Nos trois amis se sont donc retrouvés chez Sophie pour leur before. Ils ont finalement décidé de se rendre à la soirée de ce Xavier, et en quelque sorte de pactiser... Qui plus est à une fête déguisée ; quelle drôle d'idée !
Heureusement pour eux, Sophie a pour colocataire une habilleuse de théâtre qui, à ce moment-là, travaille sur une adaptation décalée, et « moderne » des Trois Mousquetaires. Signes épars de son activité, dans l'appartement traînent divers costumes, des boas, des bottes, des vestes qui entrechoquent les époques...
En passant la porte, Diallo s'enquiert de l'état de sa colocation : « ça se passe bien ? » lui demande-t-il. Réponse mitigée de Sophie, sous forme d'un mouvement de main oscillant.
« Mais bon ce week-end, je suis seule, on a l'appartement pour nous !
— Comme pendant les révisions, en fait vous vous fuyez ? Ajoute Diallo.
— Oui c'est un peu ça, répond Sophie.
— Au fait, pourquoi on y va à cette soirée ? demande Vincent changeant de sujet, et tentant de faire de la place sur le canapé en dégageant un maximum de vêtements.
— On y va parce que, pour le moment, en bons galériens, vous n'avez rien de mieux à proposer, lui répond Sophie.
— Pour le moment... Reprends Diallo. »
Sans relancer, Sophie sort les boissons achetées après leur virée au bois de Vincennes. Whisky pour Diallo, Vodka pour Vincent, et vin blanc pour mademoiselle ! Si les garçons ne savent pas pourquoi ils y vont se laissant porter par le début de soirée, Sophie, elle en connaît la raison, en adepte du « Un tien vaut mieux que deux tu l'auras. ». Pragmatique, elle est désormais familière, après un mois à les côtoyer quasi quotidiennement, avec leurs plans sur la comète.
« Déjà on va se faire un before sympa. On va se boire chacun un verre, et se détendre. Pas mal comme programme de début de soirée !? Tu nous sers, grincheux ? dit Sophie en tendant la bouteille de blanc à Vincent.
— Tu nous sors un tire-bouchon, demande Vincent.
— Grincheux ! Ça te va très bien en fait ! reprend Diallo en direction Vincent.
— Mouais... On en reparle en fin de soirée. On verra qui est le grincheux après une soirée avec de gros nazes ! dit ce dernier.
— En fin de soirée !? J'te parie que tu seras trop bourré pour faire la différence entre une bonne et une mauvaise soirée ! lui renvoie Diallo.
— En plus les gars y a le choix pour se déguiser, et vous allez trouver ce qu'il vous faut, lance Sophie à travers la porte de la cuisine, toujours à la recherche du tir-bouchon.
— Le choix !? Tu ne moques de moi ? Mais pour ressembler à qui ? Des guignols ? Envoie Vincent qui entame, dans l'attente du tire-bouchon, la préparation des deux premiers cocktails.
— Rien à voir avec des Guignols, il s'agit juste de faire comme tout le monde. Désolée, je ne trouve pas le tire-bouchon, s'excuse-t-elle de retour dans le salon.
— Pas grave, j'vais me débrouiller sans. Un bon scout à toujours la solution !
— Toujours prêt ! ? C'est ça votre devise ? demande Sophie.
— Tu connais ? demande Vincent.
— Bien sûr ! Sophie.
— Tu choisis, vis et pince ou chaussure. »
Regard intrigué de Sophie. Sans plus d'explications, interrompant la préparation des premiers cocktails Vincent ôte une de ses baskets et se met à donner plusieurs coups sur le cul de la bouteille. Le bouchon cède et Vincent peut servir le premier verre de la soirée. Il finit les cocktails, et ils peuvent trinquer à leur première soirée.
« Tu étais sérieux tout à l'heure en parlant d'une école journalisme ? demande Sophie à Diallo en se tenant accoudée au bord de la fenêtre du balcon, le verre à la main et regardant la rue s'animer.
— Oui j'y pense sérieusement. Toi aussi, t'y penses ? lui demande Diallo.
— Pourquoi pas ! répond Sophie.
— On parle de quoi, demande Vincent revenant et voyant l'air sérieux pris par ses deux amis.
— Notre avenir ! lui répond Sophie
— On va être des putains de journalistes ! dit avec enthousiasme Diallo.
— "Ojala!", on a dit pas de sujets sérieux ce soir. Notre avenir, notre horizon se limitent à dimanche soir. Au-delà, aucun plan ! Compris les amis ?
— C'est vrai, on a tout le temps, répond Diallo en glissant la main dans sa poche pour prendre nouvelle du dernier message arrivé. »
Nathalie ? Non ! Mais son père qui vient de lui envoyer un nouveau message. Regard furtif de Diallo, aller-retour entre ses amis et l'écran de son téléphone. Fractions de seconde pour passer de l'agacement à la dissimulation. Y penser plus tard, y penser plus tard...
« Quelque chose ne va pas ? demande Sophie.
— Tout va pour le mieux. Levons nos verres à notre weekend, qui va être une tuerie ! Et que la fête commence les amis ! reprend Diallo.
— Voilà des paroles que je kiffe entendre ! »
Premiers verres, premiers cocktails, premières griseries, premiers sons...
« On se déguise alors !? Lance Diallo.
— T'es sérieux ou déjà bourré ? demande Vincent en fixant les yeux de Diallo.
— Pourquoi pas en scout justement ? Réplique Sophie.
— Tutu ! ... Très mauvaise idée, reprend Diallo.
— Alors en quoi ? interroge Sophie
— T'inquiète ! On a encore le temps. La nuit ne fait que commencer ! répond Diallo.
— C'est vrai la soirée commence. Et à votre avis, elle ressemblera à quoi ? demande Sophie.
— À une soirée de fin d'année ! En plus, y aura Marie, finit par leur avouer Vincent.
— Marie !? s'exclame Diallo surpris d'entendre ce prénom, encore, dans la bouche de son pote.
— Oui, Marie !
— Son grand amour !? Complète Sophie. »
Marie, l'ex de Vincent. Ce fantôme qui fait des allers-retours dans sa vie. Marie et Vincent, une histoire encore brûlante, et qui avait pollué, par intermittences, leur période de révision. Régulièrement, Vincent harcelait ses deux amis, sur cette relation qui ne voulait pas mourir. Diallo, lui avait donné pour conseil : « Quand c'est fini, c'est fini ! Passe à autre chose ». « Qu'est-ce que tu y connais en amour, toi monsieur plan d'un soir !? ». « Comme tu veux !? Mais ne m'en parle plus. », lui avait répondu son ami la dernière fois qu'ils en avaient discuté.
« T'es prêt à l'affronter ? demande Sophie à Vincent.
— Bah oui, c'est très bien. Y a plus rien. Je me blinde à la Diallo.
— Ça veut dire quoi ? Demande Diallo mi-amusé, mi-intrigué.
— Pas de sentiment, on serre, que du cul ? lui répond Vincent sur le mode interrogatif.
— C'est comme ça que tu me vois ! répond Diallo à l'affirmatif, non sans être intrigué.
— Un peu tout de même, t'es pas un grand sentimental.
— Et si je vous disais qu'un soir comme aujourd'hui, je cherchais le grand amour, la belle histoire... affirme Diallo.
— Pas crédible, lui rétorque Vincent.
— Pas crédible, reprend Sophie. »
Et ils rient ! Excitation du début de soirée, fenêtre ouverte sur la rue, et une nuit d'été qui débute. Les passants commencent à envahir les rues, les bars, et des bruits joyeux remontent du trottoir. Une de ces nuits où Paris a envie de fête, où l'on sait que le bruit sera toléré. Alors, ils n'hésitent pas à mettre la radio à fond ! Diallo tente de trouver la bonne station, le bon morceau pour ce before. Alors qu'il les parcourt sans trop s'arrêter, l'une d'elles crache : « C'est dans la galère que la go Antou m'a quitté oh ! ». Diallo s'apprête à changer à nouveau, mais Vincent l'arrête :
« Laisse, je kiffe ! dit ce dernier.
Diallo étonné:
— Si les blancs commencent à écouter des musiques d'Africains !
— Bah quoi, on n'a pas le droit ?
— Tu comprends les paroles au moins ? lui demande Diallo.
— Et toi ?
— Non, c'est vrai.
— Non, mais ça me donne envie de danser ! lui répond Vincent en levant le verre. »
Ils s'habillent au son de la musique, au rythme des premiers verres qu'ils se servent et qu'ils entrechoquent, en chantant : « Et on dit premier gaou n'est pas genou oh ! »
« En mousquetaires ! lance Sophie en levant son verre bien haut ! Et en laissant tomber quelques gouttes.
— Attention !
— T'inquiète, ça ne tâche pas.
— En mousquetaires ?
— Oui, nous sommes comme les trois mousquetaires. Inséparables depuis plus d'un mois.
— En fait, ils étaient quatre.
— On s'en fout, rabat-joie.
— Y'avait pas de femmes.
— Pas grave, on est au 21ème siècle.
— Toi, t'es déjà pompette. Mais bon un pour tous, tous pour un, c'est ça ? »
Le pari lancé un peu plus tôt au Bois de Vincennes commence à prendre forme. Des messages en signe de retour. Pour le moment, ils ne savent ni où, ni comment, ils organiseront cette. Mais une finale de l'Euro, entre potes, un dimanche soir, avec un barbecue géant, ça ne se manque pas. Pour les modalités, oui ils verront plus tard. Encore quarante-huit heures. Pour le moment, place à la fête du vendredi ! Diallo en oublie presque cette réponse au contact de son père : Londres, « to go or not to go » - y aller ou ne pas y aller ? À cet égard, il dispose encore de ces précieuses quarante-huit heures. Pour ce soir, place à cette soirée chez Xavier ! Tout entier dans l'instant, avec ces deux amis du weekend. Oublier papa, et Caroline, même s'il ressent un petit regret. Il aurait tant aimé...
« On est prêts ?
— Toujours prêt, répond Vincent
— Attendez mon téléphone... répond Diallo
— T'es chiant avec ton tel... rétorque Vincent
— C'est ma vie ! continue Diallo en revenant rapidement du salon.
— Ta vie, elle est là ! Un pour tous... alors que Sophie tente de fermer la porte...
— Tous bourrés... ! Vincent
— C'est déjà le cas ! finit Sophie »
Et ils s'en vont commencer leur nuit.