Chapitre 2

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Andie

Avant d'aller chez elle, je décide de souffler, de profiter. J'ai envie de manger et boire tellement de choses que je ne sais pas par où commencer, mais je n'ai pas les moyens de me payer un restaurant.

Il me reste peu de possibilités. J'achète un hamburger, des frites et du coca à l'emporter, puis descends jusqu'au bord du lac.

La ville est si vivante. Une véritable fourmilière toujours en activité et j'adore ça. Les véhicules et les deux roues se croisent dans tous les sens, entrecoupés par des piétons. Des coups de klaxons sont fréquents. La nuit, c'est un autre monde qui se dévoile.

Je souris en mangeant, assise sur le quai où j'apprécie chaque bouchée. Mes jambes pendent dans le vide. Mes yeux s'égarent sur la surface presque inanimée de l'eau du lac Léman, sur les quelques bateaux qui naviguent, puis sur le paysage. J'attends ce moment depuis des lustres. Un sentiment indescriptible m'envahit, mélange de bonheur, de peur, d'inquiétude et d'excitation.

Mon repas terminé, je remonte les rues pendant vingt minutes, jusqu'à arriver devant le bel immeuble victorien. Plein de souvenirs de nos soirées me reviennent. Je m'approche et suis soulagée de trouver son nom sur la boîte aux lettres. J'entre le code sur le clavier et constate qu'il n'a pas été changé puisque la porte se déverrouille. Mes pas me mènent jusqu'à l'ascenseur, puis dans le corridor où je sonne à sa porte. Pas un bruit ne me parvient. Je n'ai aucune idée de l'heure qu'il peut être, mais elle doit être au travail.

Ne sachant pas où aller, ni que faire, je m'assieds à même le sol et patiente. Je me perds dans mes pensées pendant, je suppose, deux bonnes heures, jusqu'à ce que l'ascenseur s'active. En alerte, je me relève. Ma main remet mes cheveux en place, puis défroisse mes habits. Quand les portes s'ouvrent, j'inspire fortement.

Mon amie de toujours a les yeux rivés sur son natel. Son style vestimentaire est le même que dans mes souvenirs : chic et décontracté. Elle fait un bond en arrière lorsqu'elle me rentre dedans.

— Bon sang, vous...

Ses gestes se figent quand elle me reconnaît. Ses yeux s'écarquillent, sa bouche reste entrouverte et son natel s'écrase par terre. Je lui souris timidement et me pince les lèvres en frottant nerveusement mes mains entre elles, avant de ramasser son téléphone. Mon cœur bat à vive allure tant je redoute sa réaction.

— Salut, lancé-je.

Sans dire un mot, elle m'analyse. Ses prunelles commencent à s'humidifier, tout comme les miennes. Elle me saute littéralement dessus en hurlant.

— T'étais passée où, bordel de merde ? crie-t-elle en s'écartant. Tu ne m'as jamais répondu, ni donné de nouvelles. Je me suis inquiétée pendant des semaines ! Je n'osais pas aller demander à ton père, à cause du gang. Personne de la bande ne savait où tu avais disparu. Comment t'as pu me faire ça, putain ? J'ai eu si peur pour toi !

Elle est complètement hystérique.

— Coline, calme-toi, je t'en prie. Je vais t'expliquer, dis-je d'une voix douce, les mains posées sur ses épaules.

— Je n'arrive pas à le croire. T'es là, devant moi.

Nos larmes de joie se mêlent. Maladroitement, elle ouvre sa porte et je la suis. Rien n'a changé dans son salon, tout est exactement comme dans mes souvenirs : les mêmes photos au format Polaroid décorent le mur de l'entrée. Heureuse, je découvre que j'y suis toujours. Son fidèle canapé bleu, accompagné de coussins blancs, trône au milieu du salon et même l'odeur de la pièce n'a pas changé.

Je garde mes bras croisés et reste stoïque.

— Ben alors, tu ne sais plus où poser tes fesses ? se moque-t-elle.

Andie [Édité]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant