Chapitre 52 - Pendant la tempête, part 2

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Donc, qu'est-ce que Gaara savait au juste ? Impossible de se rappeler de ses mots exacts, mais pour une fois Hinata appréciait sa retenue. Elle se racla la gorge.

– Ça veut dire qu'on est... amis ? (Elle eut un rire nerveux.) Je sais que cette question est bizarre, je suis un peu perdue, j'étais très proche de... enfin assez proche... enfin on était amis quand tu étais Kahaen... non... ?

Le regard de Gaara la transperça.

– Je ne suis pas Kahaen.

– Je sais... mais toi tu savais qui j'étais alors... je suis... quoi pour toi ?

Sa bouche était atrocement sèche, son cœur cognait dans sa poitrine et elle était ravie d'être assise. Comment de simples mots pouvaient être si difficiles à prononcer ? Il contre-attaqua aussitôt :

– Si tu devais exclure définitivement Kahaen ou moi, lequel tu choisirais ?

Un silence tomba dans la chambre. Hinata soutint son regard quelques secondes puis se détourna et fit semblant de s'intéresser aux livres de mathématiques. Lui demander ce qu'elle était pour lui avait usé une bonne partie de son courage, impossible de lui avouer qu'elle le choisirait. De toute façon il ne la croirait pas sans explications.

Elle s'imagina lui avouer ce qu'elle ressentait pour lui et le vertige la terrifia.

– Oui, je crois qu'on devrait éviter ce genre de questions, murmura-t-elle avec un rire nerveux.

Pour dégeler l'atmosphère, elle eut la brillante idée de dériver la conversation vers les nouvelles classes de Switch World. C'était drôle de l'entendre parler d'une manière presque scolaire de quelque chose qui le passionnait. Assise en tailleur, elle le vit commencer à fatiguer. Contrairement à elle, il était installé contre la tête de lit et les coussins. Quand il cessa net de répondre, Hinata se redressa.

– Euh...

Toujours assise sur son lit, elle eut soudain la très forte sensation d'être une intruse. Gaara devait être exténué pour s'endormir comme ça, à côté d'elle, d'ailleurs elle aurait pu l'être aussi si elle n'avait pas été trop occupée à paniquer. Heureusement la porte de la chambre s'entrouvrit sur le visage de Temari. Tout doucement, Hinata bascula hors du lit et rejoignit Temari dans l'appartement sans faire de bruit, ce qui était facile vu qu'elle était pieds nus. La pluie ne tambourinait plus et dans la pénombre, les réverbères qui coloraient le ciel orageux se détachaient nettement. Hinata frissonna en entrant dans la cuisine ; le carrelage était glacé. Gardant la lumière éteinte, Temari lança dans un murmure :

– Désolée, je ne vous entendais plus parler, je voulais juste être sûre que tout allait bien. Je n'ai pas eu le temps de te le proposer tout à l'heure, mais tu peux prendre ma chambre pour dormir.

Au début, Hinata crut qu'elle voulait lui offrir une porte de sortie au cas où elle se sentait coincée, mais elle sentit vite qu'il y avait autre chose.

– Je t'ai pas mal observée pendant le dîner, reprit Temari. Tu m'as l'air très gentille et vraiment j'espère que tu ne te sens pas obligée de rester avec Gaara.

Hinata fronça les sourcils. Encore.

– Obligée ?

– Il peut être intimidant. Je sais aussi qu'il n'est pas le plus tendre ; disons que j'ai déjà eu l'occasion de le voir agir avec toi.

Comme Hinata nageait en pleine confusion, Temari fit une petite pirouette de la main et s'inclina.

– Ma dame, ajouta-t-elle en prenant un ton exagéré.

– Qu-quoi ? McElwë ?

– Oui, oui, chut, murmura Temari en jetant un coup d'œil vers le couloir. Quand Gaara a commencé à jouer, j'étais curieuse alors j'ai testé aussi. On va dire que j'ai été convaincue. Par contre il ne sait pas que j'ai un avatar, donc baisse d'un ton.

Hinata acquiesça. McElwë était une fille en fin de compte. C'était peut-être ça qu'il entendait par « être qui on voulait », y compris un chevalier qui agaçait sa guilde entière avec une attitude bien trop sophistiquée.

Ça expliquait aussi pourquoi Temari semblait en savoir autant sur eux. La dernière fois qu'elle avait parlé avec McElwë, c'était juste avant qu'elle provoque Gaara en combat parce que la tension entre eux devenait insupportable. Forcément si elle avait gardé cette image-là...

– Bref, balaya Temari avec un geste de la main. En tout cas si je peux faire quoi que ce soit, n'hésite pas.

À sa façon de parler, Hinata devina qu'elle la voyait comme une fille timide coincée dans une relation toxique et qui n'osait rien dire.

– Ce n'est pas la peine. Comment dire... peut-être que Gaara manque de tact des fois, mais, enfin je suis désolée, mais vous n'en avez pas beaucoup non plus avec lui, même maintenant. J'apprécie que tu veuilles m'aider, mais tu es sa famille, non ? C'est de son côté que tu devrais être.

Hinata se détourna en frottant les bras autour d'elle, le cœur battant à tout rompre. Il gelait dans cette cuisine. Au bout de quelques secondes, Temari émit un « Hmm » pensif.

– Si tu es McElwë je me souviens de la dernière fois qu'on s'est croisé...

Hinata s'interrompit, elle n'avait pas la moindre envie de se justifier. Ce qui se passait entre Gaara et elle ne regardait qu'eux après tout.

– Oui, je me souviens bien aussi. Ce n'est pas comme s'il avait un caractère facile, qu'est-ce que tu lui trouves, exactement ?

Pourquoi est-ce que personne ne semblait jamais prendre sa défense ?

– Mais Gaara est incroyable, répondit-elle en baissant la voix. Il résout des problèmes et élabore des attaques en quelques secondes, même moi j'ai dû mal à lui tenir tête en combat. Et puis dans les jeux c'est facile de se confronter aux autres, sans les conséquences, lui il reste égal à lui-même même en vrai.

Il avait affronté Orochimaru et la bande de Karin et il l'avait fait seul, pour elle. Elle se mordit la joue pour étouffer une bouffée d'espoir. Gaara ? Non, impossible.

– Je ne serai jamais comme lui... j'aurais aimé avant, mais de toute façon j'aime bien... j'aime bien qui je suis devenue à son contact.

Toutes les fois où Kahaen (et même Gaara) avait trouvé les mots justes pour lui redonner confiance. Peut-être pas de la façon la plus délicate qu'il soit, mais il la comprenait au moins autant qu'elle le comprenait.

– Et puis cette histoire de caractère facile... je ne l'ai jamais trouvé difficile à aborder, c'était plutôt moi qui rendais ça difficile parce que... c'est toujours un peu intimidant de lui parler. Il n'y est pas pour grand-chose.

Ses joues la brûlaient lorsqu'elle acheva sa tirade et elle n'avait plus si froid malgré le carrelage sous ses pieds. Tout ce qu'elle espérait, c'était que Temari l'entende, y réfléchisse et si elle avait de la chance, change un peu son attitude. Ça ne résoudrait pas leurs conflits d'un coup de baguette magique, mais avoir une famille autour de soi changeait beaucoup de choses. Elle l'avait découvert récemment et elle le lui devait en partie.

– Bouge pas, dit finalement Temari en lui donnant une tape sur l'épaule, je vais te chercher des chaussettes avant que tu meures de froid.

Restée seule dans la cuisine sombre, Hinata se mit à fixer le morceau de mur en tentant d'évaluer si elle avait parlé assez bas. Chaque tic-tac de l'horloge la mettait un peu plus mal à l'aise. Gaara dormait et elle avait chuchoté. Une sueur froide roula le long de son dos alors qu'elle tentait de se rappeler si elle avait refermé la chambre derrière elle. Elle mimait le geste d'une poignée qu'on tire quand une silhouette passa l'encadrement de la porte. Temari avait fait sacrément vite.

Sauf que non.

Ce n'était pas Temari.

C'était Gaara et il croisait les bras.

– Tu trouves ça intimidant de me parler ?

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