CHAPITRE 6

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Je me levai, pris mon téléphone, regardai l'adresse, puis pris la route. Il fallait que je le fasse, depuis longtemps que j'en avais le désir brûlant. Je pris le bus pour me rendre à l'adresse de Lisa. Le trajet fut assez long, car elle habitait dans l'un des plus beaux quartiers résidentiels de la ville.

Soudain, je sentis mon rythme cardiaque s'accélérer. Plus j'avançais, plus mon cœur s'affolait. J'avais l'impression de pouvoir la croiser à chaque coin de rue. Plus je m'approchais, plus le malaise montait. La détermination que je montrais tout à l'heure avait disparu dès ma descente du bus.

À ce moment-là, il n'y avait que le doute qui m'animait. Mon corps se mit à trembler. J'oubliais tout ce que j'avais prévu de lui dire. Un vent violent passa soudainement, et je me sentis tétanisé, figé là sur le trottoir, le regard dans le vide, la peur au ventre, le corps tremblotant. J'étais pratiquement à la moitié du chemin.

- Qu'est-ce que je m'apprêtais à faire ?, me suis-je demandé. Je pivote sur moi-même et fis demi-tour. Je n'avais plus le courage de pouvoir me tenir face à elle. Si je réagis ainsi avec juste l'éventualité de la revoir en tête, comment réagirais-je quand je la verrais pour de vrai ?

Mais ma discussion surprise avec Hina résonnait en boucle dans ma tête. Le Tryo que j'étais il y a quelques années ne se serait jamais retourné face à une telle situation. J'étais têtu, rien ne pouvait m'arrêter une fois lancé.

Mais ça, c'était il y a des années. Je m'arrêtai au coin d'une rue. J'étais en train de refaire le trajet que j'avais fait à l'envers. J'étais épuisé, j'avais soif. Juste devant moi se tenait une station-service. Je me rendis à son mini-market pour acheter de l'eau.

J'étais à présent bien loin du domicile de Lisa, donc l'éventualité de la croiser me quitta. J'étais plus concentré sur le manque de confiance immense que j'avais envers ma personne que sur autre chose. Une fois dans la boutique, je me dirigeai tout au fond dans les rayons des boissons fraîches.

Arrêté devant ce frigo immense, vitré, et malgré la soif qui m'accablait, j'étais perdu. Je ne savais pas quoi boire. Je pris alors une bouteille d'eau en jetant un coup d'œil sur ma droite. C'était le rayon alcool. L'envie ne se fit pas prier, je n'hésitai même pas. Mes nouvelles résolutions venaient d'être balayées par l'état dans lequel je me trouvais. Je n'avais pas la tête à penser.

Je pris une bouteille d'alcool et d'eau, et passai à la caisse. Une fois dehors, je m'assis sur un banc non loin de la station-service. Après avoir bu l'eau, j'ouvris la bouteille d'alcool. Je sentais son odeur, cette odeur que je qualifierais d'aigre et douce à la fois. La bouteille toucha ma bouche, et ce fut le retour de mes vieux démons.

Après 30 minutes à boire, je me sentis à nouveau lamentable. C'est maintenant que je commençais à ressentir de la culpabilité pour ce que je faisais. Je lâchai une ou deux larmes. Je me sentais si pathétique.

- Pourquoi ? Pourquoi ? me mis-je à penser à tellement de choses à la fois. Toutes les confessions avec ce cher Collet qui n'ont mené à rien, celle avec cette chère Muriel qui m'a donné le désir de vouloir passer à autre chose, ma conversation tout à l'heure avec Hina qui malgré tout ce temps avait remarqué immédiatement que quelque chose s'était cassé en moi.

- Que penserait Muriel si elle me voyait là maintenant ? me demandai-je. Je fermai le reste de l'alcool et le mis dans un sac en papier.

Je décidai alors de rentrer, puisque j'avais échoué à aller voir Lisa. 

- Il faut que je retrouve ma lumière..., me mis-je à marmonner subitement pour une raison que j'ignore.

Une fois debout, au lieu de reprendre le chemin de ma maison, je pris à nouveau celui de Lisa. Je ne savais pas pourquoi. Mon courage était-il revenu ? C'était dû à l'alcool ? Je ne savais pas, mais j'avais qu'une seule envie dans cet état : lui parler.

Un pas après l'autre, je marchais sans vraiment réfléchir. À ma grande surprise, j'avais dépassé l'endroit où j'avais fait demi-tour tout à l'heure. La maison qu'indiquait l'adresse n'était plus qu'à deux pâtés de maisons. Mes pas se firent alors moins vite, la tension remonta dans mon cœur. Mais j'étais sûr d'une chose cette fois-ci : je ne me retournerais pas.

Arrivé devant la maison, j'étais essoufflé. Il y avait deux voitures garées devant la porte du garage. C'était une belle villa, comme toutes les autres maisons du voisinage. Une villa sur deux étages, immense, avec un jardin.

Je m'avançai jusqu'au seuil de l'entrée et appuyai sur la sonnette. Au bout de 2 minutes, rien. Je m'avançai encore, appuyai sur la sonnette et reculai.

Cette fois-ci, si la peur et l'angoisse avaient disparu, il n'y avait que de la colère et de la haine au fond de moi. J'étais brûlant. La tension monta lorsque soudain, je sentis la serrure s'ouvrir. La porte suivit quelques secondes plus tard. Une fois ouverte, j'étais face à elle. C'était bien elle. Je fis un pas en arrière, sentis mon cœur s'affoler, l'air se raréfier, mes yeux se baigner de larmes et une ou deux larmes tombèrent, mes jambes tremblaient, j'avais le vertige.

La bonne nouvelle, c'est qu'elle avait l'air encore plus surprise que moi. Si je n'étais pas si mal, je me serais moqué de la tête qu'elle faisait. Elle ferma la porte derrière elle et s'avança.

SAYONARA (ADIEU)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant