Calendrier de l'Avent 2021

Naissance d'une vocation

1926

Je me souviens que maman me disait de ne pas prêter attention aux apparences et à ce que les gens racontent, car la plupart du temps, c'est une vision tronquée de la réalité, biaisée par un jugement en fonction des valeurs et principes de chacun. J'ai toujours fait attention à appliquer ce conseil. Malheureusement, l'humain aime mentir et déformer la réalité. Je les ai toujours trouvés trop complexes et souvent faux. Ils n'aiment pas entendre ce qui ne va pas dans leur sens, qui contredit leur façon de penser, qui les gêne tout simplement.

Depuis l'enfance j'ai toujours été sincère, je ne veux pas déguiser qui je suis. Je sais qu'à Poudlard cela en a dérangé plus d'un. Mais c'est également de cette façon que Leta et moi sommes devenus amis à l'époque. Ils avaient tous une vision prédéfinie de nous deux. Elle était la méchante serpentarde et j'étais le mec bizarre qui avait une passion dérangeante pour les bestioles.

D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été fasciné par les animaux, fantastiques ou pas d'ailleurs. Maman avait un élevage d'hippogriffes domestiques. Ces créatures majestueuses étaient mes amis, j'ai grandi avec eux, avec les adultes comme les jeunes. Au début, je pensais que je reprendrais l'élevage familial après Poudlard. Je connaissais le moindre détail sur ces chevaux à moitié aigle et leurs habitudes de vie, les soins à leur apporter. Bien entendu, je m'intéressais à d'autres créatures, tout me fascinait, c'est comme découvrir un nouveau monde à chaque fois, l'espèce, leur vie, leur régime alimentaire, les parades nuptiales, leurs habitats, leurs aptitudes spécifiques.

Mais le jour où j'ai compris que l'élevage ne me suffirait pas, c'était le jour de Noël de mes dix ans. J'avais reçu un livre qui détaillait les différentes espèces de dragons avec pleins de photos de ces derniers. Mais surtout, on m'a offert un boursouflet. Cette petite boule de poils mauve sautillait sur mon épaule et se cachait dans mon cou pour se faire câliner. Elle était adorable. Je ne connaissais pas grand chose de cette petite créature, mais ce fameux 24 décembre, je me suis endormi avec. Quelle ne fut pas ma surprise d'être réveillé le 25 décembre par une boulette mauve poilue pépiant à tue-tête des chants de Noël avec sa petite voix fluette. Je pense qu'à ce moment-là, mes yeux étaient grands ouverts, au moins autant que ma bouche. Je pense avoir scruté les moindre détails de sa joyeuse danse sautillante, analysé tous les chants qu'elle a pu chanter au cours de la journée. Je me souviens qu'à plusieurs reprises ma famille m'a fait une remarque sur mon comportement étrange. Ce n'était qu'un boursouflet après tout. Tous ne comprenaient pas mon émerveillement devant cette petite créature qui ne semblait pas vouloir arrêter de piaffer des cantiques. Tous, sauf ma mère. Ils disaient que ce n'était qu'une créature magique, telle une peluche, pour les enfants et les jeunes filles, pas de quoi affoler un fléreur.

Cela ne m'avait pas atteint tout de suite, trop absorbé par mon petit boursouflet, que j'avais prénommé Pike. Mais quand enfin j'avais compris le sens des mots que ma famille avait répétés toute la journée, le choc fut énorme. Comment pouvaient-ils réduire un être vivant magique avec cette aptitude incroyable au rang de peluche pour enfant ? Comment cette petite boule de poils pouvait-elle connaître autant de chants de Noël, d'où les connaissait-elle puisque c'était son premier Noël ? Pourquoi elle chante le 25 décembre uniquement, comment sait-elle que nous sommes le 25 décembre ?! Tant de questions, tant de recherches en perspective !

J'ai su à ce moment-là, que je voulais découvrir tous les secrets de mon boursouflet et des autres créatures magiques pour prouver au monde sorcier qu'elles sont fascinantes et méritent notre considération. C'est aussi ce jour que j'ai compris à quel point la plupart des humains sont imbus d'eux-mêmes et se croient supérieurs à tous. Mais ils sont dans l'erreur, nous avons tellement à apprendre de ce qui nous entoure.

Je souris en repensant à Pike. Je l'ai emmené partout avec moi, notant dans un carnet toutes les informations que je pouvais trouver et ce que je constatais de mes yeux au fil des mois, oubliant que des enfants de mon âge m'entouraient, me montraient du doigt car j'étais différent d'eux. J'étais le Poufsouffle au boursouflet. Ils se moquaient de moi car j'étais un garçon et que "les boursouflets c'est pour les filles". Je n'ai jamais trouvé un grand intérêt à mes semblables du coup.

Mes yeux sont toujours fixés sur la petite boule d'un rose pâle sur l'épaule de cette jeune fille. Aujourd'hui je vis mon rêve, je parcours le monde pour rédiger un manuscrit sur les animaux fantastiques. Je vais pouvoir transmettre tout ce que je souhaite sur ces derniers et prouver au monde sorcier que ces créatures méritent notre considération et notre respect, qu'elles sont fascinantes.

Mon sourire s'étire un peu plus dans ce ferry qui me mène à New York, j'aime ce que je fais, bientôt le monde pourra voir ce que moi je vois quand je regarde ces créatures magiques. Le déclic de ma malette résonne près de moi. Je la porte sur mes genoux et m'adresse à mon niffleur récalcitrant

- Doogle, tiens-toi tranquille s'il te plaît. Ça ne sera pas long.

-Marianne-