• Chapitre 50 •

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Adan

J'attends et j'attends et j'attends encore et encore depuis près d'une heure l'arrivée de Paula Garcia.
Je tourne en rond comme un lion enragé. Le temps ne m'a jamais paru aussi long. Me laissant tomber sur la chaise en cuir de mon bureau, la sonnerie de mon téléphone m'arrache de mes pensées.
Je décroche.
— Allô ?
— Adan, c'est moi.
Bordel, pourquoi il m'appelle maintenant, ce n'est vraiment pas le moment !
— Qu'est-ce que tu me veux ? aboie-je.
Mon irritation doit s'entendre puisqu'il soupire et reprend d'une voix plus calme, sûrement dans le but d'apaiser mon humeur catastrophique.
— J'ai appris pour le contrat avec Lawrence.
Putain, qui l'a informé de cela sérieusement ? Il ne manquait plus que mon père pour combler mes soucis.
Tu as appris quoi, au juste ?
Tu suspectes l'une de tes secrétaires ? Il s'interroge, employant son timbre de directeur.
— Je n'ai pas le temps de parler de ça, j'ai un entretien dans quelques minutes et puis, ça ne te concerne pas. Si mademoiselle Garcia veut bien se dépêcher évidemment.
— Adan...je sais que tu es capable de gérer des choses bien plus notables mais, tu manques encore d'expérience. Laisse-moi t'aider à mettre cette affaire au clair.
Je manque encore d'expérience ? Il se fout de moi ? L'ennuie est si imminent dans sa grande baraque de pantouflard ?
— Je n'ai pas besoin de ton aide. Certifié-je fermement, avant d'entendre des bruissements contre la porte. Bon, je te laisse, à plus.
Je lui raccroche au nez, indifférent et lance d'une voix bougonne et encore sur les nerfs :
— Entrez.
Une jeune femme aux cheveux chocolat, tombant de part et d'autres de ses joues halées entre dans la pièce d'une démarque indécise. Est-ce pour cela qu'elle a pris autant de temps ?
— Bonjour, bredouille-t-elle comme si elle venait d'entrer dans la caverne d'un dragon à huit têtes.
— Bonjour, asseyez-vous je vous prie.
Les mains tremblantes, les yeux rivés sur ses chaussures, elle s'assied et serre les genoux si fort que je crois entendre un craquement. Elle semble...anxieuse.
— Bon, je ne vais pas passer par quatre chemins, mademoiselle Garcia. Votre collègue m'a mis au courant de ce qu'il s'est passé, mais je voudrais avant tout, écouter ce que vous avez à me dire.
— D'accord...siffle-t-elle en prenant une ample inspiration. Avant de...rentrer chez-moi, je me suis aperçue que j'avais malencontreusement emporté le dossier dans mon...sac.
— Et, où est-il désormais ?
Je me fiche de savoir le pourquoi du comment. J'ai besoin de ce dossier.
— Je l'ai égaré...je suis sincèrement désolée monsieur, je vous promets que cela ne se reproduira plus !
— Vous l'avez égaré...murmuré-je pour moi-même, vous rendez-vous compte de la gravité des faits ?
Ses yeux s'inondent brusquement de larmes.
— Malgré votre travail très correct, la décision à prendre ne sera pas en votre faveur.
Ses sanglots déchirent le silence de la pièce et pris dans un élan d'empathie, je lâche :
— Bien, nous déciderons de votre position plus tard, rentrez chez-vous.
— Vous allez me virer ? hoquette-t-elle.
— C'est une éventualité à prévoir, comprenez également que c'est une faute très grave que vous avez causée à vos collègues mais aussi à l'entreprise. Grondé-je.
Elle hoche vivement la tête et essuie le dessous de ses paupières à l'aide de ses doigts à la manucure abîmée. Sortant presque en courant du bureau, je la regarde s'éloigner.
Elle ment, c'est une évidence. Le problème est donc loin d'être réglé...Je me relève de la chaise et pousse un râle rauque. Cette ordure de John a un coup d'avance sur moi !
Lorsque je sors de mon bureau, je constate que l'air était irrespirable dans la pièce.  Tout cela est dû aux machines fumantes qui s'amusaient à tourbillonner dans mon crâne afin de chercher une solution à tout ce merdier.
Je jette un chaste coup d'œil au bureau fermé de Naomi et pousse un soupir dépité. Je me suis comporté comme un abruti avec elle, elle ne méritait pas de subir mon humeur imbuvable.
Conscient de ce que je dois faire, j'avance d'un pas décidé vers son bureau et ouvre la porte. Mince, j'aurais peut-être dû toquer. Elle lève ses yeux caramel de son écran d'ordinateur et me dévisage, visiblement très surprise.
— As-tu une minute ?
Avant même qu'elle ne me réponde, une voix nous interrompt.
— Excusez-moi monsieur Brown, quelqu'un est ici pour vous voir.
Faut-il sérieusement que l'on me demande à ce moment précis ? Je pivote vers Suzie, irrité par son irruption et encore bien plus par le sourire qu'elle aborde aux coins des lèvres. Soudain, mon regard se pose sur la personne qui arrive dans son dos.
— Gale, grommelle-je tandis qu'il approche, tout sourire.
Il tend les mains les mains vers moi, exhibant sa dentition parfaite avec une arrogance exaspérante. Il ne va tout de même pas me prendre dans ses bras ici, sur mon lieu de travail ? Sans que je ne puisse le contourner, il me pousse dans une accolade affectueuse et je ne peux me retenir de lever les yeux au ciel.
— Pourquoi es-tu là ?
— Je te l'ai dit au téléphone, Adan.
Je grogne de désapprobation et Gale se tourne enfin vers Naomi qui nous observe, embarrassée.
— Bonjour mademoiselle. Vous devez être Naomi Anderson, n'est-ce pas ?
— Oui...monsieur. fait-elle, les joues rosées.
J'étais venu afin de m'excuser et le voilà qui débarque pour tout faire capoter. Je ne peux m'empêcher de ressentir une pincée de jalousie à cause de la jolie couleur saumon qui embrasse les joues de Naomi. S'il n'était pas venu, je serais déjà collé contre son corps, les lèvres scellées dans un baiser langoureux et ardent.
— C'est un plaisir de vous rencontrer, il parait que vous êtes une excellente assistante !
Je rêve, il est en train de la draguer ?
— Je fais de mon mieux pour satisfaire les demandes de...monsieur Brown.
Sa modestie me laisse perplexe, elle sait qu'elle est excellente. Dans tous les domaines...
— Génial, conclut-il avec toujours ce sourire stupide sur les lèvres, Adan ?
À bout de bras, il me désigne le hall. Les excuses devront patienter quelques heures apparemment.

