5. Trésor chinois sous une brosse noire

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De l'ombre naît la lumière. De l'obscurité jaillit la vie. Ou quand le noir et le blanc se complètent dans une oeuvre d'art... Histoire d'un coup de coeur artistique...

Au début, dans ce hangar industriel, il n'y a rien d'autre qu'une main suspendue au-dessus du vide de l'inspiration. Il n'y a rien d'autre qu'un homme face à sa toile géante XXL. Seul le silence pénétrant touche les quatre murs du bâtiment, dans l'attente de la magie du coup de génie, dans l'attente de la création.

Puis, le ballet aérien des échelles et des brosses se met en scène, tout doucement, sans faire trop de bruit, presque religieusement. Les contours sont flous, les reliefs incertains, les lueurs grises et blanches posent des touches interrogatives au coin du tableau. On ne devine rien, si ce n'est la force du coup de trait noir sur la toile, encore vierge de sens.

Les roues de l'échelle grincent, les sceaux de peinture, noirs et blancs, se vident et se remplissent. Quelques fois, l'artiste recule, prend la pause et respire son inspiration à travers un éternel cigare. Il se rapproche, scrute, observe son oeuvre, tranquille, serein. Parfois, il efface, recommence, recherche l'expression parfaite de la lumière. Force tranquille au milieu du hangar, c'est son être tout entier qui habille, d'un film de sagesse, l'atmosphère de cet atelier. Avec patience et sérénité, tel un bouddha tranquille et souriant, il trace sur la toile, le fil de la vie relié au bout de sa main.

Et le miracle s'opère : d'un coup de brosse noire, les ombres prennent forme et s'élancent, majestueuses, sur l'immensité de la toile blanche. 

Là,  les contours des cheveux gris de sa mère prennent vie, les ombres sortent de la pénombre et deviennent des silhouettes vivantes qui s'avancent autour de la mère aimée. Dernier hommage d'immortalité, d'un fils à sa mère, tracé là par miracle sous les coups énergiques des brosses.

Ici, les montagnes nous appellent à la sérénité. De l'autre côté du hangar, sa mère regarde son fils - ou serait-ce son fils qui regarde sa mère? Du haut de ses derniers instants de vie, elle souffle sa lumineuse présence dans cette toile immense. 

L'artiste goûte au parfum de l'éternité, d'un amour maternel puissant, trésor chinois révélé sous une brosse noire, une magnifique fleur posée sur le coeur de sa mère. 

Et le noir et le blanc surgissent et s'expriment dans leur parfaite luminosité.


Yan Pei-Ming, petit bout d'homme, Grand artiste, que je vous invite à suivre dans le documentaire de Michel Quinejure.

Crédit photo: Michel Quinejure



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