Chapitre 35 - Owen

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Une habitation coquette, placée au cœur d'un écrin de verdure...

C'est le décor que je rencontre lorsque notre chauffeur laisse le moteur assourdissant s'éteindre dans l'allée.

HJX1240 n'a fait aucune vague. Son butin posé sur les genoux, il a passé ces dernières minutes à scruter l'appui-tête de notre « sauveur ». Les quelques regards que je lui ai lancés n'ont pas eu pour effet de le tirer de sa contemplation.

Il doit avoir besoin de défragmenter son disque dur à force de le remplir de calculs à outrance...

- Voilà ! Nous y sommes. Évitez de faire trop de bruit. Clara et Shirley doivent dormir profondément...

L'homme trapu quitte son siège pour nous guider jusqu'à la porte. L'éclairage qui filtre au travers d'une lucarne met en doute cette indication. Sa petite famille n'est peut-être pas en train d'arpenter la cité des rêves.

- Tiens ?

Il joue l'étonnement en discernant une clarté inhabituelle au fond du couloir.

- Oh bordel... Patientez ici...

Après avoir décrotté ses semelles sur le tapis et suspendu son épais manteau en laine à une patère, notre hôte s'éloigne. Ma curiosité est immédiatement piquée par l'étroit escalier. De l'étage, une seconde source lumineuse tamise l'ambiance.

Je me demande si toute la maisonnée n'est pas réveillée...

Des éclats de voix.

Une silhouette perce la pénombre.

- Je savais qu'un jour ça recommencerait !

Sa femme passe à proximité en nous ignorant. Elle grimpe vélocement les marches, une bassine entre les mains.

- Et c'est de ma faute, Clara ?

L'étranger revient, puis s'accoude contre la rambarde. Il attend un verdict, les traits tirés par les sillons du désespoir.

- Il aurait fallu que tu y réfléchisses avant !

Je me sens comme un parasite pris dans l'étau d'une querelle qui ne le concerne pas.

Le prototype assiste à cette scène sans pour autant se montrer perturbé.

- Veuillez l'excuser... Elle est à cran, ces derniers temps...

Sa moue révèle l'importance de son embarras.

- Vous n'avez pas à vous justifier. Je pense qu'on ferait mieux de partir...

Je tourne les talons et saisis la poignée, prêt à sortir.

- Non ! Restez ! Ça me fait plaisir. Nous n'avons que trop rarement des invités.

Il est facile de s'apitoyer sur un ton aussi complaisant. La promesse du gîte et du couvert contre le ravissement d'une compagnie. Son couple, au bord de l'asphyxie, lui cause vraisemblablement une pléiade de soucis.

- Suivez-moi à la cuisine ! Je suis convaincu que vous raffolerez d'un savoureux chocolat chaud...

Ce tsunami d'arguments emporte un éventuel retour à la lucidité.

Une nouvelle fois, je succombe à l'appel de la tentation au détriment de notre sécurité...

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