XXXII. Unique

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XXXII. Unique

Il y a des journées que nous aimerions ne jamais vivre. Il y a des journées qui, avant même de les avoir vécues, nous semblent perdues d'avance. Il y a des journées qui nous achèvent et nous malmènent.

— Etes-vous certaine de vouloir vous rendre à l'exécution de votre père ? me demande pour la millième fois Lancelot.

Je hoche la tête alors que j'enfile la nouvelle robe qu'il m'a offerte chez le tailleur. Je m'observe dans le miroir de notre chambre, puis me tourne vers lui avec un sourire déterminé.

— Certaine.

Mon bel ami me semble tourmenté par autre chose. Il passe une main dans ses boucles châtaines, puis fait un pas vers moi, l'air angoissé. Ce n'est certainement pas la vue d'un cadavre qu'il appréhende. En tant que médecin, il a dû en voir des centaines.

— Ne me regardez pas comme ça, Lancelot, vous me stressez.

Il tente un sourire, mais le cœur n'y est pas. Je le connais désormais si bien que chacune de ses émotions me frappe en pleine poitrine et me terrasse avec intensité. Lorsqu'il est heureux, je le suis doublement.

Et inversement.

En croisant son regard anxieux, je panique intérieurement, mais tente de ne rien laisser paraître.

Il ne va quand même pas m'annoncer une mauvaise nouvelle alors que dans quelques heures, le corps de mon père va pendre au bout d'une corde ?

— Je dois vous parler de quelque chose, mais je n'ai aucune idée de comment m'y prendre.

Et si... Il va m'annoncer une putain de mauvaise nouvelle.

Lancelot commence à faire les cent pas dans la pièce, perturbé et plongé dans ses pensées. Il cherche sans doute à remettre ses idées en place, mais en agissant ainsi, il me donne une furieuse envie de fondre en larmes. Soudain, il s'arrête devant moi, attrape mes mains et plonge ses délicieuses pupilles dans les miennes. Il prend une profonde inspiration.

— J'y pense depuis plusieurs jours déjà. Vous savez que mon nouvel emploi m'attend à Nantes.

Non.

Je refuse.

Ne me quitte pas une nouvelle fois, Lancelot Barante.

— Accepteriez-vous de venir avec moi ?

Je reste longuement suspendue à ses lèvres, incapable de la moindre parole. Je m'attendais à tout, sauf à cette proposition. Il n'imagine sans doute pas à quel point mes neurones font la fête dans mon cerveau. Comme je ne réponds pas, mon amant grimace et baisse les yeux sur nos mains liées.

— Je sais ce que vous allez dire. Que vous êtes mariée à Hector et que si vous quittez la ville, les rumeurs diront que...

— Les rumeurs diront ce qu'elles veulent.

Lancelot redresse la tête et écarquille les yeux en m'entendant.

— Je n'ai que faire des rumeurs, insisté-je.

Ses iris pétillent d'un bonheur radieux.

Et j'en suis la cause.

C'est une sensation incroyablement grisante.

— Je viendrai avec vous à Nantes. Et n'importe où vous voudrez de moi.

La main de Lancelot se pose sur ma joue, tandis qu'il réduit peu à peu la distance entre nous. Ses lèvres effleurent les miennes avec délicatesse, sans réellement les embrasser. Impatiente, je fonds sur sa bouche pour mettre un terme à cette douce torture. Notre baiser dure une éternité et pour une fois, j'en oublierai que je ne suis pas son seul amour.

VICTOIRE - La théorie de la RenaissanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant