Chapitre 2

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Une fois assise à ma place, je me mets à dessiner sur mon cahier. Je regarde l'heure, il ne reste que dix minutes à faire passer. Dehors, il fait beau. Les oiseaux chantent et les arbres sont fleuris. J'embête Lyse et nos discussions recommencent. C'est une personne à laquelle je tiens beaucoup, pour qui je serais prête à donner n'importe quoi. Quand on était gamines, on avait cette même phobie de l'eau, et c'est avec cette dernière que l'on s'est trouvée un point en commun, puis deux, trois, et une bonne cinquantaine. 

Ces années d'insouciance me manquent, beaucoup. 

Le cours est fini, enfin, j'ai l'impression d'avoir attendu 3 jours dans cette salle. Je sors la première. Je suis curieuse de voir si le garçon qui ne cesse de me briser le cœur scrute le même couloir que moi : à priori, non. 

Les cours s'enchaînent, la pause de midi s'en suit. Lyse et moi partons manger. Entrées dans le self, nous posons nos plateaux sur une table et s'installons. 

Avec un peu de purée dans la bouche, Lyse regarde derrière moi et se met à sourire, comme une femme fatale bien amusée par la situation. Curieuse de connaître le pourquoi du comment, je me retourne et vois un jeune homme blond, avec de grands yeux bruns, donner un coup de coude à un autre à sa droite. Je regarde Lyse à nouveau, puis un léger rire m'échappe.

- Continue comme ça, et je suis sûre de passer au second plan avant la fin des examens, lui dis-je en souriant, l'air moqueur.

- Arrête de dire n'importe quoi ! Tu ne te rappelles pas ? Toi, toujours avant les autres. Tu passeras toujours avant qui que ce soit, réplique-t-elle sans attendre. 

On dit toujours ce genre de chose, au début.

Je lui souris une nouvelle fois, puis continue mon repas. La bouche pleine, la voyant continuer son cirque, je lève les yeux gentiment au ciel, soupire et lui dis : 

- Aller, parle-moi de lui. Elle s'empresse de me répondre, toute hystérique. 

- Ethan, 19 ans, redoublant de première année, ce qu'il est beau ! Elle pose sa tête sur le dos de ses deux mains croisées, et le regarde amoureusement.

- Tu n'as pas l'air de le laisser indifférent non plus, tiens. 

Lyse est tout le temps comme ça. Elle s'amuse à plaire, à sourire de mille façons pour que les autres s'intéressent à elle. J'ai toujours pensé que ce geste venait de l'absence de son père, parti dès son plus jeune âge de la maison, la laissant elle, sa mère, et ses quatre autres frères et sœurs sans dire un mot. Elle cherche peut-être cet intérêt des hommes, qu'elle n'a jamais eu l'occasion d'avoir avec son propre géniteur. Elle plaît donc, mais ne tombe pas amoureuse, d'après elle. C'est seulement pour l'histoire d'un court instant. Elle dit souvent : " On a qu'une seule vie, pourquoi la laisser s'échapper et emporter je ne sais combien d'occasions avec elle ? ". Elle n'a pas tout à fait tort, je crois. 

On finit notre repas, puis l'on repart. Une fois dehors, sous les rayons du soleil, son téléphone sonne, elle s'arrête alors et lit son message. Elle me regarde un léger sourire aux lèvres, et m'annonce que le professeur qui nous enseigne l'anglais ne sera pas là cet après-midi. On décide alors de rentrer chacune de notre côté, ayant prévu de travailler un peu le commentaire à rendre pour demain. 

Lyse s'en va d'un pas galant, ayant une chambre d'internat un peu plus loin. De mon côté, je passe un coup de fil à ma mère, et lui demande de venir me chercher. Elle râle, parce qu'elle cuisinait, puis m'annonce qu'elle arrivera d'ici une quinzaine de minutes. 

Ma mère cuisine beaucoup pour Sam et moi. Quand on rentre des cours, il y a toujours des gâteaux qui nous attendent sur la table du salon. 

Nils passe devant moi, on se sourit. Assise sur un rebord de trottoir, il me rejoint et s'assoie à son tour. 

- Alors ? Qu'est-ce que tu fais là ? 

- J'attends ma mère, je n'ai plus cours, elle ne devrait pas tarder, répondis-je. 

Il rigole, mais je ne comprends pas pourquoi. Je ne crois pas avoir dit de bêtise pourtant.

- Je te demandais plutôt ce que tu faisais dans cette fac, à quoi ressemblent tes futurs projets ?

Je me mets alors à rire. Effectivement, j'étais un peu à côté de la plaque.

- Pour le moment, je ne sais pas vraiment. Le journalisme me paraissait intéressant, mais plus le temps passe, et plus ce métier commence à m'agacer, et à m'effrayer. 

- Je ne suis pas du même avis que le tien, je pense plutôt que c'est un métier qui nous est très utile, certains en abusent juste, question d'argent sans doute, me répond-t-il. 

- Oui, sans doute, dis-je fixant le sol. 

- Moi j'aimerai devenir éditeur.

Je souris, et lui souhaite d'y arriver, c'est un joli métier. Après quelques secondes de silence, il annonce :

- Tu as l'air triste.

Un peu confuse, je lui réponds que je ne le suis pas, et qu'il se trompe. 

Comment être triste ? J'ai une famille aimante, je suis dans les études que je voulais faire depuis quelques années, avec en somme une amie formidable. J'ai un toit, un lit, de l'eau potable et de quoi me nourrir. Je ne manque de rien. 

- Pourtant, je suis certain que tu l'es, continue-t-il. 

Est-ce que tout ce que j'ai cité plus haut ne me suffit pas à sourire ? Et s'il me manquait quelque chose que je ne connaissais pas ? 

Arron. 

Je relève la tête et aperçois la voiture de ma mère. Je me lève rapidement, salues Nils et m'en vais. Ça ne pouvait pas mieux tomber pour fuir ses paroles, cette situation. Je ne me retourne pas, c'est étrange d'avoir une conversation pareille avec quelqu'un d'encore inconnu. C'est étrange de savoir que quelqu'un se souci de mon moral, alors que moi-même je ne le fais pas. Plus j'avance, et plus je sens son regard peser derrière moi. 

Je monte dans la voiture, souris à ma mère, et pose un dernier regard en direction de Nils. Il se relève et se dirige ver le self, avant de me regarder une dernière fois. 

La route me paraît longue et silencieuse, le paysage défile pourtant si vite. 

Une fois chez moi, je monte dans ma chambre, pose mon sac à toute vitesse et m'affale sur mon lit. Je m'enfonce dans ma couette, et sens l'odeur de la lessive. J'y suis bien, je n'ai même plus l'envie de bouger, seulement de dormir sans ne jamais commencer à travailler. 

Je ne suis pas la meilleure, mais je ne suis pas non plus la plus mauvaise des étudiants de ma section. J'aime travailler, mais comme tout le monde, j'ai des matières qui ne me plaisent vraiment pas, et donc pour lesquelles j'ai du mal à donner de moi-même. 

Je m'assoie à mon bureau, sors une feuille, et me mets à rédiger quelques phrases par-ci par-là, pour organiser mes idées. 

Mon téléphone, devant moi, s'allume. J'ai reçu un message, que j'attendais depuis déjà trop longtemps. 

Seule.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant