Chapitre 20. Le spectacle n'est pas fini...

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Le train arrive à la gare du District Douze en fin d'après-midi. Le soleil, bas dans le ciel, est dissimulé sous des épais nuages maussades qui ne semblent pas presser de se retirer. Malgré ce temps morne, Haymitch est d'humeur radieuse. Il a tellement hâte de se jeter dans les bras de sa mère, serrer fort son petit frère contre lui et embrasser Julia jusqu'à ce que le souffle lui manque. Il trépigne d'impatience, le visage collé à la large fenêtre et son cœur fait des petits bonds lorsqu'il reconnait le paysage familier de son District. Il n'écoute que d'une oreille distraite les instructions de Salvina qui lui explique dans les moindres détails comment va se dérouler son arrivée.

« -... serons escortés jusqu'à l'hôtel de ville où le maire en personne nous accueillera et nous offrira le dîner. Bien évidemment, des caméras suivront notre... »

Haymitch s'agite lorsqu'apparaît le quai et que le train commence à ralentir. Il remarque que des barrières et des Pacificateurs ont été disposés aux abords de la gare afin de contenir la foule de curieux qui s'est déplacée pour observer l'arrivée de leur champion. L'ex-tribut scrute l'assemblée, à la recherche de visages familiers. Il repère quelques têtes ; des camarades de classe, des voisins, des commerçants, mais pas de trace de sa famille, ni de Julia. Peut-être ont-ils été conviés chez le maire, pour l'accueillir ? Haymitch a du mal à masquer sa déception cependant. Il ressent le besoin irrépressible de retrouver ceux qu'ils aiment, pour s'accrocher à quelque chose d'autre que ces sentiments affreux qui hantent son esprit depuis qu'il est sorti de l'arène.

Le train s'arrête et Salvina demande au garçon de la suivre. Elle semble excitée alors que lui ne ressent rien d'autre qu'une impatience irritante. Ils sortent de leur wagon et Haymitch repère aussitôt une équipe de tournage qui braque leur caméra sur lui. Il les ignore, se sentant mal à l'aise et nauséeux à l'idée d'être encore sous le feu des projecteurs. Il se sent oppressé par l'emprise que les autorités de Panem ont sur lui depuis que son nom a été tiré au sort, emprise qui ne se cantonne visiblement pas au Capitole puisque, même ici au District Douze, Snow a trouvé un moyen de le garder sous son joug. Le garçon n'aime pas ça.

Salvina le presse car il traîne des pieds. Cinq Pacificateurs les encadrent et les guident jusqu'à la gare. Haymitch entend la foule murmurer sur son passage. Son sentiment de malaise est décuplé en constatant qu'aucune holà ne lui est accordée, seulement des chuchotements curieux et des regards insistants. Que peuvent-ils bien penser de lui ? Il respire mieux quand il pénètre dans le bâtiment de la gare mais n'a pas vraiment le temps de reprendre ses esprits puisqu'on le mène sans tarder jusqu'à une navette qui le conduira à l'hôtel de ville. Un véhicule blindé les escorte tout le long du trajet et, à travers la vitre teintée, Haymitch observe des Pacificateurs arpenter les rues pour chasser les habitants trop fouineurs qui tentent de s'approcher du cortège. Il faut dire que c'est la première fois que le Capitole conduit autre chose que des corbillards jusqu'à l'hôtel de ville une fois les Jeux terminés.

Haymitch s'impatiente et il ne parvient pas à chasser le trouble qui le malmène depuis son arrivée ici. Son excitation a l'idée de revoir ses proches a largement diminué, au profit d'un sentiment désagréable d'être mené à la baguette par le Capitole. Quand le véhicule qui l'a transporté jusqu'au centre du District s'arrête devant l'hôtel de ville, il lui prend une brutale envie de s'échapper pour rejoindre la Veine, où il pourra retrouver sa famille sans se coltiner les caméras et les incessantes recommandations de Salvina. La délégation de Pacificateurs qui l'attend au pied du luxueux bâtiment surplombant la grande place du District le dissuade de tenter quoi que ce soit. La troupe de reporters du Capitole est arrivée avant eux et interviewe le maire, Tuppen Pearson. Ce dernier a revêtu un costume flambant neuf pour l'occasion et sourit sans vergogne aux caméras.

« -Et voilà notre héros ! Monsieur Abernathy, approchez, je vous en prie ! »

Pearson lui fait signe de le rejoindre et passe une main affectueuse autour des épaules du garçon, comme s'ils sont des amis de longue date, le tout sans adresser de véritables regards à Haymitch. Visiblement, les caméras l'obnubilent bien plus que le tribut victorieux, qui ne s'en formalise pas. Il tâche de conserver un visage nonchalant et adopte une voix détachée lorsque la femme chargée des interviews lui demande de commenter son retour chez lui. Il répond brièvement qu'il est content et soulagé, sans s'étendre. Le maire remercie la journaliste et invite le jeune homme à le suivre. Ils grimpent les marches de l'hôtel de ville puis arrivent dans le hall d'entrée où, aussitôt, des odeurs délicieuses parviennent aux narines d'Haymitch. Bien loin de se laisser séduire, le garçon perd patience et prend à partie le maire :

Les Jeux de l'Expiation [Hunger Games]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant