Fichu(s) Malefoy

Article III

Drago pénétra dans son manoir d'un pas chancelant, ne prenant même pas la peine de refermer la porte d'entrée derrière lui. Il se traîna tant bien que mal jusqu'à son salon où il attrapa une bouteille de whisky posée sur son bar en verre noir. Il se laissa lourdement tomber dans un fauteuil de velours anthracite en la débouchant et y but une longue gorgée à même le goulot.

Il venait tout simplement de passer l'une des pires journées de sa vie. Comment son grand-père avait-il pu lui faire un coup pareil ?! C'était forcément une blague, il ne pouvait pas en être autrement. Dans quel monde un Malefoy aurait-il volontairement imposé un tel mariage, mettant ainsi fin à des siècles de pureté ?!

Pourtant, son père lui avait confirmé le sérieux de cette clause et, connaissant Lucius comme il le connaissait, il pouvait être sûr que s'il existait un moyen de la contourner, il l'aurait trouvé. Après tout, cela faisait une dizaine d'années que lui était au courant et il avait donc largement eu le temps de retourner le problème dans tous les sens.

Le pire dans l'histoire était que Drago s'était promis, à la chute de Voldemort, qu'il ne laisserait plus personne lui dicter sa vie et, à présent, il se retrouvait face à un dilemme insoluble : épouser quelqu'un qu'il n'aimait pas ou être responsable de l'humiliation de sa famille.

Ses parents avaient leurs défauts mais Lucius et Narcissa Malefoy avaient toujours été très amoureux l'un de l'autre ; Drago avait donc grandi avec l'idée qu'à son tour, il vivrait une telle relation épanouissante. Par conséquent, la perspective d'un mariage forcé lui semblait être une véritable aberration.

- Monsieur Drago ? l'interpella Sakdos d'une voix timide.

- Grumpf ? se contenta-t-il de grogner en retour.

- Sakdos a fermé la porte, Monsieur. Vous allez bien, Monsieur ?

- Laisse-moi tranquille, veux-tu, j'ai besoin d'être seul...

- Bien, Monsieur. N'hésitez pas, si vous avez besoin de Sakdos, Monsieur...

Drago ne prit pas la peine de répondre, se contentant de boire à nouveau au goulot de sa bouteille. Après qu'Humphrey Flint l'ait informé du contenu de la clause exceptionnelle du testament de son grand-père, Drago avait quitté le Ministère et s'était directement rendu à l'Occamy où il avait bu de nombreux verres. Finalement, le barman l'avait mis dehors à la fermeture du bar et il avait dû faire appel au Magicobus pour le déposer devant chez lui, n'étant déjà plus en état de transplaner.

Lui qui avait toujours grandi dans l'opulence estimait inimaginable la possibilité de laisser sa famille être déclarée officiellement en faillite. De plus, son grand-père lui avait toujours répété que préserver leur influence sur le monde magique était ce qu'il y avait de plus important. Si l'état des finances de leur famille était rendu public, ils perdraient à jamais le pouvoir qu'ils avaient acquis sur les autres au fil des générations. Il était donc hors de question qu'il laisse ceci se produire. Il devait se soumettre à la clause définie par Abraxas. Mais comment ?

L'obliger à se marier était déjà en soi une mesure assez radicale – qu'il ne comprenait d'ailleurs toujours pas – mais avec une née-Moldue ?! Pourquoi ? Qu'est-ce qui avait bien pu passer par la tête de ce vieux fou d'Abraxas Malefoy ? Surtout qu'il était visiblement lucide, sinon la plume enchantée notariale n'aurait jamais validé cet ajout. Une née-Moldue... Certes, son grand-père n'était pas aussi suprématiste que son père mais quand même ! Si les origines des filles qu'il ramenait chez lui lui importaient peu depuis un bon moment, déjà, ce n'était pas pour autant qu'il était particulièrement motivé par l'idée d'en épouser une...

Enfin, s'il était totalement honnête envers lui-même, l'une d'elle aurait peut-être eu grâce à ses yeux, mais il était pour l'instant beaucoup trop saoul pour être honnête, justement. De plus, il n'avait pas particulièrement envie de s'attarder sur cette pensée bien trop dangereuse pour son bien-être...