II - 4. Revue de presse

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22 décembre 2018 – 1400 mots


Le Temps de l'Hiver, 27 mars 2010

« Il importe que le grand public n'y voie pas une source d'inquiétude et que le professionnalisme de nos forces de sécurité lui inspire la confiance. » – c'est lui qui le dit.

Curieuse opération de communication que celle du colonel Viktor, récemment promu général en chef – à défaut d'être général tout court – de la garde nationale de notre beau pays. Tant qu'à rassembler plus de mille membres de la police et de la garde au cinéma La Splendeur du centre-ville de Twinska, on se serait attendu à ce que le généraillon leur fasse une démonstration de chant lyrique ; or on en a eu pour son argent, car on a bien chanté, mais plutôt faux.

Pour commencer, public twinskayen, sors de ces turpitudes où le silence coupable de nos vampires politiques te jette depuis avant-hier : oui, c'est bien Eden qui s'est écrasée hier soir sur Daln ; oui, il n'en reste plus la moindre miette, et oui, c'est une catastrophe dont on n'a pas fini d'entendre parler. Pour autant, si catastrophe il y a, c'est qu'il y a coupable, et le Temps de l'Hiver t'en propose déjà un, de coupable : monsieur Viktor lui-même, qui a appris à tourner sa langue de bois sept fois dans sa bouche avant de parler et qui, après dix minutes d'exercice, considère sans doute que le bon peuple en a pour sa faim.

Car si monsieur Viktor, sous l'œil complice de notre débonnaire ministre de la police, en plein échange de blagues grivoises avec un transfuge de la noblesse Fallnirienne en décrépitude (le lecteur attentif aura reconnu le baron Jassois, que l'on ne présente plus, qu'on salue bien et à qui on conseille de rentrer chez lui avec ses cliques, ses claques et sa maîtresse-chanteuse), si monsieur Viktor, donc, prétend à grand renfort de « professionnalisme » que tout va pour le mieux tant que ses bottes sont bien lustrées, il n'en est rien. Ouvre les yeux, peuple de Twinska, c'est la guerre. Pour l'heure, contre personne, donc contre tout le monde.

Plus efficaces que nos vampires politiques, moins mous que les archanges qui traînent encore leurs savates en attendant l'été, nos confrères fallniriens du Rematin, dont les envoyés spéciaux sont déjà sur place, ont déjà estimé « fort probable » qu'il ne s'agit pas d'un accident. Ici, au Temps de l'Hiver, nous clamons haut et fort : ce n'est pas un accident ! Daln est en guerre, peuple de Twinska, et Daln attend dans la terreur que celui, celle ou ceux qui ont abattu l'ordre d'Eden se fassent connaître, afin qu'on les silence – ou du moins qu'on essaie !

Car ce n'est pas avec notre pétulante garde nationale, ce n'est pas avec nos politiciens dégrossis qu'on va faire quoi que ce soit. Quant aux anges, qu'on réclame à cors et à cris dès que le moindre indigent se casse la cheville en trébuchant sur les pavés devant les appartements d'Igora Matiev, ils ont une bonne raison de manquer à l'appel : leur chère cité est en miettes. Daln, ô notre planète, te souviens-tu du temps avant Eden ?Nous pas, puisqu'il remonte au moins à mille ans, et ce n'est pas certain. Si par hasard tu t'en souviens, sache que c'est ce qui t'attend, et le moins qu'on puisse dire, c'est que ce n'est pas rose.

Une source d'inquiétude ! Il a bon dos de dire ça, monsieur Viktor, juste avant de remonter dans sa voiture blindée. La source d'inquiétude, aujourd'hui, c'est que nous ne savons pas pourquoi et nous ne savons pas qui ; lorsque seront obtenues les réponses à ces questions – et pour ça, nous faisons confiance à nos collègues en Salvanie Orientale – gageons que notre inquiétude aura de nombreuses autres raisons. On ne te l'avais jamais faite, celle-là, peuple de Twinska, mais voilà : le Temps de l'Hiver est sur nous et nul ne sait à quel point il va faire froid. Resserre ton manteau et ferme bien ta porte en sortant. C'est la guerre.

La Chute d'EdenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant