Chapitre Septième

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—T'es sûr que c'est par là ?
Link soupira.
—Pour la dixième fois, selon les indications du parchemin, oui. “Dans le couloir venant aux portes du désert, cherchez la gueule du Kenddonghes, faisant dos au soleil.” Je connais le passage par cœur, à force.
Devant l'air sceptique de la Princesse, il enchaîna:
—Le seul désert digne de ce nom est celui de Naylan, en territoire lanallien. Pour y accéder depuis Fallores, il faut passer par le col de Calia entre les Monts Piliers et la Montagne du Père Tempête. Quant à la Gueule du Kenddonghes, je n'ai toujours pas trouvé ce à quoi cela faisait allusion, probablement un endroit spécifique. On verra une fois sur place. Satisfaite ?
La Princesse ne dit mot, visiblement vexée. Le Hulaan soupira de plus belle.
Cela faisait trois jours qu'ils descendaient le Firoll, longeant les Monts Piliers pour accéder à cette ouverture donnant sur Lanallis. Ils avaient croisé quelques voyageurs et aucun n'avait bronché à leur rencontre. En revanche, les points de contrôle avaient été un peu plus compliqués à passer…
—Vous avez de l'audace pour dire aux soldats que nous étions des mercenaires en mission pour le Duc Shideo, s'ils ne nous avaient pas cru…
—S’ils ne nous avaient pas cru, je leur serais rentrée dedans, voilà.
Link n’osa même pas imaginer la scène.
Ils approchaient du Col de Calia, et une chose préoccupait Link. Le col était considéré comme appartenant aux Lanalliens, et avec les tensions actuelles, il était probable qu'il soit gardé. Il fallait être prudent.
—Vot-... Chef, attendez un peu ! On va cacher nos chevaux ici, ça sera plus discret…
—Ah ? Si tu veux, mais ça sera plus chiant aussi…
—Je préfère me faire chier à être prudent que foncer en risquant la mort.
—Mauviette…
—Si ça vous amuse, ouais…
Ils attachèrent leurs chevaux dans un bosquet à proximité et continuèrent à pied, à travers les arbres.
Link avait vu juste. Des lanciers lanalliens, reconnaissables à leurs casques enrubannés de tissu, patrouillaient dans le défilé. Cela allait leur compliquer la tâche…
—Bon, maintenant il s'agit de trouver ce qu'est exactement cette Gueule de Kenddonghes…
—Ça peut ressembler à quoi ?
—Vu le nom, ça peut être une ouverture, grotte ou faille…
—Dans ce cas c'est bon, j'ai trouvé.
Sans attendre de réponse, la Princesse bondit en direction du sentier.
—Prin- ! se retint Link, tétanisé.
Il ne pouvait pas crier, cela trahirait leur présence.
La jeune femme traversa heureusement la partie à découvert sans l'être, se déplaçant de bosquet en bosquet. Puis elle disparut.
Nerveux, Link scruta attentivement la zone, dans l'attente de sa réapparition.
Il vit la Princesse sortir d'un groupe de hauts conifères et agiter vivement les bras en sa direction.
—Ça va j'ai compris, j'arrive… Pas la peine de faire la cible mouvante.
Il la rejoignit rapidement et demanda :
—Alors qu'avez-vous trouvé ?
Pour toute réponse, elle pointa du doigt avec un air satisfait le bosquet de conifères. Link regarda dans la direction indiquée et compris. Derrière les arbres, un gouffre béant s'ouvrait face au ciel, donnant accès à une large grotte.
—Ça ne peut être que ça, non ?
—Eh bien… Je vois difficilement quelque chose qui correspondrait davantage, bien que je ne m'attendais pas à quelque chose de ce genre…
Le Hulaan se fit la réflexion que si la dénomination de Gueule de Kenddonghes faisait allusion à cette cavité, alors le Kenddonghes –nom d'une créature aussi monstrueuse qu’inexistante– pouvait faire référence au massif qui y était accolé, à savoir la montagne. Il se demanda si à l'époque qui avait vu la rédaction du parchemin qu'il tenait, le Père Tempête s'appelait alors le Mont Kenddonghes.
—Si c'est bon, alors on continue ! dit la Princesse, coupant court à ses pensées. Que dit le parchemin ensuite ?
Link soupira. Il aurait aimé un peu de repos avant de reprendre, mais la Princesse ne cessait de le presser et était assez peu ouverte à des propositions pouvant ralentir la recherche.
Il tira le parchemin de sa sacoche, l'examinant au passage. La relique, bien que déjà dans un état déplorable, semblait assez bien supporter le voyage. Le contraire les aurait grandement handicapés.
Link chercha le passage qu'il avait déjà lu, puis regarda la suite :
—“Descendez dans sa gueule, remontez la langue, contournez sa glotte et pénétrez dans sa gorge.”
Il releva ensuite la tête vers la Princesse, qui lui rendit son regard avec un air perplexe :
—Descendez… remontez… contournez… Je suppose qu'on doit au moins aller dans la grotte ?
—On dirait.
Une question germa alors dans l'esprit du Hulaan. Il la laissa atteindre ses lèvres, mais le regretta aussitôt :
—Savez-vous ce qu'est une glotte, Votre Alt-
Le regard noir qu'il reçut fut une réponse amplement suffisante.
Évidemment qu'elle le savait, elle avait reçu une éducation autrement plus fournie que celle d'un simple fils de forgeron et le château possédait certainement la plus grande bibliothèque de tout le royaume. Évidemment qu'elle le savait.
—Descendons, répondit-elle simplement.
La grotte était une vaste cavité s'enfonçant en pente dans le flanc de la montagne, si bien que seul le fond était à l'ombre d'un plafond de roche. À la surprise du duo, ils découvrirent des marches taillées dans le plancher de la caverne, qu'ils empruntèrent.
—On dirait que des gens sont déjà venus ici, dit la Princesse, relevant l'évidence.
—En effet.
—Cette grotte aurait-elle servi à quelque chose ? Autrement qu'à cacher une orbe, je veux dire.
Link regarda autour de lui. Les vastes parois présentaient des paliers réguliers, à la manière d'un amphithéâtre. Et à regarder de plus près, elles semblaient trop anguleuses et facettées pour être nées de l'érosion.
—C'est probable qu'elle ait été une mine à ciel ouvert, au vu de la structure. Je ne serais pas étonné de trouver une vieille pioche ou une pelle dans un coin.
—C'est vrai… répondit la Princesse, scrutant les recoins avec un intérêt accru.
Link ne put réprimer un sourire devant l'attitude de sa comparse, qui lui rappelait l’insatiable curiosité des enfants.

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