. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la paix et le silence régnant aux alentours, ne m'empêchaient point d'entrevoir un futur où se mêlaient tout à la fois, un air de tragédie, beaucoup d'enthousiasme et une certaine appréhension par rapport à l'avenir. Tout se contrastait et se simplifiait dans ma tête. Le sombre et le clair. Le noir et le blanc. L'aube et le crépuscule. Un sentiment de liberté et un sentiment de peur du lendemain m'envahissaient. Une exaltation intérieure et une oppression de tout l'être, visible de l'extérieur, pointaient à l'horizon.
Car le but de ma randonnée, enveloppé dans une molle volupté, sans trop m'adonner à la mélancolie automnale, consistait à me remettre en tête, et à bien les ordonner, les moments que j'avais vécus il n'y a pas si longtemps. Des événements importants se préparaient à la veille des fêtes de la Toussaint et du premier novembre. En ces instants précis où les fruits de mon esprit s'envolaient vers l'espace, avec tout autour, les pentes escarpées des djebels, je me demandais si tout l'univers allait prendre un sens, dans ces endroits pittoresques des Aurès. Auparavant, les étapes de ma jeune vie avaient été claires et limpides. Jusque-là, j'avais mené une existence tranquille, partagée entre mes études au Cours Complémentaire, mon amie Marie Laure, ma famille habitant la ville et mes loisirs qui consistaient, soit à fréquenter le cinéma grâce au pécule octroyé par mes parents, soit à lire des bandes dessinées et des romans. Mais maintenant que quelque chose d'inédit se préparait, qui allait bouleverser l'histoire du pays, je continuais mon chemin alors qu'un parfum de lavande fusait du Mont Chélia et atteignait le djebel Yacoub, avec un temps agréable et un air pur que je respirais à pleins poumons. Devant moi, l'immensité du ciel et de la terre m'inspirait un sentiment d'une grande béatitude, une ferveur sans pareille en face d'un horizon sans bornes. Absolument libre de mes mouvements et de mes pensées, je tournais de temps en temps, mon regard vers le plus haut sommet de l'Algérie du nord, fier d'appartenir à cette contrée pleine d'histoires, notamment celles des héros berbères, Massinissa et Yughourta. Juché sur une tour virtuelle d'une hauteur respectable, j'avais l'impression de naviguer dans un monde familier et pourtant si plein de choses nouvelles à découvrir. C'était aussi comme si un mur immatériel allait soudainement être brisé. Cela me remplissait d'aise et me donnait des ailes avec un début d'enthousiasme constellé toutefois d'interrogations diverses. Oui, combien de combats nous attendaient, combien de deuils, combien de traquenards, combien de trahisons, combien de joies, combien de tristesses, combien de destins tragiques allaient parsemer la route, avant la fin de la tourmente ? De quoi devenir plein fou d'orgueil, fou d'inquiétude, fou d'incertitude, par rapport à ce qui allait se passer. Ou bien, subirions-nous un sort contraire et douloureux plein de sacrifices et de renoncements ?

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Un parfum de lavande sur le Mont Chélia
RomanceMarie Laure est une pied-noire vivant en Algérie. Au cours de sa scolarité, elle se lie d'amitié avec un camarade de classe avec lequel elle partage de nombreuses choses, de nombreux points communs et de nombreuses occupations. Cette communauté d'in...