Le garçon dans le noir ( S&T) T.1

Chapitre 3 (suite)

Travis occupait l'extrémité d'une table au fond de la cantine. D'aventure d'autres élèves s'y installaient mais, mais il pouvait en général passer un repas tranquille.

En général...

Il observa un groupe de filles débarquer. Que les gens vivent leur vie différemment ne le dérangeait pas. Ce qui l'agaçait, c'était ce tapage qui suivait souvent l'arrivée d'un groupe.

Il ne restait qu'une place entre lui et la fille à sa droite, deux en face de lui. C'est pourquoi il regarda bouchée bée une adolescente aux cheveux roux ondulés s'installer juste devant lui, laissant ainsi un espace vide entre elle et son groupe de copines.

Sans même le regarder, elle s'empara de son bol de salade légèrement flétrie, et la fit passer devant son assiette de frites.

— Tu devrais voir ta tête, c'est hilarant ! Hey, c'est à toi que je parle.

Travis releva la tête, plantant ses yeux dans les siens.

— Pardon ?

— On dirait que tu as vu un ovni se poser devant toi.

— C'est presque ça... marmonna-t-il.

— Ça me faisait pitié de te voir tout seul.

Les sourcils froncés, il regarda la jeune fille déchirer un sachet de mayonnaise et le déverser sur son plat.

— Je n'ai besoin d'aucune pitié, merci. Tu peux rester avec tes copines.

Elle se fendit d'un profond sourire. Son visage irradiait la bonne humeur, ce que Travis trouvait étonnant au regard de ses dernières paroles.

— Sans façon. À l'autre bout de la table, je rate les trois quarts de la conversation, et puis je préfère être assise près d'un joli garçon.

Elle piqua voracement à la fois sa salade et ses frites.

— Tu pourrais dire merci au moins, ajouta-t-elle.

Travis pinaillait dans son assiette. Il baladait deux ou trois frites d'une extrémité à l'autre.

— Si je te dis merci, ça fait narcissique et ça laisse penser que je suis d'accord avec toi. Si je te dis au contraire que je ne suis pas d'accord, on va se lancer dans des grands discours sur la subjectivité de la beauté, ce qui ne rime à rien puisque, comme je viens de le dire, c'est une notion subjective.

— Oh mais quel rabat joie ! soupira-t-elle. Tu t'appelles comment ?

— Travis.

Elle stoppa sa fourchette devant sa bouche.

— Un prénom anglais ?

La fourchette finit par atteindre son but. Ses yeux marron ne le quittaient pas, brillants de curiosité.

— Ma mère est anglaise.

— Trop cool ! Tu es bilingue alors ?

Travis lui lança un regard semi-suspicieux. Quand elle ne le dévisageait pas, elle se concentrait sur son plat.

— Je me débrouille...

— Je suis une quiche en anglais. Vraiment. Ma famille n'arrête pas de me dire que c'est une langue super simple comparé au français. Mais hé, le français je l'entends depuis toujours, depuis avant même que mon cerveau s'allume. Ils n'avaient qu'à me parler anglais dès la naissance si c'est si important.

Ce monologue le fit sourire.

— Ils ont raison, ce n'est pas si compliqué...

— Oh tu ne vas pas t'y mettre toi aussi !