12 - Paddle

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C A L E B

J'attends Léonie devant l'entrée de son appartement. Je lui ai proposé d'aller faire du paddle l'après-midi, puis d'aller voir les feux ensemble le soir, organisés à l'occasion de la fête nationale. Passer cette journée avec elle me remplit d'un bonheur inconnu. C'est complètement inhabituel dans ma vie.

Hier, c'était la première fois que je rencontrais la famille d'une... D'une quoi ? De ma copine ? Je n'en sais rien, bon sang ! Je ne devrais pas. Ça m'angoisse et me travaille. À tout moment, je peux être amené à partir d'ici et serais obligé de l'abandonner sans explications. De l'oublier définitivement en lui faisant mal au cœur. Juste pour ça, je n'aurais pas dû rester en contact. Ma main vient frotter nerveusement ma nuque. Mon esprit est de plus en plus torturé entre l'amour que j'ai pour ce métier, opposé à l'envie de vivre une vie normale. Je me pince les lèvres. L'envie de quitter l'hôtel a complètement disparu et de toute façon, il est trop tard. Elle me plaît tellement que j'ai déjà fait bien trop d'erreurs.

Elle sort enfin de l'immeuble, habillée d'une petite robe en coton blanche, décorée de motifs aztèques colorés et des tongs en cuir brun. J'aime cette simplicité. Je vois les ficelles du haut de son maillot de bain bleu foncé qui vont se rejoindre derrière sa nuque. Que j'ai hâte qu'elle enlève cette robe complètement inutile. Je secoue la tête pour sortir ces pensées de mon esprit, alors qu'elle prend place sur le siège passager et pose son sac à ses pieds.

— Salut, dit-elle joyeusement.

— Bonjour, belle demoiselle, réponds-je.

Elle me sourit et rougit légèrement, avant de mettre sa ceinture. Je démarre le moteur et prends la route jusqu'au Lac. Après une dizaine de minutes, je me parque au bord de l'eau. Cet endroit est vraiment magnifique. Une douce brise vient déranger l'eau calme, faisant bouger celle-ci et rendant flou le reflet des montagnes. Quelques personnes sont installées sur leur linge pour bronzer et lire, tandis que des enfants jouent au bord de l'eau. Des personnes âgées discutent sur un banc, abrité par un arbre.

Nous sortons de la voiture et je l'invite à me suivre vers la cabane de location. Dès que nous sommes en possession de nos paddles, nous retournons à la voiture pour y laisser nos affaires et nous mettre en maillot de bain. Je souris de la voir enfin dans cette tenue et ne me gêne pas de la détailler.

— Attention, tu baves, rigole Léonie.

Je déglutis et remonte mes yeux vers son visage.

Grillé.

Pourtant, je sais être bien plus discret que ça. Je lui fais un sourire innocent, alors qu'elle prend sa planche et se dirige au bord de l'eau. Je fais de même, puis nous entrons doucement dans le lac dont l'eau est quand même bien fraîche. Quelques cailloux se plantent sous mes pieds, mais je les ignore. Ce moment est unique pour moi. C'est rare que je m'accorde du temps pour faire quelque chose de normal. Nous nous mettons à plat ventre sur nos planches et nous éloignons de la rive, avant de nous asseoir.

— C'est vraiment beau, ici.

— Oh oui, j'adore y venir. Je me pose souvent au bord de l'eau, là-bas, avec un livre et de la musique, explique-t-elle en pointant une partie de la rive.

— Je comprends pourquoi, affirmé-je en détaillant le paysage et la pureté de l'eau.

— Bon, on n'est pas venu pour barboter, déclare Léonie, malicieuse.

Elle commence à se mettre debout, mais perd l'équilibre et termine dans l'eau. Je ne peux m'empêcher d'éclater de rire, alors qu'elle remonte à la surface.

— Ce n'est pas si facile que ça en a l'air, bougonne-t-elle en se hissant sur la planche.

Je monte mes jambes sur le paddle et me mets debout. Je plonge la pagaie dans l'eau et fais avancer ma planche, puis m'arrête et la pivote en lançant un sourire moqueur à Léonie. Elle me regarde en plissant ses yeux, puis se remet debout, d'une manière un peu bancale, mais ne perd pas l'équilibre cette fois. Elle s'aide de ses bras tendus à l'horizontale. Puis, voyant qu'elle a l'air de tenir le coup, elle se baisse pour saisir sa pagaie, mais se relève trop vite et finit à nouveau dans l'eau. Je souris et me retiens de rire. Elle remonte et se remet sur la planche en position. Cette fois, elle tient bon et s'avance jusqu'à moi.

— Ah voilà, t'y es !

— Oui, je crois que j'ai capté, confirme-t-elle en souriant.

Nous nous déplaçons sur le lac, côte à côte. Léonie prend de plus en plus d'assurance. Soudain, je la vois plier les genoux.

Elle ne va pas me faire ce coup.

À peine je finis ma pensée qu'elle me saute dessus. C'est impossible de rester sur la planche et elle m'entraîne avec elle dans l'eau. De retour à la surface, elle rigole comme une gamine, alors je l'attrape par les hanches et la fais couler. Elle remonte et appuie sur ma tête pour m'immerger à mon tour. Étant bon joueur, je me laisse faire sans résister. Je refais surface et nous rions de notre jeu d'enfant. Cette simplicité me fait un bien fou. Je me sens normal. Nous remontons sur nos planches et naviguons un moment sur le lac.

Après une trentaine de minutes, nous quittons l'eau. Léonie va chercher nos affaires pour qu'on se sèche et je ramène les paddles. Elle installe les linges sur l'herbe et je lui demande si elle veut boire quelque chose et manger une glace. Elle acquiesce et j'enregistre ce qu'elle désire. Je me précipite dans un kiosque à proximité. Je nous prends des boissons fraîches et des glaces.

Je m'assieds en tailleur sur mon linge, puis lui tends ses consommations. Elle termine de manger sa glace et s'allonge sur le dos en soupirant d'aise. Je décide de tenter une petite approche en m'allongeant à mon tour et pose doucement ma tête sur son ventre. Je lui lance un regard discret pour voir sa réaction. Vu son sourire, j'en déduis que c'est accepté. Je soupire également et ferme les yeux. Les rayons du soleil réchauffent ma peau glacée par l'eau du lac. Sa main vient se poser sur le haut de mon torse. Nous restons un long moment à profiter de cet instant et nous reposer, sans dire un mot. Tout ça me semble trop naturel, mais je ne dois pas oublier ce que je suis venu faire dans ce pays.

En fin de journée, je la ramène chez elle pour qu'elle se prépare pour notre soirée, et moi de même. Une fois arrêtés devant son immeuble, elle prend ses affaires à ses pieds et se retourne vers moi.

— À dans deux heures !

— Oui, à dans deux heures, confirmé-je.

Elle dépose un délicat baiser sur ma joue, avant de sortir de la voiture et de fermer la porte. Je la regarde entrer dans son immeuble, puis démarre et pars à l'hôtel. Je ne peux m'empêcher de penser que je la mets en danger, mais aussi qu'elle pourrait faire échouer la mission. Il faut que j'en parle à April, qu'elle la surveille ou vérifie si elle est sur écoute. Je verrai bien ce qu'elle peut faire. Même si elle va me sermonner, je sais à quel point elle saura comprendre ces sentiments qui déchirent mon cœur et mon esprit. Cette envie d'avoir une vie qui en devient un besoin.



Mission échouée [Édité]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant