Chapitre 4

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Au fur et à mesure que la route se déroule sous les roues du van, le désert fait place à un paysage plus arrosé. La végétation devient plus verdoyante, l'eau qui était rare au milieu de l'Outback fait à présent abondance. Nous roulons ce matin en direction de Katherine. Amy fait office de disc-jockey dans l'habitacle et nous balance de vieux tubes tels que « Down Under » ou « Don't dream it's over ». L'ambiance détendue qui règne dans l'habitacle contraste avec le noir de mon cœur.

Lorsque nous stoppons dans ce petit pub de Daly Waters, mon regard est attiré par le point internet à disposition. Je paye les 2 dollars au gars du comptoir pour me connecter. Peut-être quatre mois que je n'ai pas donné signe de vie. Dans mon champ de vision sur ma droite, le jeune asiatique pointe un panneau du doigt qui indique « Last loo, 240 km ». Et ça rie dans mon dos, à se prendre en photo au milieu de cet ancien décor.

Ignorant le vacarme ambiant,je me concentre sur ce vieil ordinateur. Dans ma boite de réception, parmi de nombreux spams, un message date de plus de trois mois en arrière. En objet : « IMPORTANT !!! ». Mon cœur fait un bond lorsque je clique dessus.

« Kylian,

Es-tu encore en vie ? J'ose espérer que oui si tu lis ce message...

Guillaume et moi, nous nous marions. Il m'a demandé ma main il y a 3 mois, et j'ai dit oui ! T'imagine ?! Après 15 ans !

Bien sûr, tu dois te douter de l'objet de mon message aujourd'hui... Viens Kylian, s'il te plait. J'ai besoin de mon petit frère pour cette étape importante dans ma vie.

Nous nous marions le 6 juillet prochain, à Aix en Provence. Tu dois être là. Appelle-moi quand tu reçois mon mail.

Ta sœur qui t'aime

Flora »

Je referme fébrilement le message. Mes mains tremblent. Et merde... Je jette un coup d'œil sur le calendrier du PC. Le 6 juillet, c'est le mois prochain. Un sentiment étrange me liquéfie les entrailles. C'est au-dessus de mes forces. Je n'irai pas. Je déconnecte cet ordinateur de malheur. Mais qu'est ce qu'il m'a pris de me connecter ? Je passe ma main dans mes cheveux en tirant dessus, comme à chaque fois que je suis anxieux. D'un geste brusque, je repousse ma chaise et retourne m'asseoir dans le van, le visage complètement fermé.

Lorsque le minibus stoppe à nouveau une heure plus tard, pour que le groupe puisse se baigner dans une rivière aux piscines naturelles, je suis agacé au plus haut point. J'ai envie de solitude. Pourquoi suis-je parti avec ce groupe touristique ? Je m'interroge pour la centième fois depuis le début de ce voyage. Ma décision la plus débile depuis un moment. Je ne devais pas être dans mon état normal à Alice Springs. En même temps, si je dois être honnête, je ne sais même plus ce qu'est un état normal.

Ma sœur Flora et moi avons grandi dans un petit village près d'Aix en Provence. Au sein de notre petite école primaire, sur la place aux mûriers, à l'ombre des branches de notre cabane dans les pins, la vie s'écoulait toujours plus douce. Probablement les plus belles années de ma vie ! Je vivais dans une insouciance que je ne connaîtrai plus jamais. Avec notre année d'écart seulement, ma sœur et moi passions facilement pour des jumeaux. Deux bruns aux yeux noirs, même corpulence. Flora était ma petite tornade brune, tel que j'aimais la surnommer. Au lycée, nous sortions avec notre bande de potes, faisant les quatre cent coups, sans cesse fourrés ensemble.

Son Guillaume, Flora l'avait connu en même temps que je rencontrais Anaïs. Nous soutenions souvent un pote de l'époque lors de ses compétitions d'athlétisme. Un jour, en déplacement dans une ville voisine, nous croisions la bande de potes de Guillaume et Anaïs dans les gradins. Et tout naturellement, nos deux bandes se rejoignirent, entre deux hurlements de joie, pour n'en former plus qu'une. Loin de me séparer de ma sœur, nos relations amoureuses respectives nous amenaient à nous confier l'un à l'autre, avec plus de complicité encore.

Changer la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant