Chapitre 16 : Le soi-disant calme

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– Cole –

J'avais passé de longues minutes auprès des secours qui s'assuraient de mon état. Bien rapidement, ils en conclurent que je n'avais rien de grave, du moins, physiquement. J'essuyais le sang sur mes bras tandis que Lisa m'observait, assise sur le rebord du van des secours.

— Et qu'est-ce qu'il va se passer maintenant ? me demanda-t-elle, assez naïvement.

— J'en sais rien... On est censés reprendre une vie normale...

— Parce que tu vas y arriver ?

— J'en sais rien...

Elle m'invita à m'asseoir à ses côtés et même si je fus assez réticent aux premiers abords, je cédai à sa proposition. De toute manière, Heather avait été prévenue que des médecins me prenaient en charge avant de me libérer.

— Lisa... Il faut que je m'excuse pour mon comportement. J'ai agi comme un con avec toi. Que je t'accepte de nouveau dans mon entreprise a énormément blessé ma femme... et ça pourrait justifier ce que je t'ai fait endurer... mais non. J'ai été exécrable avec tout le monde au travail.

— Ne t'excuse pas. J'ai ma part de responsabilité aussi, rétorqua-t-elle en penchant sa tête. Et puis ça serait le comble de demander à un homme comme toi, PDG d'une aussi grande entreprise de se montrer "sympa".

Elle laissa échapper un petit rire et regarda brièvement au ciel tandis que je ne réagissais pas, muet. Visiblement, cette étiquette d'homme pressé et tout ce qui s'en suivait me collaient à la peau. Puis elle reposa son regard sur moi.

— Je vais laisser tomber Sheridan... et aussi Viviane... C'était complètement immature de ma part.

— J'étais censé être celui qui m'excuse, lançai-je, assez dubitatif.

— Je suis toujours celle qui est venue foutre la merde dans ta vie, répliqua-t-elle en haussant des épaules.

— Tu agis d'une manière très calme après... après ça...

— Tu sais, moi aussi j'ai une histoire. Toi aussi tu en as une... et on est tous différents.

Elle sortit un paquet de clopes de sa poche et m'en proposa une que je ne pus refuser. Brièvement, elle alluma ma cigarette puis la sienne.

— Et comment tu as trouvé pour Viviane ? demandai-je en m'y rappelant soudainement.

— Tu l'as surnommée "connasse d'ex chiante" sur ton répertoire, répondit-elle, un sourire en coin.

Renommer ses contacts était un bon moyen pour comprendre qu'il ne fallait pas leur répondre.

— Et tu peux m'expliquer comment tu as eu accès à mon portable ?

— J'avais le choix entre 0000, 1234 ou ta date de mariage, lâcha-t-elle en arquant un sourcil, amusée.

Maligne et débrouillarde, comme toujours, mais une curiosité bien trop malsaine qui déplairait à la plupart. Cette fois-ci n'était pas une exception.

Je tirai une bouffée sur ma cigarette malgré ma main tremblante. Cette douce et toxique sensation qui parcourait mes poumons m'avait manqué. J'en avais vraiment besoin...

— Si tu veux, tu peux retourner travailler dans mon entreprise, lui proposai-je calmement. Je vais essayer de diminuer mon temps de travail et j'ai besoin de personnes compétentes... Et après avoir vécu ça, travailler avec quelqu'un qui peut mieux me comprendre ne serait pas de refus... Enfin, si ça te tente...

— C'est bien payé ?

— Tu connais le salaire.

Elle accepta ma proposition et celle-ci fut scellée par une simple poignée de main.

Du coin de l'œil, j'aperçus Asra qui était encore examinée par les médecins et dont sa brève consultation allait bientôt se terminer. Je finis ma cigarette et la jetai au sol. Mon regard fixa stupidement le mégot qui se consumait par terre jusqu'à ce que la voix de Lisa m'interpelle :

— Au fait, pour que les choses soient claires, je ne suis pas amoureuse de toi. Si le doute plane, ça va forcément interférer avec ta famille...

— Ça tombe bien, je ne suis pas amoureux de toi... Enfin, plus...

— Parfait alors, soupira-t-elle, presque soulagée.

Nous nous échangeâmes un dernier sourire et je m'approchai d'Asra. Dès que les médecins la libérèrent en me conseillant de l'emmener consulter un psy, elle se jeta dans mes bras, en pleurs. Tout comme elle, j'avais envie de pleurer, mais je me retins.

Quand je la relâchai, Heather, Nash et Paris qui tenait Clyde dans ses bras s'approchèrent. Ce fut au tour de ma femme de se jeter dans mes bras. Elle me serra fermement, m'assurant que j'étais bien vivant tout en déversant ses larmes d'inquiétude sur mon épaule.

— J'ai eu tellement peur, murmura-t-elle.

— Ce n'est rien... Tout va bien maintenant, tentai-je de la rassurer de ma voix tremblante.

Elle finit par me relâcher et j'essuyai la tristesse et l'angoisse qui perlaient du coin de ses yeux. Elle essaya tant bien que mal de sourire et les commissures de ses lèvres se soulevèrent légèrement.

— Tout est fini. Ça ne se reproduira plus, lui assurai-je.

Elle hocha la tête, timidement. De toute manière, personne n'était encore serein pour l'instant. Ce n'était plus qu'une question de temps avant que l'on retrouve un équilibre suffisamment stable.

Heather se tourna vers Asra qu'elle prit à son tour dans ses bras tandis que je m'emparai de Clyde pour le serrer contre moi. Il ne réagissait toujours pas, mais sa bouille m'avait manqué.

Durant ces dernières heures, j'avais tellement craint pour ma famille, bien plus que pour moi-même. J'avais commencé à me faire à l'idée que je pourrais ne plus jamais les revoir, aussi atroce fût-il.

Puis mon regard se posa sur Nash qui semblait plus ou moins compatissant. Il avait des tas de questions à me poser, mais il se retint, ne voulant pas paraître maladroit. Finalement, il céda à la tentation de m'en poser une, bien qu'elle soit simple et complètement naïve :

— Ça va ?

— Je suppose, je suis vivant au moins, répondis-je, la voix tremblante.

Il hocha juste de la tête comme réponse. De toute façon, j'avais à peine envie de parler. Pour l'instant, tout était encore bien trop frais dans mon esprit.

— Eh bien, je vais vous laisser, mais si jamais vous avez besoin d'aide, n'hésitez pas à m'appeler.

— D'accord, souffla Heather.

Dès qu'il partit, le regard de Paris devint bien plus pesant. Elle aussi avait envie de dire quelque chose et ce n'était pas dans ses habitudes qu'elle se taise aussi facilement.

— Paris ? Il y a un problème ? m'enquis-je.

— Il faudra qu'on parle de quelque chose tous les deux... C'est juste que ce n'est pas trop le moment. Ça ne presse pas, on en parlera un autre jour...

— Comme tu veux.

— Mais je suis contente que tu sois sain et sauf et c'est le principal pour l'instant, déclara-t-elle presque mal à l'aise.

Elle fit un bref signe de main avant de disparaître. Soudainement, je soupirai longuement, soulagé qu'un poids vienne de s'envoler. Cependant, j'avais encore une étrange sensation au creux de l'estomac. Normalement, ça ne devrait pas durer...

Je levai alors mon regard vers le ciel en espérant vraiment avoir de meilleurs jours bientôt...

La Décadence des Flamants - Tome 5Où les histoires vivent. Découvrez maintenant