Chapitre 1 - Anna

Depuis le début
                                    

- Parce que j'y jouais avec un pote une fois, et j'étais vraiment nulle.

- Et ce pote, c'est ton petit ami ?

Je suis un peu étonnée qu'il me pose ce genre de question, on ne se connaît pas. Drôle de façon de s'adresser à une fille lors de la première conversation. Je choisis délibérément de ne pas répondre et d'orienter la discussion vers un autre sujet.

- Alors...tu as déménagé dans le coin ?

- Oui, ce week-end justement.

- Oh, d'accord.

Sa réponse est plutôt concise, ce qui me fait rapidement comprendre qu'il ne va pas m'en dire plus.

On arrive devant le portail du lycée, il n'y a plus personne, je commence à presser le pas, ne voulant pas arriver avec plus de retard. James me suit, essaie de me rattraper et m'interpelle encore une fois.

- Anna !

Je fais semblant de ne pas avoir entendu et continue mon chemin lorsqu'il me rappelle.

- Anna ! Tu peux me dire où est le bureau de la principale ?

Je m'arrête net. C'est vrai qu'il doit être perdu, premier jour dans ce lycée, il en faut peu, vraiment peu, pour se perdre. Les bâtiments s'emboîtent les uns avec les autres, il est très facile de confondre les numéros qui leur sont attribués.

- Suis-moi, je t'y emmène mais je vais en cours juste après.

- Pas de problème, c'est déjà sympa de ta part, il me répond en se passant une main dans ses cheveux bouclés.

***

La principale est devant son bureau, il me semble qu'elle soit un peu sur les nerfs. Lorsqu'elle nous voit elle fait signe à James de rentrer dans son bureau et m'ordonne de rester en m'indiquant les chaises le long du couloir.

Je ne comprends pas du tout quelles sont les raisons de cette demande. Pourquoi ne puis-je pas aller en cours normalement ? Pourquoi dois-je attendre ? Mille questions se bousculent dans ma tête, et j'entends madame Lopez monter d'un ton dans le bureau. J'espère malgré tout qu'elle ne va pas lui donner un avertissement dès son premier jour, malgré son retard. Les minutes s'écoulent lentement, j'ai l'impression qu'ils ne sortiront jamais de cette pièce. Je vois passer les personnes de l'administration, toutes me saluent d'un rapide « bonjour » et poursuivent leurs occupations.

Lorsque la porte du bureau s'ouvre, un soulagement se fait sentir dans l'atmosphère. Le sourire jovial de madame Lopez me rassure et je me lève d'un bond.

- Bien, merci à toi Anna pour avoir accompagné James. Mais sachez que dorénavant, aucun retard ne sera toléré.

Malgré son sourire, son ton est bien plus ferme et autoritaire que sa posture ne le montre.

- Oui, excusez-moi pour le retard...

James ne me laisse pas finir mon explication et enchaîne directement :

- C'est de ma faute. J'ai retardé le bus, puisqu'il fallait que je fournisse les papiers nécessaires. Mais croyez-moi, Anna n'y est pour rien. Je vous présente mes excuses.

Un instant je crois rêver, mais non James vient bel et bien de prendre ma défense.

- Je comprends. Mais ce n'est pas malin pour ton premier jour. Tu aurais du anticiper ! Bon, assez parlé, elle se tourne vers moi, Anna, je te demande de bien vouloir t'occuper de l'intégration de James ici. Vous avez l'air de déjà bien vous entendre à ce que je vois. Si je vous demande ça, c'est parce que James est en Terminale 3, il s'agit bien de ta classe, non ?

C'est sérieux ? Je vais devoir m'occuper du gars qui me met en retard ? Il est assez grand pour s'intégrer tout seul non ?

Agacée mais polie, je lui retourne son sourire :

- Aucun problème, c'est ma classe. Comptez sur moi.

Mais je n'en ai aucune envie ! Qui est-ce qui aimerait que quelqu'un le colle toute la journée ? Qui voudrait d'un poids sur les bras, surtout au lycée ?

James ne sait plus quoi dire, il me lance un faible sourire comme pour me remercier silencieusement, mais je n'y prête pas attention.

James récupère le mot de la proviseure et avec une certaine bonne humeur en plus ! J'hallucine.

J'ai horreur d'être en retard, encore plus lorsque c'est la faute de quelqu'un. Je ne veux malgré tout pas lui montrer que je suis énervée, disons que j'espère que nous allons pouvoir nous entendre un minimum pour ne pas que ça devienne bizarre entre nous.

Il est silencieux lorsque nous nous dirigeons vers le bâtiment. Il devient de plus en plus pâle, ce qui commence à sérieusement m'inquiéter. Son regard se disperse, il n'a plus l'air aussi sûr de lui qu'il y a quelques minutes.

- Eh, ça va ?

- Tout le monde va me regarder, pas vrai ?

Il ralentit le pas, ce qui intérieurement m'énerve encore plus, nous ne sommes pas en avance !

- Mais non ! T'inquiètes, ils vont pas te bouffer, je tente pour essayer de le détendre mais ça n'a pas l'air de le faire rire.

- Je sais bien, merci.

Son visage semble s'affaisser, on dirait qu'il a peur. Je n'aurais pas prédit qu'un gars comme lui pourrait avoir peur de rentrer dans une salle de classe avec trente personnes de son âge. C'est le lycée, pas une prison non plus !

- Si tu veux bien reprendre tes esprits, ça m'arrangerait là. On doit rentrer, la prof déteste les gens en retard. Et là c'est clair que tout le monde va te regarder, si t'es nouveau et en retard, ça n'arrange rien.

- Merci de me rassurer, me répond-il en marchant vers la salle.

Après ça, je me dis qu'inévitablement tout le monde va se demander pourquoi j'arrive moi aussi en retard avec le nouveau. Je n'espère qu'une seule chose : qu'ils ne s'imagineront rien de stupide.

On n'oublie pas [Publié en auto-édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant