Dimanche 10 Mars, Cassandre

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Cher personne,

Je dois avouer que cette lettre, ça doit être la cinquième fois que je le commence.

Quand j'ai vu la votre, que je l'ai lu... J'ai été terrifiée. Tout un tas de choses me sont passées en tête : Qui est-ce ? Qu'est qu'elle me veut ? Pourquoi est-ce que quelqu'un lit mes lettres ? Je me suis dit si souvent que personne ne devait les lire... J'étais troublée, un peu désorientée, et en me demandant ce que vous me voulez, j'ai pris peur.

Je crois que si quelqu'un avait été dans la rue avec moi à ce moment là, il m'aurait prise pour une folle quand j'ai détalé (à roller en plus) le plus vite possible pour rentrer chez ma mère.

Mais finalement, j'ai décidé de vous répondre. (Vous ? Tu ? Je ne sais pas, en fait... J'ai hésité longtemps, j'hésite encore, mais je ne sais pas à qui je m'adresse, alors je vais choisir le vous...)

Parce que, malgré la trouille que ça m'a fait, de découvrir que ce que j'écris est lu, et qu'en plus vous m'avez trouvée, vous avez réussi à me contacter (c'est un brin inquiétant), et bien vous m'avez fait du bien. Vous avez réussit à mettre des mots sur ce que je ressentais (et ressens encore).

Parce que c'est exactement ça, là, je me sens trahie par ma mère.

Alors j'ai décidé de vous répondre, me disant qu'à la réflexion, si vous aviez voulu me faire du mal, je suis sûre que vous auriez pu le faire bien plus tôt...


Disons, pour faire simple, que j'ai vécu les derniers jours assez renfermée sur moi même. J'ai essayer de trouver une solution, mais je ne vois pas. Vous dîtes qu'il y en a forcément une. Mais je ne trouve pas. Et pourtant, ce n'est pas faute d'y penser, d'y réfléchir. Mais je ne peux pas empêcher ma mère d'accepter une promotion, quand-même, si ? Et quant à vivre avec elle, c'est une décision judiciaire à la base, alors je vois mal comment aller contre ça. J'ai l'impression que c'est une fatalité. Je n'aime pas ça, je me sens comme quand j'ai appris que mes parents allaient divorcer. Une fatalité à laquelle je ne peux rien malgré tout le mal que ça me fait. Ça me fait peur. Tout est comme ça dans la vie ? On ne peut rien à rien au final ?

C'est mon état d'esprit des derniers jours.


Je crois pouvoir dire que j'ai été une très mauvaise amie, aussi... J'avais besoin d'être seule, alors je me suis isolée, je n'ai laissé personne m'approcher et me poser des questions. Je m'en veux pour les filles, mais je n'étais pas capable de leur dire quoique ce soit. Je crois que les profs l'ont compris aussi, aucun ne m'a interrogée ces derniers jours, et certains ont essayé de me parler à la fin de leur cours, mais je n'ai su leur dire qu'une chose : que je n'avais pas envie d'en parler. Et c'est vrai.

Ma mère voit que je lui en veux, je le sais, mais elle ne m'en a toujours pas parlé. Je ne comprends pas pourquoi elle n'est pas capable de venir me voir pour en discuter... J'en aurais besoin pourtant, mais elle ne le fait pas. Et moi, je crois que je suis trop en colère qu'elle ne fasse pas le premier pas pour le faire moi-même.

Et ce week-end, j'ai été chez mon père. J'étais contente de prendre le train ! Je ne l'ai pas fait mercredi, pourtant ce n'était pas l'envie qui m'en manquait, mais j'ai eu peur après votre lettre et je suis rentrée directement. Finalement, l'idée de partir ne m'a plus paru si bonne. Mais j'ai quand-même fuit, vu que je n'en ai parlé à personne. Je me sens lâche pour ça... Mais je ne sais pas quoi faire d'autre, là maintenant.

Donc j'ai été en Bretagne, mais au final, je n'en ai même pas profité. J'ai erré, comme je l'ai fait après l'annonce du divorce. J'ai ressassé, beaucoup de choses, et surtout de rancœur et de tristesse je crois. Je n'ai vu personne, j'ai à peine aidé mon père, je n'ai rien fait. Je crois que ma mère avait informé mon père avant que j'arrive, puisqu'il a eu l'air de comprendre et ne m'a pas poser de questions. Il m'a juste dit qu'il était là pour moi quand je serais prête à parler.

Et maintenant, je suis sur le trajet de retour dans le train à l'heure où j'écris cette lettre. J'avais déjà essayé de la faire à l'allée, mais ce que je vous écrivais ne me plaisait pas.

Et par dessus tout ça, il y a Louis à qui je pense de temps en temps. Et je culpabilise. Je culpabilise déjà à propos de tous mes amis, au Mans ou en Bretagne, que je tiens à l'écart, mais à propos de lui encore plus que  tous les autres réunis. Il doit m'attendre, et je ne lui ai donné absolument aucune nouvelle. Son visage traverse mon esprit régulièrement, et je culpabilise de le laisser de côté, et je n'arrive pas à réfléchir à ce que je veux avec lui sans me dire que si c'est pour que je parte à la fin de l'année, de toute façon, on se fout pas mal de ce que je veux, ça va décider à ma place, à notre place. Encore une fatalité à laquelle je ne peux rien...

Bref, je crois que c'est un peu décousu tout ça, mais je doute de faire mieux et le train arrive en gare, alors je vais faire avec et poster ça demain matin.

Et j'ai cette question pour vous : qui êtes vous ?

A la prochaine,

Cassandre

Les lettres à personneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant