~Chapitre 7~

34 6 26
                                    


Après m'avoir dégoté une sorte de crème dont les vertus ne diffèrent peu de l'arnica, Owen quitta la pièce pour me laisser me reposer quelques minutes

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou télécharger une autre image.

Après m'avoir dégoté une sorte de crème dont les vertus ne diffèrent peu de l'arnica, Owen quitta la pièce pour me laisser me reposer quelques minutes. Je pris le temps d'observer l'endroit où j'étais, malgré mon mal de crâne.

C'était une chambre d'hôpital classique, avec un petit lit recouvert d'un drap blanc au millieu du mur. Il y avait une table adossée à un mur, et un fauteuil bleu en faux velours à ma droite. Elle ressemblait presque à l'identique à celle de ma grand mère... Mes yeux s'embuèrent. Ça me rappellait trop de mauvais souvenirs que je préférais chasser immédiatement.

Je me levai un instant pour regarder à la fenêtre. Je n'arrêtais pas d'angoisser sur ce qui allait se passer pour moi. Cette fugue, ça m'avait semblé être une opportunité! Une occasion d'enfin m'extirper de cette routine dans laquelle je m'empêtrais chaque jour... Mais j'avais peur... J'avais terriblement peur qu'on me retrouve.

Quelques médecins s'activaient en bas, sans doute à cause de l'accident de voiture donc le médecin au physique plutôt recherché avait parlé tout à l'heure. Je regardais beaucoup de séries à la télévision, dont quelques séries médicales. Mais en réalité, j'avais horreur des hôpitaux, des médecins, et de tout ce qui touchait au milieu de la santé... Oui, je regardais beaucoup la télé. C'est sûr que quand on a pas d'amis, on n'a pas grand chose d'autre à faire...

Mes ongles s'enfoncaient dans ma paume à cette pensée. Je n'avais pas complètement raison, j'avais quelques amis, mais bon... Je n'avais pas une réputation très appréciée.

Une voix me tira soudain de ma torpeur :
- Melody ?

Je me demandai un instant de qui Owen parlait, avant de me rendre compte que c'était de moi qu'il s'agissait. Melody... Oui, ca sonnait bien pour moi.

Je m'écartai de la fenêtre pour me diriger vers lui, puis croisai encore machinalement les bras et répondit un peu trop agressivement :
- Quoi ?

Il haussa un sourcil, avant de continuer :

- Euh, écoute, comme t'as pu l'entendre tout à l'heure, y'a eu un accident de voiture, et les urgences sont un petit peu surchargées en ce moment à l'approche des fêtes de Noël, donc... Tous les lits sont réquisitionnés, alors...

- Je dois me casser... l'interrompis-je.
- ... C'est ça, répondit il en me regardant d'un air désolé.
- T'inquiètes, lui répondis-je avec un petit sourire dans le but de le rassurer. Je vais me débrouiller.
- Tu sais, bientôt on parlera de toi dans les journaux, peut-être même à la télé. Y'aura des affiches avec ta photo placardées sur les murs. T'es sûre que c'est ce que tu veux ? me demanda t-il soudain avec un ton sérieux.
- ... On s'en fout de ce que je veux, pas vrai ?

Il me fixa intensément pendant quelques secondes.


Je saisis mon sac à dos, et le remis à nouveau sur mon dos. Aouw... Ma côte me faisait très mal, mais j'essayais de ne rien laisser transparaître devant Owen. Avoir l'air forte, c'est la clé pour survivre.

Alors que j'arrivais devant la porte, il s'écarta pour me laisser passer, ce que je fis. Je devais avouer que rester ici ne serait-ce qu'une nuit m'aurait bien arrangé, mais de toute façon c'était trop risqué. En plus, je croyais que j'avais laissé mon couteau dans la ruelle tout à l'heure, j'allais devoir y retourner, même si ça ne m'enchantait pas tellement...

Je continuai mon avancée dans le couloir, toujours les mains enfoncées dans mes poches et la capuche vissée sur la tête. Certains auraient dit que je voulais me donner un style en faisant ça. D'autres un peu plus analystes que c'était une façon de me cacher. Qu'est-ce que ça pouvait leur faire ? Nous vivions dans un monde de plus en plus individualiste, j'essayais seulement de m'y conformer.

Bon, je n'assumais peut-être pas ce que j'étais, mais je savais même pas ce que j'étais. Et ça faisait déjà assez mal comme ça...

J'avais la flemme d'attendre l'ascenseur. Je dévalai l'escalier en évitant de trop sauter, à cause de mon bleu. Arrivée au rez-de-chaussée, je recroisai la brune du bar, Gabriella, cette fois portant elle aussi une blouse blanche. Elle s'approcha de moi.

- Hé. Owen t'a laissée partir ?
- Oui.
- C'est vrai ? Ça m'étonne... Tu vas pas dormir à la rue quand même ?
- Je dors pas, moi, j'en ai pas besoin.
- C'est ça, bien sûr... Qu'est-ce-qu'il t'a dit ?
- Qu'il n'y avait plus de lits.

Elle acquiesca et réfléchit un instant... J'en profitai pour m'éclipser en courant, et en priant pour ne pas qu'elle me course. Je piquai un sprint en sortant de l'hôpital puis traversai la cour et la rue juste après. Une voiture me klaxonna en passant. Je m'arrêtai, déjà à bout de souffle, et me retournai.

Je soupirai de soulagement en voyant que personne ne m'avait suivie. Je touchai machinalement la droite de mon crâne, et constatai une bosse de taille moyenne sous mes cheveux. C'était sans doute ça qui me faisait mal, mais la douleur était déjà moins vive.

Je décidai de ne pas rester très loin de l'hôpital, estimant que les mecs dans le genre de ceux de tout à l'heure ne tournaient pas autour des hôpitaux. Du moins, je l'espérais...

Je commencai donc à faire le tour de l'hôpital tout en restant à une certaine distance de celui-ci. Je finis par apercevoir au loin, à l'arrière du bâtiment, une petite cour vide protégée d'un grillage vers avec un banc contre le mur. C'était l'idéal pour dormir, en espérant qu'elle n'était pas très fréquentée...

Je traversai à nouveau la route puis, arrivée devant le bâtiment, j'entrepris d'escalader le grillage. Je m'y pris à deux reprises avant de réussir à balancer mon sac par-dessus.

Enfin, je calai mon pied droit dans l'un des trous, puis fis de même avec l'autre, un peu plus haut. Les trous étaient plutôt assez larges, donc ce nétait pas trop difficile d'y loger mes pieds. Je devais simplement ignorer la douleur qui me tiraillait le bas du thorax... Une fois mes mains agrippées en haut du grillage je m'y appuyai afin de passer ma jambe droite de l'autre côté, puis la gauche, et je redescendis de la même manière que j'étais montée.

Mes baskets touchant terre, j'observai un instant l'endroit où j'étais tombée. C'était une petite cour de la taille d'une terrasse. Un vieux panier de basket sans filet était accroché au mur, avec un vieux ballon de football non loin, gisant par terre. Le banc paraissait en plutôt bon état, éclairé par un réverbère debout juste à côté.

Machinalement, je m'approchai du ballon et commençai à faire quelques jongles au pied. Plus jeune, j'avais adoré le football. Je m'étais déjà imaginée jouer à l'internationale, alors que je tirais sur le mur de ma chambre. J'avais même inventé toute une équipe imaginaire, avec laquelle je faisais des centaines de passes toutes aussi illusoires.

À l'époque, mes fréquentations n'étaient que des garçons. Je n'étais pas comme les autres filles de l'école. On était tellement différentes... Et elles me le faisaient bien savoir. Primaire, collège, et début de lycée avaient été les pires périodes de ma vie. J'espérais qu'après, ce serait mieux, mais la goutte d'eau avait fait déborder le vase et j'avais décidé d'arrêter d'attendre.

Quand j'avais neuf ans, ma mère avait enfin accepté que je commence le football au club de mon village. Dès mon premier jour, j'étais tellement heureuse, impatiente de faire mes preuves. Malheureusement, on m'avait vite fait comprendre que le football n'était pas pour moi. Pourquoi ? Parce que j'étais une fille...

J'avais toujours eu horreur des inégalités homme-femme. Cette épisode de ma vie m'avait réellement mis en rogne contre la société, sans oublier cet entraineur qui m'avait tant rabaissée... Il n'était pas le seul à l'avoir fait, pensai-je en tirant de toutes mes forces contre le mur bétonné. Mais tout allait changer.

FugueuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant