Celeborn et Galadriel les avaient congédiés. Sans demander leur reste, les membres de la Communauté étaient partis de leur côté trouver un coin tranquille où se reposer, et chercher dans le sommeil le peu de paix et de sérénité qui leur faisait si terriblement défaut depuis leur sortie des mines de la Moria.
Aragorn, lui, s'était assis un peu à l'écart et avait sorti sa pipe et son herbe. Il ne se sentait pas d'humeur à dormir, malgré les efforts intenses qu'il avait du fournir pour mener ses compagnons à bon port, et qui faisaient gémir de douleur ses muscles courbatus et fatigués.
Tout naturellement, après la disparition de Gandalf, la Communauté s'était tournée vers lui : ils voyaient en lui le guide évident qui devait succéder au magicien, mais Aragorn n'était pas sûr de pouvoir se montrer à la hauteur de sa tâche.
Il se sentait seul, terriblement seul, quoiqu'entouré de sept compagnons d'une fidélité sans limites. Il sentait peser sur ses épaules une responsabilité qu'il n'avait pas cherchée et, du fait que tous trouvaient cela naturel, aucun n'avait eu le moindre geste de réconfort ou d'encouragement envers lui.
Il ne leur en voulait pas. Il savait que chacun portait un poids bien trop lourd, Frodon en tête, mais il aurait tellement eu besoin, alors, d'une main amie posée sur son épaule. Il se sentait en manque du moindre contact physique qui lui aurait rendu un peu du courage qui l'avait abandonné en fuyant la Moria. La mort de Gandalf l'avait assommé, et c'étaient ses réflexes de survie qui avaient pris le dessus, qui l'avaient endurci au point de se montrer insensible à la détresse de ses compagnons et les forcer à ne pas se laisser aller à la douleur, mais à continuer leur route sans se retourner.
Qu'aurait-il donné, pour avoir à cet instant, un geste de leur part ? Non pas des mots - les mots passent et s'oublient - mais un geste, une caresse qui laisserait pour toujours son empreinte sur sa peau...
Il songea à Arwen et se trouva brusquement à Fondcombes, sur ce pont où elle lui avait promis d'abandonner son immortalité pour lui. Ce geste qu'elle avait eu en lui offrant l'Étoile du Soir, le bijou encore imprégné de la chaleur de sa gorge, et ses longs doigts fins se refermant doucement sur ses mains. Il lui semblait sentir encore, sur sa peau exacerbée, ce simple contact, qui lui avait paru presque plus doux que le baiser qu'elle lui avait accordé.
Arwen...
Oh, bien sûr qu'il l'aimait. Il l'aimait comme un fou. Il la voulait reine, épouse et amante. Mère, aussi. Mais il était en proie à des besoins, des désirs qu'elle n'était pas en mesure d'assouvir.
Pas encore.
Combien de temps allait-il devoir patienter avant de recevoir à nouveau un simple baiser ?
Combien de temps allait-il devoir mendier en silence que quelqu'un lui donne juste un peu de cette chaleur dont il avait tant besoin ?
Aragorn tira une longue bouffée de sa pipe et sentit la fumée tiède emplir ses poumons, réchauffant sa poitrine et faisant courir dans tous ses membres un sang vif et pétillant.
Depuis combien de mois, d'années, d'interminables heures, n'avait-il senti les caresses d'un corps contre le sien ? Homme, femme, quelle importance...
Qu'aurait-il donné, dans ses interminables heures solitaires dans le froid et l'humidité des bois, dans les hautes herbes sèches et presque coupantes des plaines, pour qu'un autre être soit à ses côtés et passe sa main sur sa nuque en un geste réconfortant ? Ou dans ces nuits sans fond, qu'il passait roulé en boule sous une mauvaise couverture et la tête appuyée sur une pierre, ces nuits où personne ne venait se pelotonner contre lui pour le réchauffer ?

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Le mallorne
FantasyFANFICTION LE SEIGNEUR DES ANNEAUX / Avertissement : yaoi !!! / Sous les arbres de la Lothlorien, alors que les membres de la Communauté de l'Anneau pleurent la perte de Gandalf, Aragorn et Boromir se rapprochent.