Chapitre 46

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Je fixais le plafond de ma chambre. Je sentais que j'étais redevenue humaine. De temps en temps, je m'arrêtais de respirer mais, à chaque fois, mes poumons rétablissaient naturellement le cours de ma respiration. J'avais conscience que s'il était déjà partit, il pouvait me voir dans cet état. Alors, de temps en temps, je lui parlais :

- C'est comment où tu es ? ... J'pari que tu es en train de te taper des barres avec des personnes que tu connais... Genre Shakespeare est avec toi ? ... Y'a quoi après la mort Matt ? tu peux me le dire ? ... Je n'ai rien accomplit de grand mais je ne le veux pas non plus... Tu me connais mieux que personne... Je me demande ce que tu as fait... Pourquoi es-tu partit sans me dire au revoir ? ... Tu es au paradis ? ... Pourquoi es-tu parti ? ... Je n'ai pas pu te serrer dans mes bras une dernière fois... Je n'ai pas pu te dire à quel point j'ai besoin de toi... À quel point j'ai besoin d'un grand frère... À quel point tu me manques... Tu me manques Matt... Énormément...

Je fis le mime de serrer quelqu'un en dessinant une sorte de cercle avec mes bras. Puis je relâchai et mes mains tombèrent de part et d'autre de mon corps.

- Nos étreintes vont atrocement me manquer... Qui va me faire rire ? Qui va être avec moi ? Qui ? Qui ? Qui ! Pourquoi m'as-tu abandonné dans ce monde de fou ? Tu devais tellement être dévasté pour commettre un tel acte. Et moi je n'ai rien vu ! Je n'ai pas su t'aider ! Je n'ai pas su te protéger contre tous les dangers de la vie ! Je n'ai pas su te porter au-delà des souffrances de ce monde ! Je n'ai rien pu faire... Je t'ai vu te détruire devant moi sans pouvoir te reconstruire ! Pardonne-moi Matt ! Je te demande pardon... PARDON !

Flo venait de débouler dans ma chambre et alluma la lampe de chevet pour mieux me voir. Mes yeux étaient fermés mais je savais quel spectacle je lui offrais : j'avais les mains crispée sur mes cuisses, ongles enfoncés dans ma chair. Des goûtes de sueurs pelaient sur mon front. On pouvait croire que des mains invisibles me broyaient de l'intérieur.

- Calme-toi Jem...

Elle réussit à me faire lâcher prise. Les marques sur mes jambes allaient disparaître car j'allais redevenir vampire un jour ou l'autre.

- Tyler m'a tout raconté. Calme-toi, ce n'est pas de ta faute tout ça...

Mais si c'était de ma faute ! Pourquoi personne ne comprenait ? Je réprimai un sanglot pour lui déclarer :

- C'est à cause de moi tout ça ! Vous ne comprenez pas que c'est parce que Matthieu savait que j'allais le voir différemment après m'avoir tout avoué qu'il s'est suicidé ! Il n'a pas eu la vie qu'il méritait, il n'a pas eu la meilleure amie qu'il méritait ! Je...

- Ne remet pas tout sur tes épaules, me coupa-t-elle. Tous les malheurs du monde ne sont pas dus qu'à une seule personne. Il devait y songer depuis longtemps. Il n'a pas eu une enfance facile non plus. Cette pensée d'en finir n'a pas cessé de l'accompagner tout au long de sa vie jusqu'à aujourd'hui.

Flo ne comprendras jamais que j'aurais pu faire des choses pour ne pas que ça arrive. Je ne sais pas encore quoi mais je suis persuadée que personne ne pourra comprendre ce sentiment de culpabilité qui était né en moi. J'aurais pu faire tellement de chose pour qu'il soit encore en vie. Je regrette d'avoir été si aveugle. Il souffrait et je n'ai rien vu, moi, sa meilleure amie, sa petite sœur, je n'ai rien vu venir.

- On avait la crainte que cela arrive et ça s'est produit. Il ne faut pas regarder en arrière maintenant. Je n'ai jamais vu une telle amitié comparable à la vôtre. Tu as fait tout ce que tu as pu. Tu as toujours été là pour lui. Ne regrette rien car tu as fait de ton mieux. On n'est pas parfait, personne ne l'est. Ce qu'on accomplit de bien pour aider les autres est tout ce qui compte ! Tu es tombée mais accroche-toi aux personnes qui voudront t'aider à te relever. Tu n'es pas seule, on est là pour toi, ne l'oublie pas.

Je me tournai sur le côté pour lui signifier que j'avais sommeil. Tout ce que je voulais c'était être seule. Plus on essayait de me consoler, plus je sentais la tristesse m'envahir. Je voulais voir Tyler pour lui parler. Lui seul trouvait les mots qui me faisaient du bien. Il me comprenait presque autant que Matthieu. J'avais confiance en lui.

Je ne fis pas trop attention à ce qu'elle faisait la minute juste avant de partir. Je compris juste qu'elle s'était déplacée dans la chambre pour bouger un objet. Puis ses pas se rapprochèrent une nouvelle fois de mon lit. Puis elle s'éloigna, refermant la porte après être sortie.

Je vis Matthieu dans les escaliers montant à sa chambre. Je ne savais pas comment il faisait pour être aussi joyeux même dans mes rêves. Il monta les marches et je le suivis car j'avais eu un pic de peur dès le moment où il avait posé son pied sur la première marche. Je couru pour le rattraper mais j'avais l'impression de rester au milieu de l'escalier. Je couru encore plus vite. Je poussai un grand cri de rage et à ce moment, je fus arrivée en haut, les yeux rivés sur le parquet au niveau de mes pieds. J'avais atrocement peur de lever les yeux mais je le fis tout de même.

Là, devant moi, à deux mètre à peine, Matthieu dormait sur le sol. Cependant, je ne le voyais pas respirer... Comme un ralenti dans les films, je m'élançai sur mon meilleur ami. Il avait un couteau de cuisine dans la main. L'ustensile était planté en plein cœur. Je n'osais même pas le toucher. Je fus de prise de sursauts. Ma vue se brouilla sous l'effet du choc. Juste avant que mes yeux ne se referment, je vis le portable de Matthieu dans son autre main, celle avec le bracelet dont j'avais retrouvé un bout dans la voiture. D'un coup, ma tête tomba sur le torse du jeune lycéen qui venait de se « libérer ».

Mes yeux s'ouvrirent progressivement, un œil puis l'autre. Je me sentais moins mal. Mais le chagrin était encore très présent. Avec l'aide de mon rêve, je compris que le bout de ficelle rouge appartenait au bracelet de Matthieu. Je me souviens lui l'avoir fait. Le seul qu'il avait toujours gardé à son poignet.

Lorsque je tournai la tête sur mon oreiller, ma vue se figea sur une tâche noire inhabituelle dans la pièce. Pensant dans un premier temps à un sac de cours sur ma chaise, je fus épouvantée : la tâche bougeait. Mon sang se glaça. Je me levai d'un bond et cria :

- Qu'est-ce que vous faites chez moi ?

La personne se retourna et j'eux un mouvement de recul. Je ne pourrais jamais oublier le visage du Killer. Une figure tueuse et sans pitié.

𝐃𝐞𝐬𝐭𝐢𝐧𝐲 𝐉𝐞𝐦𝐦𝐚 [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant