— Tu as très bien compris ! Tu me prends pour qui ? Jamais je ne toucherais à l'un des nôtres !
— Silas les a corrompus !
— Justement, ils n'étaient pas eux même !
— Ils s'en sont pris à Rebekah ! je hurle fou de rage.
— Et je crois bien te l'avoir ramené saine et sauve ! il lève le ton à son tour.
Les cœurs battants comme si nous venions de courir un marathon, nous nous jaugeons l'un et l'autre. Puis, petit à petit, la tension entre nous redescend.
— Écoute, il reprend calmement, je peux comprendre que cette situation te pèse.
— Non, Chris, tu ne peux pas ! j'avoue tristement. Il y a de cela quelques jours, j'étais l'une des plus puissantes créatures de cette planète et regarde moi aujourd'hui, je ne suis rien !
— C'est là où tu fais erreur ! Tu as beau avoir perdu tes capacités vampiriques, tu n'en restes pas moins un loup Originel !
C'est à croire que lui et Caroline se sont passé le mot.
— Tu descends de la plus prestigieuse de toutes les lignées de lycanthropes qui a foulé cette terre, Niklaus. Tu es le fils de Nikalan, ton loup est loin d'être faible ! C'est un leader né !
Bien qu'il cherche à me rassurer, il ne fait que me pousser plus profondément dans mes démons. Ce canidé en moi je ne le considère pas comme un don du ciel mais comme un fardeau !
— Tu ne pourras jamais être en mesure de me comprendre, Chris. Toi, tu as grandi dans cet univers ! Toi, tu es le loup par excellence et moi... dans tout ça... je m'arrête n'arrivant pas à poursuivre.
Mon mal-être me pousse à le jalouser. Lui, il est au fond ce que j'aurais dû devenir. Alors que je conserverais à jamais cette étiquette du Big Bad Wolf, lui est le bon loup.
— Je suis très loin d'être parfait !
— Ah oui ! Vraiment ? je m'agace, peu convaincu. Est-ce que je me trompe en affirmant que tu es la fierté de ton paternel ?
Déstabilisé par mon interrogation qu'il sait être la vérité, il ne répond pas.
— Crois-tu, Chris, que je sois celle de mon père biologique ? je continue, une larme ruisselant sur ma joue.
Ne souhaitant pas mentir, il préfère conserver le silence. J'apprécie d'ailleurs qu'il le fasse.
— Je comprends qu'être le fils d'un homme comme l'était Nikalan n'est pas simple mais ne crois pas qu'être celui de Sam est facile. Nos pères, EUX, au cours de leurs vies auront vraiment été des loups par... excellence, dit-il en reprenant mes propres mots. Atteindre leurs niveaux est déjà perdu d'avance pour nous. Alors j'imagine que tout ce qui nous reste à faire en compensation c'est de l'accepter et essayer de faire pour le mieux !
Toute cette sagesse que j'ai découverte en Sam je la retrouve dans sa progéniture.
Me livrer comme ça, à n'importe qui n'est pas dans mes habitudes et j'ai justement la sensation que lui ne l'est pas !
— Tout comme ton père était le bêta du mien étais-tu censé devenir le mien ? je lui demande.
Un large sourire s'étend sur ses lèvres.
— C'est à toi et uniquement à toi de décider qui tu veux à tes côtés, Nik, et non parce que nos pères et ceux avant eux se sont choisis.
Alors qu'il quitte la pièce, je me surprends à sourire. Il m'a appelé Nik. C'est un privilège seulement accordé à ma famille et lui je l'ai laissé faire.
Rebekah
Les jambes encore pleines de mousse, je pose un pied après l'autre sur le tapis moelleux. Je m'enroule dans une serviette éponge puis regagne le couloir.
J'y croise Caroline qui, comme d'habitude, est un véritable rayon de soleil.
Je comprends pourquoi elle avait tant d'amis. Elle est différente de moi. Elle vit tout simplement, continue de grandir alors que moi, j'ai passé la plupart de mon temps à subir mon existence.
— Agréable ? elle me demande
— J'en avais presque oublié la sensation de l'eau brûlante sur la peau.
— On dirait que tu as l'air d'aller mieux ! elle me fait remarquer.
— Oui, j'admets. Notre conversation m'a fait du bien, je crois. Tu avais raison, Caroline. Il faut parfois se battre pour mériter d'être aimé et je pense que je le désire assez pour... tenter ! J'ignore encore comment je vais m'y prendre avec Chris mais ce n'est qu'un détail.
— Non ! Attendez, une minute ! Vient-elle vraiment d'avouer à voix haute qu'elle en pince pour le loup depuis le début ? demande Katherine en nous rejoignant. Comme quoi... tout arrive !
— Et moi, je trouve que c'est une très bonne chose ! poursuit Caroline en lui jetant une œillade.
Toutes les deux, nous connaissons la brune que trop bien.
Et justement, en regardant derrière moi, elle ne peut retenir son sourire mesquin.
— Donc tu disais que tu allais essayer de mettre le grappin sur Chris, c'est bien ça ? demande-t-elle.
Ne souhaitant plus cacher le véritable coup de cœur que j'ai eu pour le fils de Sam, je le confirme sans me démonter.
— Oui! Et croyez-moi, les filles, qu'il va savoir qui est Rebekah Mikaleson en mode croqueuse d'hommes, car je vous assure que je vais le travailler au corps.
Alors que Katherine étend un peu plus son sourire perfide, Caroline, elle, semble horrifiée.
— Euh, Rebekah ! commence-t-elle.
— Mais non voyons, Caroline, laisse là dont exprimer ses sombres désirs, poursuit la brune.
— Ça me tue de devoir le reconnaitre, mais Katherine a raison. Je ne veux plus le cacher alors oui Chris me plait vraiment. D'ailleurs avez-vous vu comment ses yeux sont d'un bleu ? Mais ça encore, je peux vous assurer que ce n'est rien quand on le voit tout nu !
— OH MON DIEU ! s'exprime Caroline, dépitée.
— Je suis sûr que cela doit être le cas ! s'amuse Katherine en se dandinant. Au fait... bonjour, Chris.
Mon sourire se perd. Mes yeux s'écarquillent. Désormais, je crois que le regard horrifié de Caroline prend tout son sens.
— Ne me dis pas qu'il est juste derrière ! j'ose demander, le cœur martelant ma poitrine. Dis-moi que cette garce plaisantait ! Dis-moi que cette peste n'a pas fait ça !
— Euh ! Je crois que je vais vous laisser, termine Caroline en s'échappant à son tour.
Et merde !
Un raclement de gorge m'oblige à me retourner. Pourtant, je ne suis pas sure d'être prête à l'affronter. Mais ai-je vraiment le choix ?
Lorsque je croise les iris de Chris, je déglutis et demande :
— Dis-moi que tu viens juste d'arriver et que tu n'as rien entendu !
Il grimace puis admet :
— Je crois que j'en ai entendu bien plus que je ne l'aurais souhaité !
Il y a ceux qui ont de la chance et il y a... moi.
— J'ignorais que tu te trouvais là. Enfin, je veux dire dans notre maison. Nik t'en avait chassé !
— Visiblement, avec ce qui t'est arrivé cette nuit, il a revu sa copie, me concernant.
— Et ça été ? je demande légèrement inquiète. Avec mon frère !
— Oui ! Pourquoi ?
— Et bien parce qu'il ne tolère pas grand monde !
Ma réponse le fait sourire.
Ignorant totalement ma tenue qui frise l'indécence, Chris s'approche de moi.
— Rebekah !
Sa voix ronronne. J'aime particulièrement entendre mon prénom dans sa bouche.
— J'étais venu te demander si tu n'avais pas vu ma chemise à tout hasard !
— Celle en jean ? je l'interroge.
Je sais pertinemment qu'il parle de celle-ci, car c'est précisément celle qui se trouve son mon oreiller. Et qui, désormais, est le seul vêtement que je porte pour dormir.
— Quel dommage que tu l'aies perdu, elle t'allait si bien !
Un sourire timide apparait sur ses lèvres. Je crois bien remarquer un léger rougissement sur ses joues recouvertes d'une barbe de quelques jours.
— C'est pour ça que j'aimerais bien la récupérer !
— Je ne sais pas où elle se trouve, je termine.
Loin d'être dupe où ayant une intuition qui m'échappe encore, il comble les derniers centimètres entre nous. Lorsque son corps musclé se repose délicatement contre moi, je ne réponds plus de rien.
Mes pulsations cardiaques s'affolent. Ma poitrine ne cessant de monter et descendre successivement, je sens le nœud de ma serviette se relâcher. Captivée par ses iris de ce bleu si hypnotique, moi, prise au piège, je ne bouge pas. D'un geste rapide, il attrape l'un des pans avant que ma nudité lui soit dévoilée puis il la renoue au niveau de ma poitrine.
Mon cœur va imploser.
Lorsqu'il se penche un peu plus, je déglutis. Je ressens son souffle chaud dans le creux de mon cou, sens ses lèvres effleurer mon oreille. Impossible d'ignorer tous ces frissons qui remontent le long de ma colonne vertébrale.
— Menteuse ! chuchote-t-il.
Puis me laissant au bord du précipice, il s'éloigne puis prend le chemin de la sortie. Il me faut bien quelques secondes pour retrouver mes esprits.
— Chris ! je l'appelle désespérément.
Ce dernier s'arrête.
— Accepte de diner avec moi ! je lâche.
Surpris, il se tourne dans ma direction et m'épie longuement.
— Après tout, tu m'en dois un ! je poursuis, le cœur toujours malmené.
— Et je peux savoir pourquoi.
— Premièrement, tu m'as volé ma barre chocolatée. Ajoute ça aux intérêts, cela mérite un diner... en compensation.
— Pourquoi pas aux chandelles aussi ?
Je ne me laisse pas intimider par son ton moqueur. Cet homme loup, je l'ai choisi. Je suis prête à l'attendre le temps qu'il faudra. Pour la première fois de ma vie, je me surprends à espérer que l'homme de ma vision du futur, qui est visiblement le bon, n'arrive pas trop vite.
— S'il n' y a que ça pour que tu me dises oui alors j'accepte, je poursuis d'un ton à la fois joueur et séducteur. J'emmènerais un briquet. Histoire d'allumer la flamme entre nous.
Cette fois, il rit. Il rit vraiment.
Et moi, j'aime l'entendre et trouver ce sourire sincère qui chasse aussitôt toute la mélancolie qui l'accable.
Ne pouvant me détacher de lui, je bats des cils plusieurs fois avec une lenteur exagérée que je ne contrôle pas.
— Demain soir ? je propose
Alors qu'il m'observe attentivement, j'attends patiemment tout en priant ma bonne étoile.
— Désolé, je ne peux pas !
Bien que son rejet me blesse, je ne suis pas encore prête à laisser tomber.
— Après demain ? je tente à nouveau.
Las, il soupire puis rejette une seconde fois ma proposition.
— Alors le soir d'après !
— Ce n'est pas possible, non plus !
— Chris, si tu ne cherches pas à faire d'efforts, on ne va pas y arriver ! je m'agace.
D'un geste rapide, il m'attrape par le bras et me bascule dans son dos. Il me faut que quelques secondes pour que j'aperçoive Silas en plein milieu de la cour et qui nous sourit avec mesquinerie.