#32

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Voilà la suite, SP adorées 😍

***

DU POINT DE VUE DE V


Sans vraiment savoir pourquoi, j'écrase brutalement la pédale de frein de la semelle de ma bottine en cuir.

Les pneus crissent sur le bitume. Ma caisse s'incline vers l'avant le temps du freinage, et je suis forcé de contracter violemment les muscles de mes bras pour ne pas traverser le pare-brise.

Je finis par m'arrêter au milieu de cette route de merde qui, bien sûr, n'est éclairée que par mes foutus phares.

Bah, ouais.

Pourquoi aller planter des lampadaires sur une route déserte et quasi-désafectée.

Merde.

Incapable de m'en empêcher alors que j'en ai d'habitude aucun mal, je me passe une main nerveuse dans les cheveux, et tire sur le bandana qui me barre le front pour le desserrer.

J'ai soudain l'impression d'étouffer.

Et ça m'emmerde.

"Tu viens de l'abandonner... Cette zone... Des gars rôdent... À sa place... J'aurai préféré que tu me tues dans mon sommeil..."

Je balance un violent coup de poing dans le volant, qui vibre sous l'impact du choc.

- Bordel de merde ! Mais qu'est-ce que j'en ai à foutre !?

J'expire un grand coup, les yeux fermés, puis je décide de continuer ma route, ignorant cette culpabilité qui me comprime le torse pour la première fois depuis une putain d'éternité.

Je me penche en avant pour tourner les clés dans le contact, et redémarre le moteur.

Mais l'image charnue des lèvres de la salope que j'ai enlevée, s'impose brusquement à moi. Et je l'arrête aussitôt.

Je donne un nouveau coup dans le volant. Et cette fois, c'est le souvenir de ma langue qui s'introduit de force dans sa bouche, humide et chaude, qui vient m'embrouiller l'esprit.

- Mais merde ! je hurle, énervé comme jamais à l'idée de perdre le contrôle. C'est pas la première pouf que tu galoches, ducon ! Qu'est-ce qui te prends !? Avance !

Mais j'ai pas le temps de toucher de nouveau aux clés sur le contact, que ma merde de cerveau choisit cet instant précis, pour se souvenir de la sensation des formes du petit corps plaqué contre le mien...

Extrêmement irrité, je lève alors le bras vers le rétroviseur central, et l'arrache presque en le tordant de façon à me voir dedans :

- Souffle un bon coup, enfoiré de mes deux..., je murmure en fixant le reflet de mes yeux, la mâchoire contractée. Un colis, merde. T'as abandonné un putain de colis. Un objet. De la marchandise. Rien de différent de d'habitude, rien qui mérite ton intérêt...

Je frissonne en repensant à l'étrange décharge électrique, qui m'a parcourut à chacun de nos contacts peau contre peau.

D'ailleurs, c'est quoi ça ? Le "courant qui passe entre nous", au sens propre ? Merde !

Je résiste quelques secondes à cette idée qui me dérange, puis baisse les yeux vers ma braguette.

Et là, je peux plus nier l'évidence :

- Putain, cette garce me fait de l'effet, je grogne en sentant et voyant mon sexe durcir sous les couches de tissus, qui se mettent à le comprimer de manière tout à fait désagréable.

Je masse ma poitrine après y avoir porté l'une de mes mains.

Elle me fait mal.

Parce que je suis aussi angoissé qu'excité.

Et parce que je suis pas con, je comprends que c'est à cause d'elle, à cause de cette petite conne que j'ai -sans le savoir- laissé pour gibier à des gros fils de pute de l'autre gang, prêts à la violer sans se poser de questions s'ils lui tombent dessus.

Avec la violence d'un coup de latte au thorax, la scène de cette fille entre les mains de ces gros porcs, s'impose d'elle-même à mon esprit.

Mon sang prend aussitôt feu dans mes veines.

Partant de mon torse, une vague de chaleur intense se propage dans tout mon corps... Et j'ai beau bander comme un taureau, je sais que c'est pas l'effet de l'excitation.

Nan.

C'est celui de la colère. Une colère que je semble avoir contre...

...quiconque touche à elle ?

Je marque un temps d'arrêt.

Ridicule.

Un ricanement nerveux m'échappe.

Je me secoue en jurant, et tourne les clés dans le contact avec tant de brutalité, que je manque de les casser.

Peu importe.

Je sais exactement ce que je veux maintenant. Et ce n'est pas rentrer à Séoul les mains vides. J'ai changé d'avis.

Sans prévenir, j'écrase la pédale d'accélérateur et le moteur vrombit.

Je lâche le frein, j'embraye, et ma caisse démarre en trombe.

Je donne un coup de volant, et je fais demi-tour en dérapant, faisant crisser les pneus sur le bitume, déchirant le silence de la nuit.

Et je conduis.

Vite.

Putain de vite.

Je retourne de là où je viens.

Parce que c'est inexplicable, mais j'angoisse salement. Et pas pour moi.

En dix minutes à peine, je reconnais la portion de route au bord de laquelle je me suis arrêté plus tôt. Celle où j'ai retiré les liens de la petite idiote, avant de l'asseoir bien en vue contre un tronc.

Je m'arrête et immobilise ma caisse.

Prenant soin de pas retirer les clés du contact, je me penche sur le tableau de bord pour enclencher les pleins phares, histoire d'éclairer les alentours au maximum.

J'ouvre la portière, m'extrais de l'habitacle et contourne ma caisse, pour rejoindre la limite béton-forêt au pas de course.

Je tends l'oreille, et jette de rapides coups d'oeil autour de moi.

Une bonne nouvelle déjà : aucune bande d'enculés à l'horizon. Du moins, pas dans les trois foutus mètres de périmètre que mes phares sont capables d'éclairer.

Je sors du cercle de lumière, et avance à tâtons du côté où je me souviens avoir abandonné l'autre.

Je plisse les yeux pour trouver son corps encore endormi contre l'un des troncs, ou sur le sol.

- Montre-toi, poupée, je grommelle. Faut qu'on bouge d'ici, avant que ça tourne mal pour toi...

Je la cherche un instant sur les épines et les feuilles mortes, donnant de petits coups de pieds dans le noir, impatient de sentir ma semelle buter contre elle.

Puis après pas moins de deux minutes de recherches, je réalise un truc :

Y'a plus personne.

La petite idiote a disparu.

Et avec la dose de drogue que je lui ai faite ingérer, une chose est sûre : elle s'est pas faite la malle toute seule.

Non !

Je m'attrape la tête entre les mains et, incapable de le retenir, je laisse échapper le cri de rage qui traverse mes lèvres.

LE LIVREUR [TOME 1/BTS, V, LEMON]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant