Chapitre 7 - Monstre

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D'abord, il y eut les ténèbres

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D'abord, il y eut les ténèbres. Des ténèbres épaisses, presque palpables. Puis, il y eut cet éclat ténu. Une tache de lumière, petite comme la tête d'une épingle. Et cette tache se mit à grandir, à exploser au point de remplacer totalement les ténèbres.

Quand j'ouvris les yeux, la première chose que je vis fut les murs blancs.

Je me trouvais dans un lit. Deux néons éclairaient la pièce.

Les choses qui m'entourent sont floues. Cependant, je reconnais l'endroit du premier coup d'oeil.

Je suis dans un hôpital de l'Ordre.

Des fleurs sont posées sur une table à côté de mon lit et Jennifer est lovée dans le fauteuil qui se trouve à ma gauche. Elle a l'air de dormir. Comment est-ce possible ?

Sa peau est pâle, mais elle a l'air entière et vivante.

J'essaye de faire un mouvement vers elle. Et une pointe de douleur irradie aussitôt de ma nuque et se propage dans tout mon corps, m'arrachant un gémissement.

Jennifer ne réagit pas. Les cernes sous ses yeux sont si sombres qu'on dirait des blessures. Une odeur de terre humide flotte dans la pièce.

Je voudrais bouger, mais je n'ose pas.

— Vous êtes réveillée.

C'est une femme qui a dit cela, je n'ai pu qu'entrapercevoir sa tête lorsqu'elle l'a passée à travers l'ouverture de la porte de ma chambre.

Je voudrais me redresser, au lieu de cela, je ferme les yeux, vaincue.

Ma tête bourdonne. Peu à peu, l'odeur s'atténue.

Dans le monde qui s'agite derrière mes paupières closes, quelqu'un parle. Un homme.

Il me pose des questions. Je comprends à peine ce qu'il dit.

J'ouvre péniblement les yeux et balbutie :

— Mes... parents ?

Ma voix est sèche, rocailleuse. Elle fait un son semblable à celui des feuilles mortes.

— Ils arrivent. Nous les avons prévenus. De quoi vous souvenez-vous ?

Alors que je cherche mes mots, la porte s'ouvre avec fracas et mes parents se précipitent dans la pièce. Ma mère, le visage ravagé par l'inquiétude, s'approche de moi et me prend la main. Mon père se tient debout derrière elle. Je ne l'ai jamais vu aussi grave.

Je parviens à murmurer :

— Jennifer...

Bien que ce soit imperceptible, le corps de mon père se raidit tandis que ma mère esquisse un mouvement de recul qu'elle interrompt aussitôt.

Elle s'adresse à moi. Sa voix est douce, triste :

—Ma chérie...

Ses mots meurent sur eux-mêmes.

Je tente un mouvement vers le fauteuil.

— Elle est là.

Mais le fauteuil est vide.

La main de ma mère me broie les phalanges.

C'est le médecin qui intervient :

— Aleisha, votre soeur est morte.

Je veux secouer la tête, mais j'ai trop peur d'avoir mal à nouveau.

— Non... Je... Je l'ai vue.

— Il est possible que vous ayez pendant quelques temps des hallucinations. Le démon vous a injecté un puissant poison. Nous avons purifié votre sang, mais une partie du poison avait déjà contaminé des cellules de votre corps et une partie de votre cerveau. Nous ignorons les effets d'une telle contamination. Jusqu'à présent, personne n'a jamais survécu à ce type d'attaque. Vous êtes un miracle.

Le médecin continue de parler. J'ai du mal à suivre ses paroles. Jennifer avait eu l'air si réelle.

Tout à coup, je me sens fatiguée et impuissante.

Le cours de la soirée me revient par vague.

Tout ce qui est arrivé est de ma faute.

— ... nous ignorons si cet empoisonnement est réversible ou s'il s'estompera avec le temps...

Je revois les membres disloqués de Jennifer.

Elle est morte, c'est une réalité.

— ... il est également possible que des altérations surviennent, en plus des hallucinations...

L'odeur de terre et de cave humide revient à la charge. Elle est tellement forte que je suffoque presque.

— ... sautes d'humeur, peut-être même des modifications physiques...

Soudain, il y a comme un glissement de la réalité sur elle-même et je me retrouve à nouveau dans cette chambre d'hôpital, ma main dans celle de ma mère, le médecin debout au pied de mon lit. Je m'entends demander :

— Je vais devenir un monstre ?

— Non, cela ne devrait pas se produire. Cependant, vous devez vous attendre à ce que votre existence puisse ne plus jamais être la même.

Mon regard tombe alors sur mes parents. Ils sont effondrés, fatigués, brisés. Presque des fantômes. Il y a de l'amour et de l'espoir dans leurs yeux. Ça et de la tristesse.

Je réponds :

— Ma vie n'est déjà plus la même.

Aleisha Grey - Démons intérieurs - Tome 1 - Wattys2019Où les histoires vivent. Découvrez maintenant