2- Oliver

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— Oliver !

La voix perçante de ma sœur me vrille les tympans. Je lui fais un geste de la main pour lui signaler que je l'ai vue et qu'elle n'a pas besoin de hurler une nouvelle fois à travers l'aéroport bondé. Le vol a été long, j'ai une migraine d'enfer, et la dernière chose dont j'ai besoin, c'est de l'organe surdéveloppé de Léa dans les oreilles.

— Maman n'est pas là ? demandé-je, déçu, à la tornade bleue, des cheveux aux chaussures, plantée devant moi.

Dans ma grande naïveté, j'avais imaginé que ma mère serait impatiente de retrouver son fiston après quatre mois d'absence.

— Bouh, le petit chéri, se moque ma sœur. Si t'es pas content, tu peux prendre un taxi. Je te signale que j'ai interrompu mes occupations pour venir te chercher fissa. Tout le monde n'a pas le loisir de se dorer le cul au soleil. Y'en a qui bossent.

J'adore quand ma frangine monte sur ses grands chevaux : je la trouve craquante. Plus âgée que moi de quatre ans, elle a aussi trente centimètres de moins. En dehors de ça, nous nous ressemblons beaucoup : même chevelure brune (à l'origine, car en tant que coiffeuse, Léa a testé toutes les couleurs imaginables) et mêmes yeux noisette.

Malgré mon mal de tête croissant et les circonstances qui ne s'y prêtent pas, j'éclate de rire.

— Pardon, Lala. C'était maladroit. Je suis ravi de te voir. L'azur te sied à ravir, on dirait Tristesse dans le dessin animé, là...

— La ferme ! Les petits m'ont fait la même remarque. Je vais changer tout à l'heure, de toute façon. Maman ne veut pas que je me pointe à la crémation comme ça.

Les enfants auxquels elle fait référence sont les siens ; des jumeaux de 12 ans qui la dépassaient déjà en taille avant que je parte. Je m'enquiers :

— Comment vont Charybde et Scylla ?

Avant même que je ne puisse essayer de l'en empêcher, Léa se saisit de mon gros sac à dos comme s'il ne pesait rien puis me lance :

— On parlera des monstres dans la bagnole. Je suis garée en double file.

***

Une fois à son appartement, Léa me sert de l'eau et une aspirine. Contrecoup des heures d'avion, le canapé me tend les bras. Mais à peine ai-je fermé les yeux que j'entends rire au-dessus de moi. Une frimousse espiègle entourée de longs cheveux raides et noirs me fixe.

— Salut, tonton !

— Salut, Shen.

— Non, moi, c'est Li, me corrige le gamin en souriant de toutes ses dents baguées.

— Qu'est-ce que tu mijotes ? Tu comptais me dessiner un pénis en travers du visage comme la dernière fois ?

Je me redresse. Je ne pensais pas que mes neveux seraient déjà rentrés du collège... Et je sais qu'ils ne me laisseront jamais dormir.

Vautrée sur un fauteuil, l'autre terreur, cheveux hérissés sur le crâne, me regarde d'un air canaille.

Ces gamins ont des gueules d'anges depuis qu'ils sont nés et savent parfaitement en faire usage... Un mauvais usage.

Ma sœur entre dans la pièce en coup de vent ; elle attrape des vêtements jetés sur une chaise, ouvre un rideau en grand, donne une tape à l'un de ses fils pour qu'il se tienne droit, ramasse mon verre vide puis ressort aussi sec. Depuis la cuisine, elle me lance :

— Les laisse pas t'embobiner : la crête, c'est Li, et la tignasse de gonzesse, c'est Shen.

Le contraire de ce qu'ils m'ont dit, donc.

VertiG  (sous contrat d'édition)Where stories live. Discover now