Chapitre 1 - Lexa

Depuis le début
                                    

Je m'assieds à côté de lui sans rien dire et commande une bière, la plus mauvaise. Je me tourne vers lui avec un grand sourire.

« J'espère avoir fait le bon choix ! Je ne viens pas souvent ici et j'ai assez peu d'expérience dans les boissons alcoolisées. »

Ma voix est innocente et pendant que je lui glisse un clin d'œil, ses joues rougissent.

Premier pas effectué, maintenant attendre que l'adversaire réplique.

Ma bière arrive et alors que je m'apprête à y tremper mes lèvres, il mord à l'hameçon.

« -Je ne boirais pas cette bière si j'étais vous.

- Oh. J'ai mal choisi ? Je n'y connais vraiment rien. » Je continue d'un air accablé. « Je vais quand même la boire vu que je l'ai commandée. Mais merci pour l'information.

-Non attendez, je vous offre un verre. Ça vaudra toujours mieux que ce que vous avez pris.

- Merci ! C'est très gentil à vous ! Je m'appelle Luna ! » Très original Lexa...

« Calum. » Sa voix est assez élevée et ne parle pas très fort. Je l'intimide mais je ne compte pas le laisser s'en aller de sitôt !

« - Vous venez souvent ici ?

- Oui plutôt. Je travaille juste en face.

- Oh vous êtes forgeron ?

-J'apprends à le devenir, oui. Et vous ?

- Rien de bien intéressant. Je reste quelques temps ici et je repars avec les marchands demain matin.

- Vous voyagez seule ?

- Oui. » Je luis souris de manière malicieuse. « Je sais me débrouiller ! Les nuits sont parfois bien solitaires. C'est le seul inconvénient. » Et hop premier indice.

« - Je comprends.

- Vous avez une petite amie ? » Il rougit et je fais tous les efforts possibles pour paraître embarrassée. « Excusez-moi... je ne voudrais pas paraître indiscrète. C'est juste que... vous être plutôt... enfin... pas mal... Ah ! Oubliez ce que je viens de dire ! Quelle idiote je fais !

- Non je suis seul. »

Un silence s'installe entre nous mais nous nous regardons droit dans les yeux. Je baisse le regard en premier pour avoir l'air plus embarrassée que lui.

« Voudriez-vous passez la soirée en ma compagnie ? Pour une nuit un peu moins seule... Enfin je veux dire... juste pour discuter... rien de plus ! »

Le fait qu'il le suggère me montre que j'ai déjà gagné mon pari. Je lui jette un regard timide.

« Oui volontiers. »

Nous passons des heures ensemble à discuter de tout, j'en apprends sur sa vie, lui donne des informations sur la mienne, aussi fictive soit-elle. De temps en temps Valerio croise mon regard depuis l'autre bout de la taverne. Il a déjà compris qu'il a perdu mais éclate de rire tout de même. A moi les dix couronnes !

J'ai toujours été consciente d'être jolie mais d'aussi loin que je me souvienne je n'y ai apporté que très peu d'importance. Pour moi seule comptait l'escrime, la chasse et tout forme d'apprentissage. J'ai toujours aimé apprendre. Mais chez les enfants de la noblesse, il y a toutes sortes de jolies petites filles et de petits garçons et même si je ne suis pas laide de naissance, ne pas prendre soin de mon apparence a toujours été source de moqueries. Je ne prête pas de particulière attention à la façon dont je m'habille ou me coiffe, pourtant il semblerait que ce soit ce que filles et garçons de mon âge passent leur temps à faire.

Avoir un amoureux ne m'attirait pas particulièrement mais j'ai toujours adoré les défis. Or les aristocrates avec qui j'ai reçu mon éducation me prétendaient incapable de séduire qui que ce soit. Il ne m'en fallait pas plus pour relever le défi. Je n'avais peut-être pas l'apparence mais j'avais les gestes et les manières. Un battement de cil, un effleurement de la main, une mèche remise en place, il n'en faut parfois pas plus. Tout cela n'est qu'un jeu. Même avec de mauvaises cartes il est possible de gagner. Il suffit d'avoir la bonne tactique. J'ai gagné mon pari la première fois et depuis ce jour je n'ai jamais perdu.

« Je pense qu'il est temps pour moi de m'en aller, demain une longue route m'attend. » Je lâche brusquement à Calum. Il a sa main qui effleure la mienne, son genou qui touche le mien et il a déjà replacé une de mes boucles de cheveux derrière mon oreille. Il ne manque que quelques étapes avant la victoire mais je sais qu'elle est proche. A ces mots, ses yeux s'écarquillent et je vois à son expression qu'il réfléchit comment me retenir.

« - J'ai passé une très bonne soirée avec toi. J'aimerais pouvoir rester plus longtemps.

- Alors reste ! » Il rougit de plus belle, ce qu'il tente de cacher avec sa main. Il n'a pas l'habitude de laisser parler ses envies mais j'ai suffisamment bien fait mon travail pour que son désir d'être avec moi bouscule toutes ses craintes. Je hausse les sourcils, l'air décontenancé.

« - Pardon ?

- S'il te plait. Reste. Passe la soirée avec moi, je ne veux pas que tu t'en ailles. »

Je ne quitte pas son regard, caresse le dos de sa main du bout de mes doigts et souris.

« D'accord. Je reste. »

Ses traits se relâchent, son souffle ralentit. Il enlève sa main de la mienne et la pose sur ma nuque. Il rapproche mon visage du sien et dépose délicatement ses lèvres sur les miennes. C'est un baiser très doux mais très agréable. Valerio a bien choisi, il embrasse terriblement bien. J'ouvre les yeux et je vois Valerio qui chasse de la main mon air satisfait et victorieux. Sans demander son reste il se précipite vers Tamys, la nouvelle recrue, l'agrippe par le bras et l'entraine à l'extérieur. Valerio déteste la défaite alors je comprends son envie soudaine de la cachée par une victoire d'un tout autre genre. Tamys a rejoint la garde depuis près de deux mois. J'ai assisté aux échanges de regards, aux sourires discrets et surtout j'ai écouté Valerio me parler sans relâche des nombreuses qualités dont était pourvu le jeune homme. Je l'ai taquiné un nombre incalculable de fois pour qu'il ose lui avouer ses sentiments. Il lui aura fallu un énième pari pour oser sauter le pas...

Mon esprit revient sur le garçon qui a ses lèvres posées sur les miennes. Le pari est terminé, je peux profiter de l'instant. Calum m'attire contre lui. Je sens ses muscles tendus contre moi, je sens son désir pour moi. Le jeune homme me propose de me rendre chez lui, ce qu'évidemment j'accepte.

Nous passons la nuit ensemble. Il n'a pas l'air de se soucier que demain je ne serai plus là. Il est jeune et naïf. Il va me demander de ne pas m'en aller. Comme toujours je trouverai une excuse, une aventure qui m'attend, un ennemi que je dois fuir, peu importe. Il aura le cœur brisé.

Les gens sont tous des idiots. Ils se font une carapace, convaincu que ce sont toujours les autres qui tombent sous le charme du premier venu mais la vérité c'est que tout le monde se fait avoir. Les hommes comme les femmes. Les jeunes comme les vieux. Tous à vouloir un amour éternel pour assouvir cette solitude qui les hante chaque jour.

Tous sauf moi.

Alors aux aurores, sans un bruit, je rassemble mes affaires et je laisse Calum dormir, le bras toujours tendu comme pour m'accueillir au creux de ses bras.

Je n'ai que faire de l'amour. Je veux simplement la liberté.


Kingdom of Stars and NightmaresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant