Ne m'oublie pas ʸᵒᵒⁿᵐᶦⁿ

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«— J'ai toujours pas compris comment ça fonctionne. Nos dossiers d'inscription, il faut les poster en ligne?

Un blond soupire longuement avant de répondre d'une voix lasse.

— T'as déjà créé un compte, au moins?

— Bien sûr, s'offusque le premier. Eh, quand même, je prends mes études au sérieux.

— Mmh. On s'appelle ce soir et je t'explique en détail, si tu veux.

— Oh je veux bien, merci!

— C'est quand déjà la date limite pour soumettre son dossier? Demande alors un garçon aux cheveux noirs, la tête posée contre la vitre du bus.

— Le 15 novembre, sauf si tu veux faire médecine, là c'est en octobre.

— Pff, c'est vachement tôt quand même. Ils sont chiant en Angleterre à mettre des dates aussi tôt dans l'année.

Le brun acquiesce.

— Vous voulez étudier quoi déjà?

— J'ai trouvé un super programme qui combine Histoire et Art et qui offre en plus de faire tes études à l'étranger pendant la troisième année, du coup je vise ça. Mais sinon, en plan B, Science-po parce que ça m'intéresse aussi, répond le blond.

— Moi je vais étudier ingénierie, et j'espère réussir à rentrer dans l'université que je veux parce qu'ils ont un programme très complet. Sinon il y a d'autres unifs' qui me plaisent et qui ont aussi des cours pas trop mal.

C'est le garçon aux mèches ébènes qui vient de parler, et il se tourne finalement vers la quatrième personne assise, près de la fenêtre, regardant la ville qu'elle connait si bien défiler sous ses yeux.

— Désolé si on t'embête Jimin, je sais que t'aimes pas trop qu'on parle de ça.

Jimin se tourne vers eux et sourit gentiment, mais ses yeux ne disparaissent pas sous ses joues.

— Oh, ne vous inquiétez pas, ça ne me dérange pas! Je comprends que vous ayez envie d'en parler.

Son ton est convaincant, et ses amis le remercient de sourires sincères avant de dévier sur une conversation plus légère.

Les écouteurs dans les oreilles, la musique en pause et installé sur un siège un peu plus loin, je vois la lueur de soulagement qui traverse les yeux de Jimin lorsqu'il prend enfin part à la discussion. »

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Sa tête levée vers moi, j'aperçois clairement la douleur dans ses iris brunes. Ses yeux sont rougis, ses joues humides, sa respiration saccadée, ses lèvres tremblantes.

Délicatement, je prends son visage en coupe et sèche les larmes à l'aide de mes pouces.
Jimin laisse tomber ses bras le long de son corps, mais son regard ne quitte pas le mien.
Il attend une réaction de ma part, je le sais.

J'aurais dû me rendre compte que quelque chose n'allait pas.
Comment ai-je pu être aussi aveugle?
Préoccupé par mon propre futur, j'en ai oublié mon présent.

Ignorant son regard d'incompréhension, je retire mon manteau et le lui enfile. Il essaye de refuser mais je ne l'écoute pas, alors il finit par céder, probablement trop fatigué et frigorifié pour me contredire.

Je frissonne lorsque le vent froid du mois de Novembre vient taper contre mon sweat-shirt gris, mais je ne dis rien.

— Marchons un peu.

Alors, je lui prends la main. Sa paume est glacée, mais je sais que la mienne la réchauffera dans quelques instants.

Nous avançons en silence, côte à côte. L'obscurité de la nuit nous enlace, nous enferme dans une bulle que personne ne pourrait éclater. Les lampadaires éclairent de temps à autre nos visages aux nez colorés par le froid et nos doigts liés un peu trop confortablement.
Nos pas continuent dans un parc, où les bruits d'écoulement d'un petit ruisseau nous accueillent.

Et soudainement, je me mets à courir.

— Yoon- Mais-!

Jimin essaye de parler, mais ma main dans la sienne lui coupe la parole et l'oblige à accélérer à son tour. Alors il court, trébuchant parfois sur des racines ou des pierres cachées sous l'herbe épaisse.
Le paysage nocturne défile vite autour de nous et nos foulées sont rapides et désordonnées sur le gazon.

— YOUHOUUUUH! Je hurle abruptement, et ma voix résonne en échos dans la nuit fraîche.

— Yoongi! Mais- mais qu'est-ce que tu fais?

Jimin respire péniblement et je dois sans aucun doute passer pour un fou à ses yeux, mais je continue à courir, me délectant de l'air qui lèche mon visage; du froid qui réveille mes sens. De la buée sort de nos bouches à chaque expiration et vient former de petits nuages avant de s'estomper dans l'air et de rejoindre ceux qui couvrent le ciel.

—  À toi! Je lui cris, et il secoue la tête, outré, comme si je lui demandais de commettre la plus grande bêtise du monde.

— Quoi? Non!

— YOUHOUUUU! Je gueule à nouveau, plus fort encore que la dernière fois, puis je me met à rire, haut et fort.

— Yoongi!

— JIMIIIIIIIN!

Son prénom retentit dans le parc. Quelques oiseaux s'envolent, dérangés par notre raffut tardif.

Et, enfin, Jimin glousse, peut-être par l'absurdité de la situation. C'est un petit rire mignon et discret qui s'envole directement, mais il sonne à mes oreilles comme la plus douce des mélodies.

— T'es pas croyable... je l'entends dire, et cela me motive à continuer.

— JIMIIIIN!

— Je ne le ferais pas, insiste le concerné en souriant légèrement, amusé.

— JIMIIIIIN!

— Je te dis que...

— JIMIIIIIN!

- Bon sang... YOONGIIIIII!

Je me tourne vers lui et aperçois, enfin, le sourire sincère qui illumine son visage aux joues rosées.

Il rit à nouveau, plus fort, et je le rejoins dans son hilarité, jusqu'à que nos pieds se prennent dans une branche et que nos corps essoufflés roulent sur l'herbe mouillée.

Alors, nous continuons à rire, nos visages dirigés vers les cieux sans étoiles.