Chapitre 28 - Union forcée (Partie 2)

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Lorsque la panique menaça de submerger Flore, elle ferma les paupières pour ne plus voir le monstre. Et une image miraculeuse surgit dans son esprit : celle d'Akeno.

Tu es une Imlaya, une combattante expérimentée, l'admonestait-il. Formée par le meilleur des initiés, compléta-t-elle.

L'électrochoc lui fut bénéfique. En un éclair, la princesse sut comment se défendre, piéger l'adversaire. Elle baissa la tête et simula des frissons, les sens aux aguets. Si ses oreilles crissèrent quand le rire rauque de Xénon explosa, elles lui indiquèrent qu'il approchait. Cette fois, elle était prête pour la bataille.

Mais pas lui.

Au moment où il voulut la saisir, elle remplaça l'habituel bâton de combat par son pied, qu'elle projeta de toutes ses forces dans le ventre de son agresseur. Avec un cri de douleur, il se plia en deux et lui offrit sa nuque sur un plateau. Elle n'hésita pas une seconde. Ses bras rassemblés comme une massue assénèrent un coup précis.

Et le prédateur s'écroula au sol.

Sans quitter des yeux son visage, les doigts tremblants, Flore le fouilla après une clef, et ne récupéra qu'une électase. Bénissant son intérêt pour celle que Sojeyn avait ramenée au village involontairement, elle déclencha l'arme, puis attrapa son diadème avant de se précipiter vers la porte en bois du salon. Celle-ci ne résista pas à l'épée. Elle rejoignit ensuite le couloir principal du palais.

La princesse se faufila entre les piliers, longea les murs, en direction de la sortie, se cachant dès qu'elle apercevait un Astrydien. Jamais elle ne lui avait paru si éloignée. À chaque pas, elle semblait même reculer, devenir inaccessible ! Durant cette progression interminable, le monstre pouvait lancer l'alerte.

Alors qu'elle avançait vers l'ombre protectrice de la colonne suivante, une main lui agrippa une manche et la tira à l'intérieur d'un débarras plongé dans l'obscurité. Elle éleva aussitôt l'électase en un geste de défense.

— Arrête, c'est moi ! Tojian !

Méfiante, elle n'abaissa pas son arme, même quand une lumière éclaira le cagibi, projetée par un cylindre dans les paumes du jeune homme. Flore effectua une inspection minutieuse, déroutée par la longue cicatrice sur la joue et la simple tenue, loin de celles que son cousin portaient habituellement. Dès qu'elle le reconnut, elle rengaina l'épée, à moitié soulagée.

— Que fais-tu là ?

— Je travaille comme conseiller en mode et coutumes auroréennes pour Xénon et Xian. Afin d'être au cœur de la bataille.

La princesse demeura interdite. Tojian, prêt à combattre ? Un Auroréen pacifique respectant à la lettre les valeurs de la planète ? Elle nota les teintes des habits : jaune et rouge, les couleurs des Astrydiens. Elles confirmaient les dire du jeune noble.

Qu'en était-il de cette cicatrice, qui aurait été soignée si les kiriahs n'étaient pas bloqués ?

Elle se secoua, les explications viendraient plus tard, car à tout moment, ils risquaient d'être découverts. Les paroles de son cousin résonnèrent d'ailleurs en écho à ses pensées :

— Les portes du palais sont gardées, les identités contrôlées. Impossible pour toi de sortir.

Comment échapper à l'ennemi ? songea Flore.

Elle n'avait aucune envie de retomber entre les mains du monstre qui l'avait si bien dupé. La princesse fronça les sourcils : la solution se trouvait là, elle devait le leurrer à nouveau. Lui faire croire à leur fuite pour qu'il abandonne les recherches.

Mais en réalité, nous cacher et attendre l'instant propice.

Néanmoins, ce cagibi ne les dissimulerait pas éternellement. Un sourire illumina son visage. Elle connaissait le lieu, il ne restait plus qu'à le gagner sans être remarqués.

— Peux-tu m'apporter des vêtements semblables aux tiens ?

— Pas de souci, j'ai accès à toutes les pièces. Il vaut mieux que je t'enferme, répliqua-t-il en lui montrant un fin boîtier rectangulaire sombre de la longueur de sa paume.

Si l'absence de Tojian ne dura pas, elle ne retint pas un soupir de soulagement à son retour avant de s'habiller dans le noir, pendant que son cousin patientait à l'extérieur.

Flore quitta le débarras et jeta un coup d'œil aux alentours. Aucune activité ne régnait. Xénon n'avait pas encore dû reprendre connaissance. Le front baissé, elle s'engagea dans le couloir en direction du bureau de ses parents. Même si les Astrydiens croisés sur son chemin l'ignoraient, elle ne pouvait s'empêcher de trembler. Dès qu'ils la dépassaient, elle respirait mieux. Jusqu'au prochain.

Une crainte qui s'estompa sitôt à l'intérieur de la pièce, supplantée par un étau douloureux. La vue des meubles, l'odeur du bois ciré, avaient ravivé les images du passé. Elle se souvint des discussions passionnées au sujet d'Aurora, des rires partagés. Du bonheur perdu. Ses poings se crispèrent, et la rage repoussa sa souffrance.

Monstres, nous vous chasserons !

— Flore, lui murmura Tojian.

En découvrant ses prunelles remplies d'inquiétude, elle arbora un sourire de façade afin de le rassurer. Puis, sans hésiter, elle attrapa une sphère du comurion, la clef de la bibliothèque secrète, et la remplaça par une autre prise parmi celles rangées dans les armoires.

Elle emmena ensuite son cousin à l'étage, alors que les gardes s'agitaient soudain autour d'eux. Xénon avait sonné l'alerte. Heureusement, son leurre fonctionnait, et l'ennemi ne les arrêtait pas. Qui s'intéresserait à des serviteurs dociles, s'ils ne cherchaient pas à sortir du palais ?

Malgré cela, ses pieds désiraient accélérer sa marche, et elle dut se forcer à conserver une allure lente. À s'écarter pour ne pas gêner les Astrydiens, à feindre l'obéissance, tandis que son sang pulsait dans les veines.

Quand ils gagnèrent enfin la bibliothèque, elle apprécia le calme soudain, mais ne se reposa pas sur cette fausse sécurité. Quelqu'un risquait de surgir à tout instant, et fournir une excuse valable s'avérerait difficile.

Devant la tapisserie le long du mur au fond de la pièce, elle installa une table et des chaises par-dessus, avec l'aide du jeune noble de Borealia. La princesse grimpa sur la construction improvisée, son cœur battant plus vite à chaque obstacle franchi. Car elle comptait sur l'autonomie du mécanisme, même si les Auroréens ne pouvaient plus activer les perles.

J'espère ne pas me tromper !

Une fois parvenue au sommet de l'échafaudage précaire, Flore supplia Kilyan de l'aider pendant que ses doigts glacés présentaient la clef face à sa serrure. Une des fleurs de llyriah. Lorsque l'arc doré se forma, un énorme poids s'envola de ses épaules.

Elle dégringola de la construction et bouscula un Tojian statufié, la mâchoire décrochée. En deux, trois mouvements, ils rangèrent les meubles, puis empruntèrent le passage.

Qui se referma derrière eux dans un bruit agréable aux oreilles de la princesse.

Aurora T1 : Les Perles de Vie / Watty 2020Où les histoires vivent. Découvrez maintenant