Après moult et moult discussions en compagnie de Gale, j'ai enfin le temps de souffler quelques minutes tandis qu'il bataille avec la machine à café. Naomi est partie il y a plusieurs heures déjà, la visite surprise de Gale me fait vraiment suer. Cependant l'hypothèse que cette femme protège une seconde personne est très plausible. Je suis loin d'être stupide et je déteste que l'on me prenne comme tel. Je sais très bien reconnaître un menteur, surtout un mauvais menteur et cette femme était loin d'être douée pour le mensonge. Je compte bien régler cette histoire et, au plus vite...

Après deux jours d'acharnement, le fin mot de l'histoire est prononcé. Paula Garcia n'a été qu'un vulgaire pion dans cette affaire. S'étant récemment liée d'amitié avec une certaine Verra Bruce, Paula a appris que sa pauvre collègue, subissait les coups de son mari violent, jaloux et manipulateur. C'est Verra qui a volontairement égaré ce dossier et non Paula mais, comme je l'ai dit à mademoiselle Garcia.
Verra Brune n'existe pas. Son véritable nom est Sandra S. Thomas, collègue et bras droit de John Poders. Autant vous dire qu'il ne fallait pas me déranger lorsque je l'ai appris. Cet enfoiré était bel et bien derrière tout cela. Et dire que Naomi avait des doutes, cette femme est parvenue à trafiquer avec succès les tests aux entretiens. Je n'y crois pas...

— Monsieur ? Voulez-vous un autre café ?
La serveuse me sourit.
— Non, merci.
— Très bien, peut-être quelque chose à grignoter ? insiste-t-elle.
— Non merci. Lâchez-moi.
— Nous avons reçu de nouvelles pâtisseries ce matin, vous devriez y jeter un œil.
Elle glisse sa main sur mon épaule.
— Je vais y jeter un œil dans ce cas. déclaré-je, agacé.
Elle hoche la tête, les joues roses et s'enfuit derrière le comptoir. J'observe nonchalamment les pâtisseries et immobilise mon regard sur un petit cupcake à la crème topaze.
Les yeux de Naomi font une soudaine apparition dans mon esprit. La couleur de ce gâteau me fait penser à ses prunelles, si lumineuses...
Cette couleur de feu me trouble, à chaque fois qu'elle plonge ses yeux dans les miens, j'ai l'impression d'être transporté dans un volcan en pleine irruption. J'ai envie de la voir...
Et si je la rejoignais ? Non, elle doit probablement m'en vouloir mais, je ne peux pas laisser passer le fait qu'elle m'en veuille.
Est-ce que j'y vais ou non ?
— Avez-vous trouvé quelque chose monsieur ?
Tiens, ce n'est plus la même. Celle-ci est plus âgée et bien moins exaspérante.
— Ce cupcake, s'il vous plaît.
C'est décidé.
J'y vais.

•••


Haut Niveau - Tome 1 -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant