Lorsque Miranbeau avait sentit qu'Héla avait cessé de respirer et que son coeur ne battait plus, une vague de terreur la fît reculer. Elle alla se blottir contre le mur le plus proche en regardant le corps inerte de la jeune femme derrière un voile de larmes. Elle ne comprenait pas ce qui venait de se passer. Tout ça avait été vite, trop vite, peut-être devrais-je compter... et... je me réveillerai, songea-t-elle, mais à cette pensée elle sanglota de plus belle. Elle tremblait, comme une feuille morte les bras serrés contre sa poitrine.
Était-ce de la tristesse ? De la culpabilité ? De l'amour peut-être, Miranbeau l'ignorait, mais elle ne supportait pas le goût de ses propres larmes. Ses larmes n'avait pas le même goût que celles d'Héla, ses larmes étaient amères, brulantes, et elles lui écrasaient la gorge.
*
Elle avait trouvé la lettre d'Héla peu de temps avant d'enterrer la jeune femme. Elle était pliée, soigneusement dans la poche de son jeans. C'était une lettre d'amour, ou peut-être plutôt d'amitié destinée à Lawrence. Qui d'autre ? Lorsque Miranbeau l'avait lu, elle n'avait ressentit que de la colère, sûrement de la jalousie aussi.
Lawrence,
Si tu lis ça, c'est que j'ai réussi. Je me suis enfuie, assez loin pour qu'elle ne puisse pas me suivre. Ne t'en fais pas, là où je vais, je serais en paix, je le sens au plus profond de moi même. J'imagine un champs de fleurs, un endroit où il ferait chaud, et où je pourrais t'attendre, en faisant des bouquets de coquelicots et de boutons d'or.
Je n'ai jamais cessé de me battre, et tu m'as donné la force de me libérer d'elle.
Héla, à jamais, ton amie la plus fidèle.
Peut-être que quelqu'un d'autre aurait transmit cette lettre à Lawrence. Pas Miranbeau. Après tout, elle aussi avait blessé Héla. Elle aussi méritait de souffrir en imaginant les supplices que Miranbeau faisait subir à son amie. Alors Miranbeau laissa glisser la lettre de ces mains et la regarda tomber dans la tombe d'Héla. Plus tard, elle sèmerait ici des fleurs sauvages. Des fleurs sauvages comme la jeune femme, qu'elle n'avait finalement jamais réussi à posséder.