Anya avait cessé de pleurer de joie. La tour de Sauron s'effondrait, mais elle ne tomberait pas seule. La Montagne du Destin s'embrasait, explosant en coulées de lave, et c'était le point final de l'aventure de Sam et Frodon. Elle ne put contenir un cri d'effroi en voyant une énorme effusion de cendres émaner de ce qu'il restait de la montagne. Elle mit une main sur sa bouche, et on entendit plus que de maigres sanglots étouffés. Merry et Pippin pleuraient dans les bras l'un de l'autre, Gimli et Aragorn regardaient la scène, effarés, et Legolas ne tentait même pas de dissimuler sa tristesse. Anya ne pouvait même plus bouger. Elle fixait le sol, taché par endroit de petites tâches humides qui n'étaient autre que ses larmes. Elle enfonçait ses ongles dans la terre, repensant à ses deux amis. Leur joie de vivre, leur sourire, la cuisine de Sam, leur complicité, et bien sûr, leur courage. Celui qui les avait menés à la mort. Anya n'avait rien pu faire pour les protéger. Ils s'étaient sacrifiés. Penser qu'ils ne reverraient plus jamais la Comté qu'ils aimaient tant, et que Bilbo ne pourrait plus jamais embrasser Frodon lui était insupportable. Elle se mit à frapper violemment le sol, pour épuiser sa rage, qui lui paraissait intarissable. Legolas posa une main sur son épaule, tout en regardant une volée de petits points noirs, dont un blanc, virevolter autours de la montagne. C'étaient les aigles et Halvan, menés par Gandalf. Il avait voulu tenter une dernière chose pour sauver leurs amis, mais les chances qu'ils aient survécus jusque ici et que les aigles puissent les retrouver étaient bien maigres.
Pourtant, c'est lorsque que revint Halvan, tenant dans chaque griffe Sam et Frodon, que l'espoir revint. Il les déposa délicatement au sol, devant Aragorn. Ils étaient sacrément amochés, mais ils étaient encore en vie. Anya remercia mille fois les Valars, avant de s'approcher du dragon blanc. Elle posa une main sur son museau et le flatta longuement. Puis, elle prit sa tête entre ses mains et le regarda droit dans les yeux :
- C'est un véritable adieu cette fois ? Elle esquissa un petit sourire. Merci pour tout mon ami, je ne t'oublierai jamais.
Le dragon posa son front contre celui de la jeune fille, et dans un formidable élan, s'élança dans les airs. Il tourbillonna jusqu'à ce qu'il ne puisse plus monter plus haut, et déploya ses ailes face au Soleil. D'un coup, il disparut dans une explosion de lumière. Des centaines de colombes se dégagèrent de la pluie scintillante qu'il laissait derrière lui. Il était parti, pour de bon. Pourtant, Anya regardait le ciel, un sourire paisible au bord des lèvres. Sa mission était finie, et il avait préféré partir. C'était sa décision. Et elle était certaine que, là où il était, il serait heureux. Qui sait, il rejoindrait peut-être Rhavan, Haldir, Théoden, Boromir, ses parents... Tant de personnes qui lui manquaient un peu plus chaque jour, et que Sauron lui avait prise. Cependant, elle s'était vengée, il ne gâcherait plus de vie, et tous pourraient à présent reposer tranquille.
Legolas se mit face à Anya, et passa une main dans les longs cheveux blancs de la jeune femme, avant de la regarder avec un air dubitatif :
- Ca va ? Lui demanda t'il, scrutant toujours son regard.
Pour seule réponse, Anya lui donna un sourire radieux, plein d'amour. Elle se hissa sur la pointe des pieds, posa délicatement sa main sur la joue de l'elfe, et l'embrassa tendrement. Legolas ne se fit pas prier pour lui rendre son élan d'affection, et serra le corps de sa bien-aimée, encore un peu plus contre lui. Cette fois, il ne risquerait plus de la perdre.
On entendit alors les bruyants applaudissements de Gimli, qui bien sûr n'avait été mis au courant de rien dans l'histoire, et qui riait à pleins poumons. Aragorn affichait un petit sourire narquois, qui pouvait aisément se traduire par un "je le savais ! ", et Merry et Pippin semblaient tiraillés entre leur envie d'en savoir plus, et leur raison qui leur intimait de se taire. Le choix du cœur prima finalement et, sur le chemin du retour, assaillirent Anya de questions, n'osant pas demander à Legolas. La jeune demi-elfe répondit joyeusement à chacune de leur questions.
L'armée des Hommes rentra finalement à Minas Tirith. La reconstruction des parties touchées par la bataille commença, lentement. Tous purent enterrer leurs morts dignement, et eux aussi, lentement se reconstruire. Celebrian, la jument offerte par Eowyn à Anya était revenue à sa propriétaire initiale, et Anya était résolue à lui laisser. Voyant que la jeune demi-elfe était une vraie tête de mule, Eowyn accepta, reconnaissante, et heureuse de revoir son amie vivante.
Les deux hobbits avaient été installés dans des chambres lumineuses, tout en hauteur de la cité. Gandalf les surveillaient nuit et jour, affirmant que leur état de santé était stable, et qu'ils se réveilleraient d'un jour à l'autre. Le premier à reprendre conscience fut Sam. Malheureusement pour lui, les deux personnes présentes dans sa chambre lors de son réveil furent Anya et le magicien. Persuadé que Gandalf et la jeune femme étaient morts en tombant dans les mines de la Moria, le petit homme avait cru arriver au paradis en revoyant ses deux amis. Pourtant, après moult explications, Sam fut contraint de voir la réalité. Il était bien vivant, dans un monde débarrassé de Sauron, et ce, en grande partie grâce à lui. Anya était folle de joie. Elle l'avait pris dans ses bras tant de fois quelle ne pouvait compter le nombre de ses embrassades. Alors qu'elle le laissait un peu respirer, elle ouvrit la porte de la chambre du hobbit, et hurla au reste de la communauté que ce dernier était réveillé. Bien vite, Merry et Pippin arrivèrent, suivi de près par Gimli, Aragorn et Legolas. L'elfe vint se placer aux cotés de sa compagne, la tenant par la taille. Il lui embrassa tendrement la tempe, et Anya émit un petit rire de bonheur. La scène n'échappa pas au regard de Sam, qui ne comprenait définitivement plus rien à la situation. Il détourna le regard, rougit de gène. Leur relation n'avait, de toute évidence, pas pu rester discrète, et Eowyn affichait des sourires satisfaits à chaque fois qu'elle les voyait. La jeune femme était d'ailleurs plus ravissante de jour en jour, et Anya soupçonnait Faramir d'y être pour quelque chose. En effet, elle avait vu plusieurs fois les deux jeunes gens ensemble, en tête-à-tête. Après tout ce qu'ils avaient vécu, ces deux-là méritaient bien un peu d'amour et de répit.
Quelques jours passèrent, et Anya lisait tranquillement un livre emprunté à la bibliothèque de la cité, pendant que Legolas et Gimli jouaient aux échecs, ou plutôt, pendant que Gimli perdait lamentablement, lorsque l'on entendit des cris et des rires de joies en provenance de la chambre de Frodon. Anya sauta sur ses pieds, attrapa Legolas par la main, et le tira à vive allure vers la porte en bois massif, grande ouverte. La joie était tellement intense, qu'aucun mot n'aurait pu parvenir à la décrire. Seuls les rires égaillaient la pièce alors que la communauté était réunie, enfin. Pourtant, quelqu'un manquait à l'appel. Ils étaient dix, neufs avaient survécu. Le souvenir de Boromir resterait pourtant à jamais gravé dans leurs mémoires.
Puis, vint le jour tant attendu du couronnement d'Aragorn. L'immense cour devant le château était bondée. Aragorn était à genoux, devant Gandalf, qui tenait dans ses mains une magnifique couronne argentée. Les deux hommes se souriaient mutuellement, dans un profond respect.
- Et voici venir les jours du Roi, annonça Gandalf, pour continuer plus bas, qu'ils soient heureux.
Il déposa l'imposante couronne sur la tête d'Aragorn, et celui-ci se releva, sous les tonnerres d'applaudissements de l'assemblée.
- Ce jour n'appartient pas à un seul homme... Commença-t-il. Mais à tous. Reconstruisons ensemble ce monde... Afin de pouvoir partager des temps de paix.
Une légère brise se leva, et l'Arbre Blanc, autrefois mort, déversa ses pétales sur les marches du château, où se tenait Aragorn. La vision était plus que féerique, et arracha une larme à Anya. Tout doucement, Aragorn entama une chanson :
- Et Eärello Endorenna utúlien... De la Grande Mer en Terre du Milieu je suis venu.
Sinome maruvan, En ce lieu je me fixerai, moi et mes héritiers,
ar Hildinyar tenn' Ambar-metta! jusqu'à la fin du monde.
Aragorn descendit lentement les marches, pour venir à la rencontre du peuple elfique, dont un petit groupe était présent. Il s'arrêta devant Legolas et Anya, et les prit un à un dans ses bras.
- Hannon le... Merci, dit-il, les larmes aux yeux.
Les deux amants échangèrent cependant un regard complice, avant de s'écarter, pour laisser passer une personne, dissimulée derrière un drapeau de soie blanc.
Un mélange de surprise et d'incompréhension se lisait dans les yeux du roi alors qu'il découvrait de qui il s'agissait. Arwen baissa la tête, en un signe respectueux, mais Aragorn lui saisit le menton, la forçant à le regarder. Un sourire se dessina sur le visage de l'elfe et, sans crier gare, Aragorn posa ses lèvres sur les siennes. Tout le monde applaudit, un sourire plaqué au visage. Elrond, quant à lui, était le plus heureux des elfes. Il voyait ses deux filles, au bras de ceux qu'elles aimaient profondément, et qui les rendraient heureuses.
Finalement, le couple royal s'arrêta devant les quatre hobbits. Ceux-ci firent une révérence devant leur nouveau roi. Pourtant, Aragorn leur intima de se relever :
- Mes amis... Ce n'est pas à vous de vous incliner...
Suite à ces mots, il posa un genou à terre devant les quatre petits hommes, et tous le suivirent. Les hobbits étaient rouges pivoines, ce qui ne manqua pas d'amuser Anya.
Après le mariage d'Arwen et Aragorn, la Communauté de l'Anneau se sépara. Gimli retourna auprès de sa famille, Aragorn et Arwen restèrent gouverner le monde des Hommes, et Anya, Legolas, Gandalf et les Hobbits firent un bout de chemin ensemble. Comme au bon vieux temps, ils se racontèrent des histoires, des blagues, des anecdotes. Anya ne pouvait s'empêcher de rire en voyant l'allure de ses quatre amis. Perchés sur leurs poneys, ils étaient habillés de riches et élégants habits, qui valaient bien toutes les prouesses qu'ils avaient accomplies lors de leur formidable aventure. D'après ce qu'elle saivait de la Comté, les hobbits n'aimait pas vraiment l'aventure, et la jeune femme s'amusait à imaginer les têtes que des centaines de petits Bilbo rabougris pourraient faire en les voyant arriver comme cela. Puis, il fallut se séparer, pour de bon. Les hobbits partirent de leur côté, tandis que Gandalf, Legolas et Anya se rendirent à Fondcombe.
Quelques mois plus tard, il fut décidé que le dernier départ pour les Havres Gris était imminent. Gimli avait été invité à prendre part à ce dernier voyage, mais il avait préféré rester auprès des siens. Pourtant, il était venu dire un dernier adieu à ses amis, tout comme les hobbits. La Communauté était réunie, pour la dernière fois. Ce fut une effusion de larmes de la part d'Anya et de ses petits amis, mais elle le savait, les temps des elfes était révolu, et elle n'avait plus sa place ici. Elle surveillerait la Terre du Milieu et sa magnifique nature lorsqu'elle serait bien installée aux Terres Immortelles, le Royaume Béni d'Aman, où son bateau les conduisait. Ainsi, elle pourrait visiter Valinor, et rencontrer son ancêtre, Yavanna. Une fois monté dans le bateau, on attendit Gandalf. Et, a la surprise générale, Frodon l'accompagnait. Anya le prit dans ses bras, heureuse de commencer cette nouvelle vie avec lui. Avant que le bateau ne démarre, le hobbit se retourna, et adressa un sourire, le plus merveilleux qui soit, à ses amis restés sur la rive.
Aux Terres Éternelles, Anya et Legolas s'installèrent parmi les elfes. Anya allait pourtant régulièrement à Valinor, trouvant dans son ancêtre une véritable amie. Les années se faisant, Aragorn et Gimli avaient pris de l'âge, et Gimli fut le premier à partir. Ce fut un choc pour Legolas, qui considérait Gimli avec une immense amitié. Puis ce, fut au tour d'Aragorn de s'éteindre, suivit par Arwen. Le deuil fut douloureux, mais tous se consolaient, car ils avaient vécu une vie merveilleuse, au service des Hommes et des habitants de la Terre du Milieu, car il faut le dire, durant le long règne d'Aragorn, la faune et la flore ne fut jamais inquiétée. Ce fut aussi le cas pour lors du règne de son fils. Pendant de longues années, Anya et Legolas vécurent de merveilleux jours, entourés de leurs amis et parents. Mais quelque chose clochait. L'humeur d'habitude si joyeuse d'Anya avait commencé à se ternir, puis, le corps de la jeune femme commença à s'affaiblir.
Plus le temps passait en Terre du Milieu, plus les Hommes oubliaient les Valars, et ne les voyaient plus que comme des mythes. C'est alors qu'ils ont commencé à ne plus croire en eux, et à profaner la terre qui est la leur. Anya voyait bien que tout ce qui se tramait n'amenait rien de bon. Les hommes anéantissaient ses forêts, traquaient ses animaux, et réduisaient la Terre en cendres. Pourtant, elle essayait de les prévenir par tous les moyens possibles que tout cela allait mener la Terre du Milieu à sa perte. Elle envoya, avec l'aide des Valars, des tempêtes, elle fit gronder la terre, déclencha des sécheresses... Mais rien n'y fit. L'Homme continuait de puiser inexorablement les ressources de la nature. Anya, déjà bien affaiblie par les atrocités que l'humanité avait causé à sa chère terre, utilisa ses dernières forces pour tenter de panser les blessures infligées à la faune et la flore par la sottise humaine, dans un dernier élan d'espoir. Legolas avait essayé de l'en empêcher. Si les hommes refusaient de comprendre les messages qu'elle leur lançait, elle ne pouvait rien y faire et elle devait cesser de se battre. Pourtant, Anya donna tout, jusqu'à son dernier souffle, pour tenter de sauver ce qui était si cher à ses yeux, jusqu'à ce que la démence humaine atteigne le point de non-retour, et quelle ne puisse plus rien faire. Elle n'avait pas réussi. La Terre du Milieu et ses habitants était perdue.
C'est ainsi, sur son lit de draps blancs, qu'Anya s'éteignit, sous la folie et l'oisiveté des hommes. Legolas l'avait accompagné jusqu'au bout, sans broncher, mais la voir ainsi, les yeux fermés à jamais, il ne pouvait le supporter. Il serra faiblement la main froide de celle qu'il aimait plus que tout dans la sienne, et s'étendit à ses côtés, dans une dernière étreinte, avant d'abandonner la vie. Une vie éternelle, pour quoi faire ? Après ce qu'il avait vécu avec elle, leur amour était inouï. Il savait qu'il ne pourrait pas vivre avec le poids de la mort de sa compagne. Il préférait, lui aussi, partir. Il avait décidé de laisser derrière lui ses amis, et la rejoindre, elle. Ils auraient pu vivre encore longtemps le parfait bonheur après avoir défait Sauron, mais ils ne s'imaginaient pas que c'étaient ceux qu'ils avaient sauvés qui deviendraient un jour, les destructeurs de la Terre du Milieu.
Dans une clairière perdue au milieu de la forêt de la terre d'Aman, pousse un gigantesque arbre blanc, où viennent se mêler les feuilles blondes d'un immense rosier, aux fleurs dorées. Dans ce sanctuaire, viennent se reposer toutes sortes de créatures. Animaux, elfes, hobbits... En dessous de ces deux amants entrelacés, sont érigées deux modestes tombes, où leurs racines respectives trouvent leurs origines. Ainsi, il furent réunis pour l'éternité.
Si l'on écarte un peu les feuillages, on peut lire sur les deux pierres :
"L'amour résiste à tout, même à la mort. Ils furent émerveillés de la belle aventure, qui les mena jusqu'au bout de la vie."
FIN
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