18- L'armistice ou le livre de la bête -I-

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                        Partie première

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Partie première

« Chacun d'entre nous porte en lui un inquiétant étranger »
Les frères Grimm




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Nour Sadiyah Sarr

L'astre lunaire projette à travers la vitre des spectres de lumière diffus. Les rayons traversent le vert translucide pour être accueillis par un visage crispé par l'âge et la fatigue . Deux infirmières rouspètent dans un coin de la chambre tandis que je demeure au chevet de ma grand-mère.
Ses yeux sont clos mais elle ne dort pas. Un demi-sourire las s'étire sur ses lèvres aux commissures ridées. C'est un sourire triomphant, défiant la douleur, la démence et la maladie! C'est pour lui qu'en cette nuit froide de février, dans cet hôpital à l'odeur d'éther, j'avais fait l'ultime sacrifice.
C'est pour lui que j'avais signé le livre de la bête.

Toute cette histoire aussi hurluberlue soit-elle me rappelle ces guerres froides, sanglantes et planétaires . Celles dont on nous faisait le récit en Histoire. Celles qui ne cessaient qu'après avoir inondé toutes les terres du mondes de larmes et de sang, n'offrant aux veuves et aux orphelins qu'un ridicule semblant de paix après la fin des affrontements pour unique compensation.

D'après le Larousse, le mot « armistice » correspondrait à une «Convention par laquelle les belligérants suspendent les hostilités ».
L'armistice n'est donc annonciateur que d'une paix passagère, instable et fragile. L'inimitié né d'un conflit farouchement mené ne pouvant mourrir sous les cendres de la guerre...

Ce mot consacre sur le papier de brillants triomphes  mais aussi d'affligeantes défaites. Il est la preuve que l'homme dans sa cruelle nature ne cesse pas de se battre car candide, il aspirerait à renouer avec l'ennemi. Plutôt est-il qu'une des parties, affaiblie, n'a plus assez de poudre pour faire rugir ses armes. Ainsi le vaincu, fébrile, miséreux, signe de son sang et de son déshonneur l'armistice, un traité de non-agression où il se soumet aux quatre volontés du victorieux.
Dans cette triste et désolante histoire qu'est ma vie, j'étais bien celle qui avait perdu. Pitoyablement, Lamentablement et misérablement perdu.

C'est certain! Cet accord mirifique n'était un traquenard, une entourloupe, un piège rusé. Quoi? Arrogant comme il est, Chemsseddine doit bien avoir des raisons plus grandes pour sacrifier son célibat! Des raisons autres que la haine et la colère qu'il éprouve pour « l'insignifiante petite lueur » que je suis. Et puis une autre interrogation se posait, encore plus inquiétante que la dernière: pourquoi depuis cette nuit froide et fatidique où j'avais ployée, Chemsseddine Aïdara n'avait plus daigné ce montrer? Lui qui se délectait de chaque occasion pour m'harceler ne m'avait plus contactée depuis quatre jours. Plus d'appel. Plus de menaces. Plus d'humiliations publiques. Plus de caresses brûlantes. Plus d'yeux d'un bleu ténébreux. Plus rien. Silence radio! Chemsseddine s'était tout bonnement volatilisé là où je m'attendais à qu'il se mette fanfaronner,l'imprévisible malfaiteur! Le diable me faisait t-il don d'une courte trêve, d'un bref répit, un souffle court avant que je n'ai à endosser les responsabilités de cette horrible armistice ?

Lune de fiel.Where stories live. Discover now